Pour faire gagner les municipales à Eric Piolle, le communicant Erwan Lecoeur (devenu depuis directeur de la communication municipale) a beaucoup insisté sur l’importance de « faire un récit » (voir Le Postillon n°26). Tout bon « récit », s’appuie sur un événement historique : Lecoeur et Piolle ont choisi la Journée des Tuiles de 1788 à Grenoble. Selon leurs dires elle « marque le début de la Révolution Française ». L’engagement n°18 d’Eric Piolle promettait de « créer une fête de la Journée des Tuiles », une « fête pour la démocratie dans le monde entier » ; et – c’est assez rare pour être signalé – cet engagement a été tenu : la première édition de cette « Fête des Tuiles » va avoir lieu les 6 et 7 Juin prochains. Dans leur communication ils s’en tiennent pour l’instant à une version très édulcorée de cet événement, comme dans le dernier Gre.mag : « Le 7 juin 1788, les Grenoblois lancent depuis les toits les premières tuiles contre les troupes du Roi. Une révolte annonciatrice de la Révolution Française mais aussi de l’identité d’une ville qui se révélera avec le temps pionnière et souvent en avance sur son temps. » Un « récit » ultra-positif, caricatural, au service d’un but politique : faire vivre la légende de Grenoble comme « ville pionnière ». Mais à trop simplifier l’Histoire, on en oublie les enseignements de sa complexité. Une victoire pour la communication, mais une défaite pour la pensée.
Il faut excuser Erwan Lecoeur : ce monsieur habitait loin de Grenoble jusqu’à la victoire de Piolle et ne connaît donc rien à l’histoire de cette ville. Pour sa gouverne, et pour tous ceux qui gobent la communication municipale, Le Postillon a missionné un courageux stagiaire aux archives pour appréhender la complexité de la Journée des Tuiles. Où l’on apprend notamment que loin d’être une révolte pour la liberté et contre les privilèges, cette émeute a été initiée par des nobles voulant conserver une de leurs institutions. Et que ces mêmes nobles, après avoir appelé la « populace » à la rescousse, n’assumèrent pas du tout la violence de la plèbe venue les défendre, et supplièrent le roi de « ramener le calme et la tranquillité ».
À la fin du XVIIIème siècle, Grenoble compte seulement 25 000 âmes, et la capitale de la Province du Dauphiné vit essentiellement de l’activité économique et juridique générée par son parlement, que l’on peut toujours observer place Saint-André. Les parlementaires sont de riches nobles dits « de robe ». Ils travaillent avec une foule d’huissiers, conseillers, avocats et juristes en tout genre qui forment l’essentiel de la bourgeoisie citadine. Tout ce petit monde, l’élite de la cité, consomme. Ils achètent les gants, les beaux habits, les meubles, et emploient beaucoup de domestiques. C’est au XVIIème siècle que se développe la mode en Europe, et la bourgeoisie dépense de plus en plus.
En 1788, quatorze parlements siègent dans le royaume de France. Ce sont des cours souveraines de justice composées de nobles, qui rendent la justice en province au nom du Roi. Les parlements sont héritiers des anciens conseils de provinces, progressivement annexés au royaume de France au cours du Moyen-Âge. C’est pourquoi les parlementaires se considéraient garants des lois fondamentales du royaume et surtout des vieilles libertés provinciales qu’ils défendaient face aux réformes de la monarchie autoritaire. En réalité, les parlementaires défendaient ainsi leurs privilèges de nobles. En tant que porte-parole et défenseurs des traditions provinciales, ils avaient gagné l’opinion publique. D’où leur grande popularité : on les surnommait « les Pères de la Patrie », rien de moins. Soutenus par un peuple en mal de représentation politique, ils s’avéraient les seuls interlocuteurs des provinces devant le Roi, censés incarner la voix de l’opinion publique.
Une révolte pour défendre le parlement
En mai 1788, le garde des Sceaux Lamoignon (ministre de la justice de Louis XVI) propose une grande réforme de la justice : les édits de mai. Tous les parlements, de concert, crient au scandale. La réforme entend entre autres diminuer leurs effectifs, restreindre leurs compétences et leur symbolique droit de remontrance. Tous refusent « d’enregistrer » les édits, et la tension monte.
Le 10 mai 1788, le duc de Clermont-Tonnerre, représentant du pouvoir royal à Grenoble, « enregistre militairement » les édits au parlement. Très rapidement, les parlementaires et leurs soutiens bourgeois appellent l’opinion publique au secours par une campagne de publication clandestine. Partout en France où siègent les parlements, des brochures de polémistes informent et excitent l’opinion, appellent à la confrontation. à Grenoble, un certain Barnave, avocat, diffuse sous le manteau un pamphlet de son cru, une brochure pro-parlementaire. Le monde bourgeois de la justice, qui gravite autour du parlement, s’agite, emmené par Barnave et un autre avocat : Jean-Joseph Mounier.
Le 7 juin au matin, le duc distribue une lettre de cachet à la plupart des magistrats, leur ordonnant de s’exiler sur leur terres. Pendant que ces derniers préparent leurs bagages, contraints à obéir, la rumeur se répand en ville et gagne les faubourgs populaires – Saint-Laurent, Saint-Joseph (vers Chavant) , La Tronche –, probablement portée par quelques gens de justice informés. Les boutiques ferment, et les corps de métiers rendent une « visite de condoléances » aux magistrats sur le départ. On voit alors des bourgeois, des religieux, des artisans et des miséreux, hommes et femmes, s’indigner ensemble sur le pavé. Personne n’envisage la perte du parlement qui indirectement les fait vivre et les représente. Le petit peuple, peut être plus agité, descend dans la rue en foule. Beaucoup sont armés des armes qu’ils ont pu trouver, du coutelas au vieux fusil rouillé, en passant par la faux. C’est alors que l’émeute commence.
Émeute en centre-ville
Les régiments d’Austrasie et de Royal-la-Marine présents dans la ville ont reçu l’ordre de disperser les attroupements sans ouvrir le feu (les militaires sont moins de mille cinq-cents). Des groupes de manifestants ferment les portes de la ville pour empêcher le cortège des parlementaires de partir. En même temps, quelques-uns sonnent le tocsin, ce qui attire les paysans qui escaladent alors les murailles et rejoignent « la populace » en colère.
La foule se rend alors à l’hôtel du commandement où réside le duc de Clermont-Tonnerre, force la garde, capture notre homme et le menace de mort s’il ne suspend pas l’ordre d’exil et cède les clefs du parlement. Le luxueux mobilier est détruit, la bâtisse est pillée, tout le bon vin est bu. C’est d’ailleurs le seul exemple attesté de pillage.
Les grenoblois se portent vers l’hôtel de la première présidence de Parlement pour dételer les carrioles prêtes à quitter la ville. Les parlementaires sont entourés et entraînés à pied au parlement dans la liesse générale. Le peuple les force à revêtir leurs longs manteaux rouges, symbole fort, et une séance parlementaire est tenue.
Près de la place Grenette, une partie du régiment de Royal-la-Marine se retrouve acculée dans une rue entre deux groupes d’émeutiers, et ouvre finalement le feu pour se dégager. L’escarmouche fait trois victimes : un homme dénommé Ivrard atteint par une baillonnette, Alexis Jay, un artisan chapelier et un enfant de 12 ans, d’une balle perdue. C’est probablement la seule fois où les soldats tirent. La populace monte alors sur les toits et déloge les tuiles pour les lancer sur la troupe, qui finit par se retirer. On compte une vingtaine de blessés chez les soldats. Le calme revient le soir, on fait de grands « feux de joye » comme aux jours de fête.
L’élite n’assume pas la violence
Les premiers témoignages sont pour la plupart des écrits de bourgeois lettrés. Ils sont révélateurs du dégoût de l’élite pour cette rébellion, que les « bourgeois lettrés » d’aujourd’hui veulent commémorer. Les lettrés anonymes expriment leur répulsion, comme un certain Genevois qui parle d’une « journée honteuse pour la ville de Grenoble ». D’autres plumes anonymes dramatisent : « la journée d’hier a été affreuse » et « chacun fut pris d’une grande frayeur ». C’est un « désastre », un « fatal événement », une « catastrophe ». C’est d’ailleurs à quelques mots près l’avis de la presse locale, incarnée par les Affiches de Grenoble, qui ne dit que quelques mots de l’événement le 20 juin
La violence a surpris et dépassé les attentes des agitateurs. Il va falloir s’expliquer au Roi pour amoindrir sa colère, trouver un coupable, et c’est le petit peuple qui est désigné. Bien que l’élite ait été initiatrice de cette émeute, plus personne ne veut assumer de s’être battu aux côtés des petites gens. Rapidement, la société d’ordre et de classe reprend ses droits. Toutes les classes sociales se sont pourtant retrouvées ensemble dans la rue le temps d’un jour, pour une revendication politique commune, fait remarquable et nouveau. Malgré tout, l’union n’a pas duré. C’est la crainte et le mépris du petit peuple qui resurgissent. À ce propos, le témoignage du chevalier de Mautort, capitaine au régiment d’Austrasie, est assez représentatif :
« Voilà aussitôt tous les procureurs, huissiers, clercs et autres suppôts du Parlement en rumeur. Laisserons nous ainsi partir nos soutiens, nos défenseurs ? Qui nous protégera contre un gouvernement injuste si nous laissons exiler ceux qui ont constamment embrassé nos intérêts ? Ces propos répandus à dessein germent promptement dans toutes les têtes (...) des émissaires adroits courent au quartier Saint-Laurent et dans les faubourgs. Ces endroits très populeux sont habités par la plus vile populace (...) Dès le point du jour, on ne tarde pas à voir arriver un grand nombre de cette nouvelle milice. Ils sont armés de fourches, de haches, de lourdes massues, de coutelas, de faux, de vieux fusils ; chacun a prit l’arme qu’il a pu se procurer. Cette troupe hideuse est renforcée d’un grand nombre de femmes qui ne ressemblent pas mal aux Bacchantes ; on les voit déboucher de toutes parts par petits pelotons, en poussant des vociférations et des imprécations atroces. Les gens de loi, qui étaient devenus les meneurs de cette horde, les partageaient en plusieurs bandes qu’ils distribuent devant les logements des principaux magistrats, avec injonction expresse de s’opposer à toutes tentatives sur leurs personnes, et d’opposer la force à la force. »
La volte-face des parlementaires et leur supplication au roi
Monsieur le chevalier montre ici que les pro-parlementaires ont mené la foule, au moins au début de l’insurrection. Mais les jours d’après, les parlementaires se sentent humiliés d’avoir été sauvés de l’exil par l’initiative populaire. Dans l’affaire, ils perdent leur crédibilité, eux qui prétendaient exprimer la voix du peuple en tant que « Pères de la Patrie ». Dans cette union incestueuse de la populace et de la noblesse, c’est leur légitimité de nobles qui est bafouée. C’est pourquoi ils décident de (re)partir d’eux-mêmes en exil quatre jours après l’émeute, ne cautionnant donc pas le soulèvement du 7 Juin. Pour eux, le cortège qui les avait raccompagnés de force au parlement était une farce, et la séance qui a suivit une parodie : le peuple, lui, y croyait vraiment. Des témoins disent alors avoir vu l’humiliation sur les visages des nobles dépassés par les événements. Le 9 juin, les magistrats écrivent une lettre au Roi, dans laquelle ils montrent leur soumission :
« Nous élevons vers le trône nos voix gémissantes du sein d’une ville consternée, qui a vu avec effroi les moments où elle allait devenir le tombeau de tous ses habitants. (…) Vous ne tarderez pas, Sire, de reconnaître que vos intentions bienfaisantes ont été trompées si l’on vous disait d’employer la force, Votre majesté rejetterait ces conseils pernicieux, vous ne voulez pas régner par la terreur, vous êtes le père de vos peuple, et votre âme généreuse gémirait bien prononcer la proscription. Daignez, sire, considérer (…) la situation déplorable de votre royaume, un seul de vos regards ramènera le calme et la tranquillité (…) Les officiers de votre parlement en continuant de défendre les lois et votre autorité au péril de leurs libertés et de leurs vie, ne cesseront, sire, en même temps, de donner l’exemple de la soumission, la satisfaction qu’ils éprouvent d’avoir contribué par leur présence et par leur soin de sauver la capitale de la province des plus grands malheurs, et peut être d’une entière destruction... »
Une conscience politique locale se développe au fil des débats. Les idées circulent, portées par certains orateurs comme Barnave et Mounier, qui font pression sur le Roi par un habile chantage : d’autres émeutes pourraient survenir si le peuple n’obtient pas les États Généraux. Par crainte de suites à l’insurrection, ou de propagation dans les autres villes parlementaires, le roi et ses ministres décident de jouer la prudence : aucune poursuite ne sera engagée contre les agitateurs. Il faut enterrer l’affaire. Le pouvoir cède même aux revendications des représentants des trois Ordres réunis à Grenoble le 14 juin, sept jours à peine après l’émeute (les trois Ordres sont l’assemblée des députés de la noblesse, du clergé et du tiers état). Ils demandent au roi la préparation des États Généraux, que Louis XVI accepte. La date est fixée, ils se tiendront en janvier 1789.
A Grenoble, on décide de tenir une assemblée au château de Vizille le 21 juillet. Les députés y revendiquent la poursuite de la lutte contre les édits de Lamoignon, le doublement des députés du tiers état, et le pouvoir de discuter de l’imposition, entre autres. Des idées qui germent partout en France, et qui seront reprises par la Révolution. Là encore, le roi cède : Lamoignon démissionne en septembre et les parlementaires sont rappelés de leur exil volontaire le 20 octobre. Ils rentrent en héros, c’est la liesse générale. Quelques mois plus tard, les parlements de France seront définitivement abolis par la Révolution, en tant qu’institution indissociable de la société d’ancien régime.
La journée des Tuiles a-t-elle entraîné la Révolution ?
Ce n’est pas la première fois qu’une crise parlementaire éclate en réaction à une réforme ministérielle qui échauffe les esprits. Les parlements ont été exilés en 1718,1753, 1770, et à chaque fois la population a pris leur parti, exigé et obtenu leur retour, après de longs mois de revendications. Le départ des parlements de Bourgogne, de Bretagne et du Béarn avait engendré de même des mouvements populaires comparables, sans grandes conséquences. Cette fois c’est différent : tout s’enchaîne avec violence en une journée. Le XVIIIème siècle a connu beaucoup d’émeutes populaires. La Révolution aurait assurément éclaté si la Journée des Tuiles n’avait pas eu lieu, mais cette révolte montre une volonté populaire qui passe à l’acte, animée par des revendications politiques. Toutes les classes sociales sont réunies provisoirement et l’opinion publique remporte la partie. L’événement ressemble à ce que l’on a vu ensuite avec la Révolution. Peut-on dire qu’il « préfigure » plutôt qu’il ressemble à ce qu’on a vu après ?
Finalement, la journée des Tuiles est la dernière révolte issue des parlements, et en même temps la première insurrection populaire menée par la majorité des classes de la population (petit peuple, bourgeois, clergé et nobles). Ce n’est pourtant pas une révolte contre la société d’ordre, pour la liberté et contre les privilèges, contrairement à ce que racontait Piolle pendant la campagne des municipales : « Rappelons nous que ce sont des grenoblois qui les premiers en 1788 ont marché pour la fin des privilèges, la fin des passe-droits et pour accéder à plus de libertés et une plus juste répartition des richesses ». En elle-même d’une portée limitée, elle sera suivie de plusieurs réunions des trois Ordres et de la décision royale de réunir les États Généraux.
Même si les idées nouvelles émises par les assemblées des trois Ordres ont influencé les thèses révolutionnaires d’un peuple souverain, il est difficile de voir dans la journée des Tuiles un épisode d’insurrection populaire au nom de la liberté face à l’oppression du pouvoir monarchique ou des privilèges des nobles. Le 7 juin 1788, le peuple se bat pour conserver une institution noble de l’ancien régime. Certains aimeraient croire que tout est parti de Grenoble, comme si les dauphinois avaient montré l’exemple à tout le royaume, au monde entier ! C’est une légende bien éloignée de la complexité de l’Histoire. Où l’on voit qu’il faut se méfier des discours simplificateurs dans un but de récupération politique.
Sources : Clarisse Coulomb, Les Pères de la Patrie, la société parlementaire en Dauphiné au temps des Lumières, Presse Universitaire de Grenoble, 2006.
Jean Sgard, Les trente récits de la Journée des Tuiles, PUG, 1988.
Les citations sont tirées de : Lettre au Roi du 9 juin 1788, archives départementales de Grenoble.
Récit du chevalier : Bulletin de l’académie delphinale, Auguste Prudhomme, archiviste de l’Isère, 1893, archives départementales de Grenoble.
Dans les jours qui suivent l’insurrection, les témoignages des contemporains et les écrits de la Presse constituent les premières formes de récit, plus ou moins fidèles à la réalité. L’événement est rejeté : il faut désigner des coupables et rendre des comptes au Roi. L’émeute fait peur, et on méprise le petit peuple. Les élites souhaitent oublier bien vite ce qui s’est passé : la journée des Tuiles est un souvenir honteux. Pendant l’été, on rejette la violence sans pour autant abandonner les revendications et les idées parlementaires. Dès Août, les journaux internationaux de langue française et lus en France ne parlent plus que des assemblées des trois Ordres. Il n’est plus question d’évoquer le soulèvement populaire.
Pendant la Révolution, l’émeute en général se pare d’héroïsme, dans les écrits, « le Peuple » se substitue à la populace crasseuse et dangereuse. Un deuxième récit émerge, pleins de ces symboles. On y voit se développer une mythologie de l’insurrection du peuple combattant pour la liberté, contre les privilèges. Le souvenir de la journée des Tuiles est éclipsé dans la tourmente d’épisodes révolutionnaires bien plus violents.
Qui donc a créé la légende de la journée des Tuiles comme première journée révolutionnaire modèle de l’insurrection populaire ? Dans les années qui suivent la Révolution, l’événement grenoblois est très rarement évoqué dans les écrits historiques, dans lesquels il n’est qu’un fait mineur. Les historiens de la première moitié du XIXème siècle ne rapportent pas les faits. Ce n’est que Michelet, historien républicain, en 1867, qui embellit l’événement et contribue à lancer la légende, qui s’impose en 1888 au moment du centenaire. La révolte est exaltée dans les journaux et les discours officiels. On décide de la construction de la fontaine des trois ordres place Notre-Dame. C’est aussi à cette époque qu’Eugène Chaper publie les relations grenobloises, un recueil de divers témoignages en lien avec la journée des Tuiles. Grâce à lui, l’événement est mieux connu. L’idée d’une pré-révolution dauphinoise est mise en avant à Grenoble. On peut penser que la journée des Tuiles est un mythe de la troisième république, un régime nouveau né de la chute du second empire, en quête de racines historiques.
Depuis, on commémore toujours la journée des Tuiles à Grenoble, mais il semble que ce soit encore la même légende républicaine que l’on transmet dans les mémoires, quelle que soit l’appartenance politique. Le 24 juillet 1988, antenne 2 diffuse une vidéo qui montre le maire Carignon, expliquant sa vision de l’événement à l’occasion des fêtes nationales du bicentenaire de la Révolution :
Le journaliste : « Une réputation de berceau de la révolution, cela se mérite.
Deux cent ans après, les notables dauphinois essaient d’être toujours promoteurs de réalisations et d’idées nouvelles. »
Carignon : « C’est ici que jaillissent les idées nouvelles. Et qu’aujourd’hui, avec les technologies nouvelles, avec la culture, avec ce que nous faisons sur le plan social, le fait de garantir un minimum social de trois mille francs, de faire que ce soit le premier grand département qui l’ait fait, et bien ce sont des, cela participe des idées nouvelles. Cela fait que le Dauphiné et Grenoble gardent une longueur d’avance, tentent, ont l’ambition de montrer l’exemple à la Nation. »
Le journaliste : « L’exemple, Grenoble l’a montré au monde entier en 1788... »
Il est cocasse de remarquer, dans la communication autour de la prochaine « Fête des Tuiles », que l’équipe d’Eric Piolle parle presque de la même façon de cette révolte que Carignon, leur ennemi préféré. Comme il est cocasse de voir Carignon critiquer cette « récupération » : « ce n’est pas à eux de décider qu’il y a une journée des Tuiles et qu’on doit faire une animation ce jour-là pour récupérer politiquement la pré-révolution et en faire un aspect idéologique ». [1]