Baignades volées
Nous allons revenir sur l’événement journalistique de cet été 2016 : dans son numéro du mardi 23 août, un article paraissait dans Le Daubé pour raconter le bon temps d’avant, où l’on pouvait se baigner dans le Furon, la rivière à côté des cuves de Sassenage. Avec les quelques photos en noir & blanc d’usage, et les petits « souvenirs » d’antan, Le Daubé ne manque pas de rappeler que la baignade est aujourd’hui « strictement interdite pour des raisons de sécurité ».
Pourquoi ? Comment ? Aucune réponse n’est donnée au lecteur qui ressortira de cette lecture simplement persuadé qu’il est impossible de se baigner là-bas. Et pourtant : il fait chaud, très chaud en cette fin août grenobloise, et l’eau très fraîche du Furon paraît être le meilleur des remèdes pour alléger les souffrances caniculaires. D’ailleurs une simple visite au lieu permet de se rendre compte que de nombreuses personnes profitent de cette fraîcheur en faisant trempette. Il y a de biens belles vasques dans lesquelles des bandes de jeunes sautent en réalisant des figures plus ou moins esthétiques. On peut aussi y croiser des personnes âgées, se trempant ici tous les ans dès qu’il fait chaud, et même des rugbymen du FCG, venus avec leur voiture de fonction Nissan.
Si la baignade est officiellement interdite, c’est que le Furon, comme tant d’autres rivières, est rentré sous la coupe d’EDF, qui y a construit un barrage en 1958. Le fonctionnement du barrage pouvant entraîner quelquefois de brusques montées d’eau, comme cela s’est déjà vu dans la région (drame du Drac en 1995), la baignade et autres activités libres y ont été prohibées. Comme ailleurs, la production d’électricité est bien plus importante que le bien-être des quidams.
Toutes les baignades « sauvages » du coin ont été volées aux habitants. Le journal Mémoires de Fontaine a consacré son numéro du printemps au Drac. Il raconte comment, il y a cinquante ans, des hordes de gamins fontainois se baignaient et apprenaient à nager auparavant dans ce beau fleuve, véritable « terrain de jeu » au bord duquel siegeaient plusieurs « guinguettes » . Nul n’y songe aujourd’hui : le Drac, contenant un cocktail de produits chimiques (mercure, chlore, arsenic, PCB), est aujourd’hui seulement perçu comme un obstacle pour la circulation.
Au début du XXème siècle, on pouvait aussi se baigner à la Viscose, à la limite entre Grenoble et Échirolles : « L’étang existait encore. Une partie était réservée à la pêche et l’autre à la baignade. Le comité d’entreprise finançait l’alevinage, c’est M. Raft qui dirigeait la section pêche. Comme il n’y avait pas de piscine à Grenoble, nous recevions jusqu’à mille personnes par jour, à 25 centimes l’entrée. Buvette et sandwichs, les promeneurs venaient à bicyclette le samedi, le dimanche et parfois le soir. » (1)
Aujourd’hui, si on veut faire trempette dans la cuvette, on a le choix entre l’eau chlorée des piscines ou un long trajet pour aller à la plage gardée du Bois français. Heureusement, il reste quelques endroits supposés « interdits », qu’on ne dévoilera pas car il y a déjà bien assez de monde. On compte donc sur vous pour rester discret : il ne faudrait pas que trop de gens envahissent les cuves de Sassenage lors des prochaines canicules..