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Le business plan de Verkor pour la bonne conscience des riches
« La pépite française de la batterie ». Ces derniers mois, la start-up grenobloise Verkor fait beaucoup parler d’elle au niveau national, grâce notamment à la construction de sa « gigafactory » de batteries à Dunkerque. Mais à quoi vont servir ces batteries ?
« On nous répétait sans cesse qu’on allait sauver le monde. » Anna (pseudo) a quitté Verkor depuis quelques mois mais se souvient très bien de ces « Verkor days », organisés tous les trois mois dans la boîte pour motiver et souder les quelques 360 salariés de cette « pépite » grenobloise. On dirait que d’autres gens croient que cette jeune boîte va sauver le monde : en septembre dernier, elle annonçait avoir levé « plus de deux milliards d’euros » pour la construction en cours de sa gigafactory de batteries électriques à Dunkerque. Au Tech&Fest, on a pu entendre Enzo Ribeiro, « responsable du financement » de Verkor exposer devant un public un peu épars une vision très gratifiante de son investissement dans cette boîte : « C’est galvanisant de se lever tous les matins en se sentant un soldat de la nation. »
Mais concrètement, comment ces « soldats de la nation » vont « sauver le monde » ? En produisant des batteries électriques, donc, ce qui – on le documente assez par ailleurs – saccage quantité de ressources naturelles. Mais encore ? Vont-ils produire des batteries potentiellement utilisables par tout le monde ? Eh non, ce seront des batteries pour des voitures de riches. C’est officiel : Verkor et Renault ont conclu un « partenariat long terme ». Le fabricant de bagnoles va acheter toutes les batteries sortant de l’usine de Dunkerque. Elles serviront, c’est officiel aussi, à équiper les « véhicules de segment supérieur des marques de Renault Group et notamment dès 2025, le futur C-Crossover GT 100% électrique d’Alpine ». Ce « C-Crossover » est en fait un SUV, ces gros véhicules que Piolle – supporter de Verkor – aimerait surtaxer pour les parkings, invoquant la pollution plus importante due à leur taille. Sur internet, on apprend que son prix de vente « ne sera pas en-dessous de 60 000 euros »… Interrogé sur le stand du Tech&Fest, un autre salarié de Verkor est bien conscient que le business plan de sa boîte s’adresse à des gens très aisés, mais espère que plus tard, les voitures électriques pourront être plus « démocratiques ». Anna, elle, n’a pas attendu pour fuir cette « pépite » qui prétend sauver le monde en allégeant la conscience de riches équipés de SUV. Pour ceux restant dans cette boîte, on leur conseille de ne surtout pas lire La ruée minière au XXIe siècle de Célia Izoard s’ils veulent garder une haute estime de leur boulot. On y apprend notamment que le cobalt que va utiliser Renault (donc Verkor) dans ces batteries est acheté à Managem, la grande entreprise minière marocaine. Si elle prétend fournir un « cobalt responsable », le reportage de Célia Izoard montre comment il est extrait dans de terribles conditions humaines et environnementales. De quoi donner envie de déserter à tous les « soldats de la nation ».