Accueil > Décembre 2014 / N°28

La Gare va devenir un « pôle d’échanges multimodal »

Sous la novlangue, les humains

Tout commence par une idée foireuse du rédac’chef : « Ce serait super que tu écrives un papier autour de la gare et de sa future transformation en ‘‘pôle d’échanges multimodal’’. » Ne voyez pas dans son enthousiasme une éventuelle passion pour un sujet original : si le boss veut qu’on parle de la gare, c’est parce que cet endroit, tout le monde connaît, tout le monde y passe de temps en temps, donc : ça peut faire vendre. Le Postillon vous propose donc un véritable article multimodal, entre valises à roulettes, Poste 3, gens de la rue magnifiques et cheminot averti.

Le problème avec la gare, c’est que ce n’est pas un quartier. Si tout le monde la fréquente, personne ne l’habite. Qui aller rencontrer ? Le chef de gare ? Bof, j’aurais aimé plus original. J’ai donc erré quelque temps à la recherche d’une idée, d’un détonateur, d’une spécificité de ce lieu si impersonnel pour lancer mon article. J’ai pensé un moment faire une histoire critique de la valise à roulettes, les véritables objets-fétiches de la gare, ambianceurs sonores et éléments stylistiques incontournables. Mais ça aurait été sûrement chiant comme une thèse.

Je me suis arrêté longtemps devant ce curieux « Poste 3 », situé à cent mètres de la gare, en direction de l’Estacade. Une jolie petite maison carrée, coincée entre les rails et un petit pont une voie, entourée d’arbres, qui dégage quelque chose de très singulier : le charme d’être en plein milieu de la ville mais de ne pas en faire partie. Comme elle a de la chance, cette petite maison. Comme j’aimerais être à sa place à côté de tout mais ne ressemblant à rien. Bien entourée mais extraordinairement indépendante. En pleine hostilité, mais dégageant une incroyable sérénité. Comme j’aimerais passer un moment avec ses « habitants », ceux qui viennent y travailler pour aiguiller les trains sur les bonnes voies. Mais ce n’est pas possible, une pancarte indique « il est formellement interdit de pénétrer dans les emprises du chemin de fer sous peine de procès verbal », et puis les travailleurs ont leur devoir de réserve, et la direction de la SNCF aucune raison de laisser un pauvre plumitif local aller dans un tel endroit.

La gare, le quartier général des non-voyageurs

« M’sieur, vous ne devinerez jamais ce qu’il m’arrive, je n’ai plus d’argent. Vous n’auriez pas une petite pièce pour moi ? » Il ne faut pas être particulièrement observateur pour remarquer que ceux qui passent le plus de temps à la gare, ce ne sont pas les voyageurs, mais justement ceux qui ne peuvent pas voyager : les sans-sous, sans-toits, sans-smartphones, sans-perspectives. S’ils viennent ici, c’est parce que la gare est le lieu le plus propice de la ville pour « taper la manche » : il y a sans arrêt de nouvelles personnes.

Serge vient ici presque tous les jours depuis vingt-trois ans. Il est arrivé à Grenoble par hasard : après avoir quitté l’armée et s’être fait larguer par sa copine à Toulouse, il s’est retrouvé à dormir dans la rue ou dans des wagons. « Un soir je me suis endormi bourré, quand le contrôleur m’a réveillé, il m’a dit ‘‘voilà vous êtes arrivé à Grenoble’’. Je ne croyais pas qu’il allait partir, moi, ce wagon ». Depuis, il a fait son nid ici et vient passer quelques heures devant la gare dès qu’il a besoin d’argent. « La gare, c’est le seul endroit de Grenoble où tout le monde se mélange. Il n’y a pas de milieu ici, il y a tous types de gens, c’est le seul endroit où tous les cœurs se rencontrent. Au niveau des gens de la rue, il y a vraiment une différence entre la gare et le centre-ville. Au centre-ville, il y a plus d’agressivité, plus de tensions. À la gare il y a des embrouilles bien sûr mais les gens méchants ne restent pas longtemps ».

Du haut des ses quarante-six ans, Serge a une sensibilité aigüe, une sensibilité tourmentée : « Moi je dis aux gens ‘‘je ne suis pas un menteur, je ne suis pas un hypocrite, quand je viens vers toi c’est pour te taper un peu d’argent, mais avant tout c’est toi qui m’intéresse’’. J’aurai jamais beaucoup d’argent c’est sûr mais il y a un truc que j’aurai toujours : c’est mon cœur. Je suis loin d’être parfait, mais si tu pouvais te brancher sur mon cerveau des fois, putain, tu verrais comme c’est compliqué d’avoir vécu tant de souffrances. » C’est-à-dire le quotidien tristement banal et incroyablement épique des « gens de la rue ». Un matin où je le retrouve, il me raconte sa nuit : « j’ai dormi quelques heures dans un hall d’immeuble avant de me faire virer. Qu’est ce que tu veux que je te dise ? C’est qu’une nuit de merde de plus ». Et puis, un soir, il m’annonce qu’il vient d’obtenir une chambre en foyer, dans le sud de Grenoble : « C’est bien mais j’ai le blues de la rue : à la fois je suis bien parce que je ne dors pas dans une cage d’escalier, à la fois je ne suis pas bien parce que j’ai perdu l’habitude, avant j’étais toujours au milieu de plein de gens, là ça me fait bizarre ».

Sa sensibilité, il l’utilise pour peindre, créer des calendriers originaux ou écrire des poèmes. Œuvres qu’il photocopie ensuite en noir et blanc et essaye de vendre aux passants. Ça donne des trucs comme ça :
« Le regard plongé dans les étoiles
Mon âme se perd dans l’infini
La vie est une magie
Alors toi qui comme moi passe un moment sur notre terre
Profite de chaque instant en toute simplicité
Et l’arc-en-ciel éclairera le chemin de ta destinée »

Moi, c’est vrai que j’ai plus envie de « profiter de chaque instant » en traînant avec Serge plutôt que de m’intéresser au « pôle d’échanges multimodal », comme l’aimerait le boss. Tant pis, j’ai qu’à rester encore un moment avec lui. Serge a aussi fait un poème pour son chien, toujours incroyablement tranquille à ses côtés, une de ses plus grandes fiertés : « Celui-là ça fait huit ans que je l’ai, avant j’ai gardé ma chienne Socquette pendant seize ans. Tout le monde la connaissait, c’était la princesse de la gare ». Comme je lui demande de me raconter des histoires autour de la gare, il m’en sort une étonnante : « Il y a quinze ans, j’ai eu une grosse embrouille à l’arrêt de tram avec deux hommes qui avaient braqué le sac d’un gamin. On se bat, les flics arrivent et me mettent en joue avec un flingue. À ce moment-là le chef de la police ferroviaire arrive en courant pour dire aux flics de ne pas tirer. Il me connaissait bien, vu que je traînais tout le temps là-bas. Ça m’a sauvé. C’est pour ça que j’ai eu envie d’écrire un poème, pour lui et tous les gens en uniforme ». Ce poème, il ne le vend pas mais par contre il me le récite :
« Ces quelques mots afin de saluer tous ceux de mes frères
qui pour servir les autres ont choisi l’uniforme
le chemin de l’honneur vous avez emprunté
quel que soit le métier que vous représentez
Savoir aider les êtres dans la difficulté
est l’apanage des plus grands des guerriers
Alors malgré tous les mots que je puisse inventer
Ils ne pourront jamais vraiment saluer votre témérité »

Devant ma mine interloquée, il ironise : « T’appelles pas Saint-Egrève [NDR : où est situé l’hôpital psychiatrique] en partant, hein ? T’inquiète, je vais bien ». Je rigole et enchaîne : « Mais t’as jamais eu de problème avec la police ? - Si, ils m’ont souvent emmerdé mais parce que je déconnais, parce que je faisais chier. Mais la plupart du temps, ils ont été corrects. Par contre quand il y en a un qui me méprise alors que je n’ai rien fait, c’est sûr que j’ai les boules ».
Serge a dormi un peu partout dans la gare, dans le hall ou dans la salle d’attente, « on se fait toujours virer au bout d’une heure ou deux mais c’est déjà ça », dans le passage souterrain « là on pouvait tenir jusqu’à six heures » ou dans de nombreux wagons : « le problème c’est que certains ont foutu la merde, ont tout cassé alors après il y a eu plus de surveillance et c’est devenu plus compliqué ». à force de l’arpenter, il ressent comme un peu d’amour pour cette gare et se méfie donc de sa future transformation (vous aurez remarqué que j’essaye de me raccrocher au sujet) :« ça va changer la personnalité de la gare, enlever un peu de son âme. Ils vont même changer le sol, mais c’est pas rien ce sol, les gens sont passés dessus pour les Jeux Olympiques ».

J’ai plusieurs fois demandé à Serge de me faire visiter l’envers de la gare, les endroits insolites ou il a dormi, traîné, picolé. Mais il n’en a rien à foutre de faire le guide touristique pour scribouillard en mal de sensations fortes – et il a bien raison. Ce qui le préoccupe, c’est que je ne dise pas de mal des gens de la rue, de toutes ces « personnes magnifiques » qui traînent à la gare et sur lesquelles il a tant d’histoires à raconter, comme celle de Michel, « ce sans domicile fixe, aujourd’hui décédé, dormait dans le souterrain de la gare, mettait de côté toutes les pièces rouges que les gens lui donnaient puis les apportait à l’hôpital pour aider les enfants malades ». Et Serge de conclure : « Avec mon expérience, mon cœur et des gens comme toi - je sais pas pourquoi, on se connaît à peine mais je te sens bien - j’aimerais tellement qu’on arrive à faire du bien aux autres gens de la rue ».

Et l’insistance de Serge me questionne : pourquoi vouloir écrire un papier sur un bâtiment quand il y a tant de misère sociale à évoquer, tant d’histoires de vie détonantes à raconter, tant de galères et joies à relater ? Est-ce que le rédac’ chef ne se serait pas - une nouvelle fois- trompé ?

La transformation de la gare cache la déliquescence du service public ferroviaire

Pour en être sûr, reste quand même à discuter avec quelques personnes travaillant dans ce bâtiment. Je vais taper la causette avec le monsieur « Dame Pipi », qui demande cinquante centimes pour accéder aux toilettes. Il m’apprend que les toilettes sont payantes depuis deux ans, que lui est payé par une boîte sous-traitante de la SNCF qui s’appelle La Pyrénéenne, et qu’heureusement qu’il a un salaire fixe parce qu’il y a seulement « entre trente et cinquante personnes par jour » qui payent pour utiliser ces toilettes. Bon. Très bien. Vous trouvez que je me perds ? Moi aussi.

Finalement, je réussis à trouver un cheminot acceptant de me parler, échangeant son devoir de réserve contre le respect de son anonymat. On l’appellera Marc. La vie « sous gare », pour lui, c’est plein de « tranches de vies », mais pas forcément que des bons souvenirs : « Ici, avec un uniforme SNCF, je me suis jamais fait autant insulter de ma vie. Il y a toujours quelqu’un qui court pour aller prendre le train, mais à un moment faut que le train parte quand même. Tu te fais même insulter quand le train part à l’heure : une fois quelqu’un a loupé un train en arrivant deux minutes en retard et m’a crié ‘‘putain normalement il part jamais à l’heure’’. Donc c’est vrai qu’on traîne pas trop sur les quais : dès qu’on a fini ce qu’on a à faire, on se retire parce que c’est assez lourd quand même ».

Ce qui est le plus douloureux pour Marc, ce ne sont pas les insultes mais la privatisation progressive de la SNCF, qui détruit ce service public à feu doux. Qui aboutit des fois à des situations ubuesques pour les usagers. Qui ne changera rien aux célèbres retards et désagréments : « quand quelqu’un va se suicider sous un train qui appartiendra à Colas ou une autre boite privée, il sera arrêté pareil ». Qui pourrit les conditions de travail de salarié. Le jour où je l’ai rencontré, il y avait une petite grève : « C’est contre l’EAS (équipement agent seul) : c’est une réforme pour supprimer les contrôleurs dans les trains. Tu me diras les contrôleurs, ce sont des flics assermentés, peut-être, mais pas que ! ils n’ont pas que la mission de contrôle. Ils sont aussi là pour faire du renseignement, de l’assistance aux personnes, être là en cas de problème. Moi je suis pas sur une position majoritaire dans la boite : je suis pour la gratuité des transports. Mais pourtant je veux qu’il y ait des contrôleurs, peut-être qu’on les appellera pas comme ça s’il n’y a plus de billets mais en gros je suis pour que le conducteur ne soit pas tout seul. Si le conducteur est tout seul et qu’il y a un incident, il n’y aura personne pour aller, par exemple, protéger le train à l’arrière. Et qui sera là pour informer les passagers pendant que le mec dépanne son train ? (…) L’idée de la SNCF, c’est de mettre des caméras pour que le conducteur voie à peu près s’il n’y a pas une poussette coincée dans la porte et puis il y va. Et pour donner des amendes, il y aura des brigades de contrôleurs comme la TAG, parce que ça coûte moins cher. Eux par contre seront juste des cow-boys ».

Cette lente dégradation du service public, Marc l’observe depuis plusieurs années. Et s’énerve contre les situations absurdes qu’elle engendre : « Pour la ligne Grenoble-Valence, toute la presse a applaudi à ‘‘l’électrification de la ligne’’ après un an de travaux. Ils ont même dit que c’était de la double voie, alors que c’était faux... Ce qu’ils n’ont pas dit, c’est que toutes les nuits il y a des gens qui bossent pour réparer les conneries faites par les entreprises privées. Je crois qu’à la réception du chantier, il y avait plus de 1000 réserves, des pas très graves et certaines qui font peur, comme des tunnels qui étaient trop étroits pour faire passer les trains de fret ! »
Aujourd’hui, la SNCF confie généralement les travaux sur les lignes à des entreprises privées pour des questions de coût : « Sur Grenoble-Valence, c’est soi-disant 60 millions d’économies. Bon c’est aussi pour filer de la thune aux ‘‘copains du privé’’ et pour casser la SNCF, parce que nous, cheminots, il paraît qu’on a trop d’avantages. Sauf qu’après si pendant un an toutes les nuits c’est des cheminots qui rattrapent les merdes, je ne suis pas persuadé que cela soit très rentable. Les entreprises privées n’ont pas une conscience collective du bien commun. Si tu fais partie de la famille des cheminots, quel que soit ton métier, tu as conscience que la finalité c’est qu’il y a des trains qui vont rouler dessus, donc tu fais mieux le travail, dans ce soucis de sécurité ».
En plus de gaspillages financiers, la dislocation de la SNCF augmente les risques d’accidents : « Il y a plein d’histoires où on est passé pas loin d’accidents très graves, à cause de négligences, à cause de la direction qui n’a pas voulu prendre en compte des remarques faites par des simples cheminots. Maintenant les agents sur le terrain qui font remonter des choses et qui voient que derrière ils ne se passe rien, ils rentrent chez eux avec leur dossier, en se disant que le jour où ça pète au moins ils seront protégés ».

Tout ça n’a pas grand chose à voir avec mon sujet, mais je ne me lasse pas de l’écouter parler de l’évolution de « sa » boîte : « Dans les années 1950 il y avait 500 000 cheminots, maintenant il y en a 150 000. A l’époque il y avait moins de trains mais plus de lignes. C’est dingue ça aussi : comment ça se fait que la SNCF ait abandonné tant de lignes ? Les voies ferrés sont payées depuis la fin du XIXème siècle pour la plupart, les mecs se sont cassés le dos à faire des rails et nous ça nous gêne pas de les laisser pourrir maintenant. Dans la région la ligne vers Vizille a par exemple été abandonnée au début des années 2000, et aujourd’hui il y a de plus en plus de menaces sur la ligne des Alpes (Grenoble-Sisteron). Ça a été fait par nos anciens, peut-être qu’à l’époque il y avait des opposants, ça passait dans leurs champs, etc, certainement, mais maintenant que c’est là autant l’utiliser parce que personne va la démonter. Aujourd’hui, on est de moins en moins nombreux pour faire rouler de plus en plus de trains. On télécommande. Alors ils sont en train de fermer des bureaux de vente et de réduire la « présence humaine »dans les gares. Maintenant ‘‘tout le monde achète son billet sur son smartphone’’ qu’ils disent. Donc il n’y a plus grand monde dans les gares : s’il y a un problème, l’usager attend tout seul sur son quai, sans info... ».

Bref. Cette évolution est triste, comme celle de La Poste, comme celle de tant d’autres services publics. C’est l’histoire du libéralisme, de la casse des métiers, de la mise en concurrence de tous contre tous, du remplacement des hommes par les machines, du règne du fric et de la rentabilité. Mais ça ne me rapproche pas trop de mon « pôle d’échange multimodal ». Et au fait, qu’est-ce qu’il en pense de ça, Marc ? « Ils veulent jouer sur la cosmétique mais ce n’est pas important pour le devenir du ferroviaire. Ce qui serait vraiment nécessaire pour faciliter l’augmentation du trafic, c’est une ou deux voies en plus. Mais tout a été urbanisé et il n’y a plus de place, c’est pour ça que maintenant, ils vont faire les terminus à Gières. La vraie question, c’est comment ça se fait que la SNCF ait vendu les terrains d’Europole pour un euro symbolique dans les années 1980 alors que maintenant on est coincé. Aujourd’hui, la mairie de Saint-Martin-le-Vinoux veut aussi récupérer les terrains de la Buisserate, là où il y a le triage du fret. C’est certain que sur ce terrain, des petites immeubles de standing remplis de contribuables juste à côté de la presqu’île, ça ferait plus classe. Mais si on n’a plus la possibilité de trier les wagons en local, on ne pourra plus faire de fret. Doivent vraiment aimer les camions... ».

Cette fois, j’en suis sûr : le rédac’chef est un naze. Pourquoi avoir pointé ce sujet alors que l’important est ailleurs ? Qu’est-ce qu’il voulait ? Que j’analyse les plans de ce « pôle d’échanges multimodal », le futur silo à vélo, le « prolongement du souterrain sud », la « création d’un parvis piétonnier », la passerelle aérienne qui était prévue mais qui a été annulée par la nouvelle majorité ?
Que je dénonce les trente-six millions d’euros que vont coûter ces travaux de « cosmétique », que j’imagine à quoi ils auraient pu servir d’utile ? Que je décortique cette dénomination novlanguesque « pôle d’échanges multimodal », que j’insiste sur son absurdité – comme si avant les déplacements n’étaient pas déjà « multimodaux », comme si les gens arrivaient à la gare comme par magie, et non pas à pied, en vélo, en tram, ou en voiture, donc de manière « multimodale » ?

Ce que j’ai compris en dérivant autour de cette gare, c’est que l’utilité de la novlangue est de détourner l’attention, de cacher les vrais enjeux. Un terme peut cacher une idée comme un train peut en cacher un autre. On communique sur la « multimodalité », les « nouvelles mobilités », et on ne parle pas de la misère sociale, de la privatisation du rail, de recul des conquêtes sociales, des perdants de notre société, du service public qui part en cacahuète. J’espère avoir évité ce piège.

La multimodalité s’affiche aussi à Échirolles

Dans la banlieue communiste d’Échirolles, on sait également manier la novlangue. Des totems en bois, appelés « Carrefour de la mobilité », ont été installés un peu partout dans la ville suite à une « importante synergie partenariale ». La mairie communiste s’est en effet alliée avec l’entreprise privée Transdev et l’incubateur Exolab pour « valoriser toutes les solutions de mobilité présentes (...) face à l’enjeu grandissant de la multimodalité sur le territoire grenoblois ». Comme d’habitude pour ce genre d’initiatives, on ne voit pas en quoi ces totems, dont toute l’utilité est de renvoyer sur des sites internet, peuvent permettre aux habitants de mieux se déplacer. Mais au moins ça fait moderne.