Accueil > Hiver 2022 - 2023 / N°67
Les robots arrivent (aussi) dans les classes
Au collège Gérard Philipe de Fontaine, les élèves ont dû accueillir un petit nouveau : un « élève-robot ». Cela fait partie des progrès de « l’école numérique inclusive » selon le rectorat, qui permet de travailler à la généralisation de l’enseignement « ensemble à distance et en interaction ».
Comme toujours dans ce genre d’intrusion orwellienne, la cause est noble : permettre à des élèves, ne pouvant pas se rendre au collège pour des problèmes de santé de longue durée, de « maintenir un lien pédagogique avec les enseignants et des liens sociaux avec leurs camarades » grâce à « des robots pilotés à distance qui leur permettent d’être virtuellement présents ». Concrètement, une tablette montée sur un petit pied (pas haut, car le tout est posé sur une table) est censée permettre à l’élève « télé-présente » du collège Gérard Philipe de « s’intégrer » à la vie du collège et « d’interagir » avec ses camarades. Sa tête apparaît sur l’écran et elle peut même lever la main pour demander la parole. Le document distribué aux parents d’élèves de la classe concernée annonce triomphalement : « Votre enfant va ainsi participer à une expérience novatrice d’inclusion scolaire. »
Le problème c’est que cette « expérience » n’est pas de tout repos pour les élèves et les profs. Le rectorat annonce que « l’élève absent pourra déplacer le robot à distance dans l’établissement » et « qu’il sera ainsi un élève comme les autres, autonome dans ses déplacements ». Dans la réalité, si le robot peut « tourner » la « tête », il ne peut pas marcher… Alors il faut se trimballer le robot entre les classes, avec quelques charmants questionnements : qui s’en charge ? L’élève délégué ? L’AESH ? Le surveillant ? À qui incombe la responsabilité de cette machine très fragile ? On vous passe les différents problèmes techniques à gérer pour les profs, et la connexion qui ne fonctionne pas toujours.
En dehors de ces dysfonctionnements, de grandes questions éthiques se posent : quid du droit à l’image des profs ? Et si les parents de l’élève « télé-présente » écoutent et enregistrent tout ce qui se dit en classe ? Peuvent-ils se servir de ces enregistrements pour remettre en cause certains enseignements ? Bref, cette « expérience novatrice » ne semble recueillir aucun commentaire positif en salle des profs. Sur le site du rectorat on apprend que ce « système de télé-présence robotisée » se fait dans le « cadre du programme Ted-i (Travailler ensemble à distance et en interaction) ». Comme d’habitude pour ce genre d’innovation, le prétexte médical permet d’introduire une nouvelle technologie qui pourra être ensuite étendue (comme les visios avec le Covid), notamment à cause du lobbying des entreprises vendant ces inepties. En l’occurrence, celle concevant les élèves robots s’appelle Awabot et vend de la « robotique à visage humain ». Encore un bel oxymore.