Accueil > Fevrier-Mars 2020 / N°54

Julien Polat, le bébé-Carignon aux dents longues

Si le candidat Carignon n’arrête pas de vanter le soi‑disant glorieux passé de Grenoble, il veut également prendre exemple sur une référence actuelle pour transformer notre chère ville. « Le modèle de développement équilibré que conduit Julien Polat à Voiron est celui dont on doit s’inspirer » confie-t-il au journal Les Affiches en 2018. Un « modèle » d’autant plus fiable que Julien Polat, 35 ans, a été le « poulain » de Carignon à ses débuts en politique. Après avoir grenouillé dans des emplois publics, ce jeune ambitieux s’est fait élire à la mairie de Voiron en 2014, avant de devenir premier vice‑président du Pays voironnais et vice-président du Conseil départemental. Candidat à sa réélection, il vise aussi d’autres postes plus prestigieux.
Après six ans passés au pouvoir, Polat marche effectivement dans les pas de Carignon à son âge, la moustache en moins. Autoritarisme, copinages, proximité avec les patrons, omniprésence de la communication pour masquer un bilan peu reluisant : partons donc à la découverte de ce « modèle  ».

Tout avait pourtant bien commencé. Le discours, les applaudissements, les petits-fours déjà prêts. Ce jeudi 16 janvier, Julien Polat inaugure son local de campagne sur la place Saint-Bruno de Voiron et environ 150 partisans se pressent autour du jeune maire de Voiron.

Et puis à la fin du discours, l’enthousiasme suintant est terni par les apostrophes d’un autre jeune homme tentant d’interpeller Julien Polat. Il s’énerve à cause d’une agression « raciste » contre des jeunes Maghrébins survenue l’année passée devant la mairie de Voiron : « Ça a été occulté, on en a jamais réentendu parler alors que les jeunes sont traumatisés. On réclame la justice ! » Mais les huées des fans recouvrent bien vite la prise de parole du jeune homme, et l’arrivée du buffet met fin à l’incident.

Le Postillon est venu à Voiron, charmante bourgade de 20 000 âmes, avec en tête la ligne éditoriale de Grenoble le Changement. Ce site alimenté par le fan‑club de Carignon se plaint à longueur d’articles du dépérissement de Grenoble, et notamment de la montée de la violence, de la « bétonnisation rampante », de la perte d’attractivité de la ville et des commerces qui ferment. Vu que Voiron est citée en exemple par Carignon, on pensait qu’il n’y aurait rien de tout ça. Et puis patatras, dès notre arrivée, on apprend qu’un grave fait‑divers a été occulté.

Dans son bilan de campagne, le maire se targue d’une « baisse de 43,4 % des actes de délinquance de voie publique entre octobre 2014 et octobre 2019  ». Ce n’est pas exactement le ressenti de nombre de Voironnais rencontrés ce mois de janvier : à en croire les témoignages recueillis, il y a eu ces dernières années une explosion du nombre de voitures brûlées, de cambriolages en plein centre-ville et même de meurtres. Le dernier a touché un jeune de 25 ans, début novembre 2019, tué d’une balle en pleine tête dans les locaux du Relais initiatives habitants du quartier de la Brunetière, un équipement municipal.

Une commerçante rencontrée rue des Terraux s’indigne : « Presque tous les commerces de la rue ont été visités ces derniers mois !  » Horizon Voironnais 2020, une liste candidate aux municipales, détaille sur son blog les incendies de véhicules et s’attarde sur les cambriolages : « Des bandes organisées vont jusqu’à entrer avec violence chez des particuliers en quête de petits ou grands larcins. Certains d’entre eux témoignent de cas de violence avec coups et blessures lors de ces intrusions à domicile. C’est Chicago !!!  » On croyait cette comparaison ridicule réservée à Grenoble, mais apparemment elle est recyclée pour qualifier Voiron : voilà maintenant Chicago-sur-Morge.

À Voiron comme à Grenoble, les opposants au maire dénoncent la « désertification  » du centre-ville. La même commerçante continue : «  Les seules boutiques qu’il a favorisées sont à la Brunerie [NDR : en périphérie de la ville]. Au centre-ville, tout le stationnement est devenu payant, les gens ne viennent plus. Il n’y a jamais eu autant de rideaux baissés.  » D’autres racontent les traitements de faveur : un restaurant apprécié par l’équipe municipale (Le Palanquin) a obtenu que la petite rue dans laquelle il se trouve soit fermée aux voitures, alors qu’un autre ne peut plus sortir sa terrasse.

À Voiron comme à Grenoble, des habitants dénoncent aussi la « bétonisation de la ville ». Dans les quartiers de la Garenne, de Rossignol, de Faton, de Criel, les immeubles poussent comme des champignons. Des chantiers de partout et pas un seul espace vert créé en six ans de mandat. Le maire n’arrête pas de répéter que Voiron est redevenue une ville attractive et pourtant, malgré tout ce béton qui coule, le nombre d’habitants continue de stagner, voire baisse : selon les chiffres du Daubé (8/01/2019), la commune a perdu 132 habitants ces trois dernières années. Insécurité, bétonisation, difficultés du petit commerce : tout ce que dénonce Carignon à Grenoble, Polat le fait à Voiron ! À quand un site « Voiron le Changement » ?

À en croire la presse, Voiron fait pourtant figure de ville tranquille et dynamique. Faut dire que les médias locaux, Julien Polat les bichonne.

Sur la première des 32 pages de son bilan pour les municipales, il pose fièrement avec une doudoune estampillée TéléGrenoble. En échange de plusieurs dizaines de milliers d’euros par an  [1], la chaîne locale vivant sous perfusion d’argent public réalise un « JT des Voironnais » reprenant la propagande municipale.

Le Sport Dauphinois, média habituellement en ligne, réalise un journal papier spécial Voiron directement inséré dans le journal municipal. Heureuse coïncidence, le média dispose également d’un local au centre-ville de Voiron à un prix, paraît-il, défiant toute concurrence [2].

Julien Polat fait également des efforts pour draguer le quotidien local : la Ville de Voiron et Le Daubé organisent ensemble depuis 2018 un évènement dénommé « Voiron fête l’entreprise ». Le journal réalise des suppléments spéciaux sur le club de rugby de la ville (SOV – Stade olympique voironnais) et des responsables du quotidien sont même invités à donner le coup d’envoi des matchs. Le concubinage entre une conseillère municipale et un ancien DRH du quotidien ne doit pas non plus nuire aux relations entre les deux institutions.

Polat Pot

Si Julien Polat cajole les médias, c’est qu’il aime beaucoup l’unanimité. Sa page Facebook est assez représentative. À chacune de ses publications, une trentaine de « superfans » postent des commentaires enamourés, du type : « Voiron a bien la chance de vous avoir  », « Tout simplement… génial !  », « Vous êtes déjà un super homme », « Tu es le meilleur maire de la ville de Voiron », « Je continue avec toi les yeux fermés j’ai toute confiance ». Les rares commentaires gentiment critiques sont accusés par les « superfans » d’« embêter monsieur le maire ».

Pendant les conseils municipaux, ses sous-fifres ont le droit de lire des délibérations, mais dès qu’il s’agit de répondre à une question, c’est le patron qui s’en charge. Au sein de sa majorité, le maire de Voiron ne veut voir aucune tête dépasser du rang. Youcef Aifa, commerçant à la retraite, en a fait l’expérience : « En 2014, on est venu me chercher pour être sur la liste de Julien Polat. J’avais jamais fait de politique, mais comme il était jeune, beau parleur, je me suis laissé tenter. J’étais conseiller municipal délégué à la culture. »

Après un an de mandat, une délibération est présentée à un conseil municipal pour acter la fermeture d’une école dans le quartier Paviot. « Je trouvais que c’était une mauvaise décision, il y a plein de nouveaux logements sur ce quartier, les enfants sont obligés d’aller loin, à l’école Jules Ferry qui est déjà saturée.  » Alors Youcef Aifa s’est simplement abstenu, déclenchant la colère de Polat. « Pendant trois mois, il m’a suspendu ma délégation pour me faire regretter mon geste et que je m’excuse platement. Comme j’ai pas baissé la tête, au bout de trois mois, il ne m’a pas rendu la délégation.  »

Depuis, Youcef Aifa siège toujours au conseil municipal, en non-inscrit. « Il aurait préféré que je démissionne, mais je lui ai pas fait ce cadeau.  » Cette simple abstention lui a coûté très cher : « J’ai subi des injustices, même en dehors de la politique, sur des questions immobilières. Depuis 2015 je suis en procédure judiciaire contre la ville.  »

L’ordre règne donc sous Polat, et une certaine peur aussi : presque personne n’a osé parler publiquement au Postillon. Même ses opposants politiques, ceux du collectif 2020 Horizons Voironnais (non étiqueté, soutenu par LREM) ou de La Fabrique Citoyenne, n’ont pas voulu critiquer le maire, soit pour ne pas rentrer dans « son jeu de la haine », soit pour pouvoir « continuer à mener [leurs] projets professionnels et personnels sans avoir trop de bâtons dans les roues de la part de la mairie ».

Il y en a une qui n’a plus rien à perdre, c’est Marie-Christiane Arnaud, ancienne présidente de la MJC de Voiron. « Polat a passé la MJC à la tronçonneuse, je l’ai encore à travers la gorge [sic]. » La baisse des subventions avait commencé sous le mandat du maire PS précédent, mais en 2014 tout s’est accéléré. «  Ils nous ont tout de suite fait savoir qu’il fallait qu’on soit plus “proactifs” dans la recherche d’activités lucratives. Mais la raison d’être de cette MJC, une des plus importantes de France de par sa taille, c’était justement qu’on faisait beaucoup d’activités avec des gens pauvres, et forcément ça ne rapporte pas d’argent.  » Pendant un an, les responsables de la MJC ont travaillé dur pour convaincre la mairie de la nécessité de leur boulot. « Mais c’était perdu d’avance. Ils ont fait semblant de négocier avec nous mais ils avaient déjà fixé la baisse de subventions. On a été obligé de licencier les deux tiers des salariés. En 2014 il y en avait une petite vingtaine, aujourd’hui il doit en rester quatre ou cinq. Certaines activités ont été reprises par la mairie – pour avoir bien le contrôle – mais beaucoup d’autres ont été abandonnées. » La MJC n’a pas été la seule touchée : nombre de petites associations ont vu leurs subventions diminuer. Un acteur du milieu sportif analyse : « Pour le sport, il est très généreux avec les deux clubs “phares” de la ville, celui de rugby et celui de basket féminin (le PVBC – Pays voironnais basket club). Les autres doivent galérer avec trois bouts de ficelles et des bénévoles débordés. » Marie-Christiane Arnaud conclut : « Il a été assez clair tout de suite en nous disant “L’éducation populaire, ce n’est pas mon truc” . Mais s’il était ébéniste je ne confierais pas mes meubles à monsieur Polat. Parce qu’en sabrant les deux tiers de la MJC il parlait juste d’un “petit rabotage”. »

Généreux avec les entreprises

L’éternelle « baisse des dotations de l’Etat » avait permis de justifier cette baisse de subventions. Et pourtant, au même moment, le maire de Voiron déroulait le tapis rouge au Festival international du cirque de Guy Chanal, « chassé  » de Grenoble par l’arrivée de Piolle à la mairie. Pour que la société GC Productions (au capital de 1000 euros) s’installe à Voiron, Julien Polat a su être convaincant : 75 000 euros de la part de la mairie et 75 000 euros du Pays voironnais. En rajoutant les « contributions en nature », les collectivités locales ont donné autour de 230 000 euros par an, selon la Cour des comptes, qui s’est étonnée dans un rapport de 2018 de l’absence de transparence quant à l’utilisation de cet argent. Le bilan de l’évènement réalisé par GC Productions en 2016 tenait sur une seule page, donnait un nombre arrondi de spectateurs et presque aucune information financière.

Admirons la générosité de Julien Polat : 230 000 euros par an pour une société contrôlée par une seule personne, sans la moindre contrepartie ni vérification. Une générosité mal récompensée : le Festival international du cirque, qui devait « faire rayonner  » le Pays voironnais, s’est finalement réinstallé à Grenoble en 2019.
Cette déconvenue n’a pas empêché Julien Polat de faire preuve de générosité envers d’autres entreprises privées.

Il y a l’ancienne bibliothèque Mille-Pas, belle bâtisse que la ville a rénovée à hauteur de deux millions d’euros pour en faire un « restaurant gastronomique ». Une volonté qui a empêché les restaurateurs de la ville de postuler à la gérance : ce sont finalement les célèbres restaurateurs grenoblois Chavant qui ont obtenu la gérance de ce restaurant et hôtel 4 étoiles. Finalement le côté « gastronomique » a été abandonné – la population voironnaise n’est pas vraiment riche. Chavant a donc bénéficié de la générosité municipale pour ouvrir une simple brasserie concurrençant directement celles du centre-ville. Pour l’aider un peu plus, la ville vient de débourser 400 000 euros pour construire un nouveau parking juste à côté. Une générosité peut-être un peu liée au fait que Chavant a été un soutien important de Carignon à l’époque où il était élu.

Et puis il y a toutes les actions qu’il mène au sein du Pays voironnais. En cumulant les postes de maire, de premier vice-président au Pays voironnais délégué à l’économie et de vice-président du Département en charge des grands travaux et du plan de relance (100 millions d’euros dépensés sur trois ans), Julien Polat détient tous les cordons de la bourse. Une position assez pratique pour faire des petits cadeaux à des entreprises. En 2016, il a ainsi fait voter une aide de 195 000 euros du Pays voironnais pour soutenir Rossignol, qui venait d’acquérir de nouveaux locaux dans la zone d’activité Centr’alp après avoir racheté la marque de vélo Time. Un choix qui avait entraîné une discussion agitée au Conseil communautaire, certains élus ne comprenant pas l’intérêt de faire un tel « cadeau » accordé sur la base d’aucun critère. Trois ans plus tard, Rossignol annonçait la suppression de 29 postes sur les 43 de Time implantés dans le Pays voironnais. La générosité de Polat a encore une fois été mal récompensée.

Depuis, la politique du Pays voironnais en faveur des entreprises est devenue encore plus opaque, suite à la création d’Econex. Ce comité économique présidé par Julien Polat lui-même, où siègent des élus et des patrons, se réunit parfois au sein même de la mairie de Voiron (alors qu’il dépend du Pays voironnais). Ce qui se passe à l’intérieur est largement mystérieux, même pour les élus du Pays voironnais. Patrick Cholat, maire de La Buisse et vice-président du Pays voironnais, s’étonne : « On a très peu d’infos sur ce qui est décidé dans ce comité. Il n’y a rien de formalisé, aucune transparence, alors qu’il y a un salarié du Pays voironnais qui est destiné à cette structure. Pour des raisons de confidentialité économique, aucune information n’est donnée aux élus. Julien Polat s’occupe de la politique économique en totale opacité.  »

Copinages en série

L’opacité, c’est une autre marque de fabrique du mandat de Julien Polat. Il y a les marchés publics, où on retrouve souvent les mêmes noms, notamment Carré TP, dont le président Nicolas Favier est également président du Pays voironnais Basket Club. Et puis il y a les embauches à la mairie, où des proches des élus ont été recrutés dans différents services, sans toujours avoir les compétences requises pour les postes. La mère d’un conseiller délégué ici, la fille d’une conseillère déléguée là : les petits copinages familiaux prolifèrent. Le directeur général des services Christophe Marcoux était colistier de Julien Polat en 2014. Mais le cas le plus emblématique de copinage est celui de Soufienne Ghanem.

À la tête d’une petite entreprise de maçonnerie, il avait fait partie du comité de soutien à Julien Polat en 2014. Après quelques contrats temporaires en mairie, il s’est subitement reconverti : en mai dernier il a été embauché comme « médiateur » au sein du centre social RIH (Relais initiatives habitants) du quartier de la Brunetière. En décembre, il est subitement promu « directeur » du RIH. Ce poste, conventionné par la Caf, doit normalement avoir un niveau bac + 3 ou + 4, ce qui n’est pas son cas, et ce qui pourrait poser problème avec la Caf. « Quand on recrute un chauffeur, on vérifie qu’il a le permis, analyse un employé municipal. Ils ont recruté quelqu’un en sachant qu’ils auraient des problèmes administratifs. C’est dire si Julien Polat se sent tout permis. » Pour cet employé et d’autres personnes rencontrées, c’est Jean-Paul Bret (Parti radical de gauche, à ne pas confondre avec son homonyme PS de la mairie de Villeurbanne), le président du Pays voironnais, qui a le mieux résumé le personnage quand il a déclaré dans Le Daubé, (15/01/2020) : «  Julien Polat veut se faire passer pour ce qu’il n’est pas. Il veut donner l’image d’un démocrate ouvert, pas sectaire, mais c’est tout le contraire. »

Certains de ses anciens électeurs de 2014 sont allés de déception en déception en découvrant la face cachée du personnage : « En 2014, on en avait marre de Roland Revil, c’était la gauche caviar, raconte un acteur associatif. Dans les quartiers, on était nombreux à faire la campagne de Polat, on croyait que vu que c’était un jeune, on allait être avantagés d’un point de vue associatif. Mais en fait il est uniquement là pour faire du business avec plein de promoteurs et les grands patrons locaux qu’il adore. Pour les petites gens, il n’est jamais là. Il cumule tellement que c’est impossible d’avoir un rendez-vous avec lui.  »

Là-dessus, Le Postillon confirme. Alors qu’on a tenté d’avoir une interview quinze jours avant de boucler cet article, son cabinet nous a gentiment répondu : « Son agenda est archi plein jusqu’à mi-février, il n’a pas une minute à lui, il ne pourra pas vous donner cette interview à son grand regret.  »

C’est que le monsieur a de grandes ambitions. En plus de sa réélection à la mairie, il vise aussi la présidence du Pays voironnais à partir d’avril prochain. Plusieurs sources nous assurent qu’il est aussi en froid avec l’actuel président du Conseil départemental Jean-Pierre Barbier : l’année prochaine, il aimerait bien prendre sa place et ainsi vraiment disposer de tous les pouvoirs locaux.
Et pourquoi s’arrêter là ? Les régionales ? Le national ? Le jeune homme a fait créer une association, Les Amis de Julien Polat, visant à « valoriser le bilan, les initiatives et les projets politiques portés par Julien Polat » et « soutenir la carrière politique de Julien Polat  ». Vous en connaissez beaucoup vous, des maires d’une ville de 20 000 habitants, qui ont une association à leur nom ? Comme Carignon, le jeune maire a décidé cette fois de se présenter à l’élection municipale « sans étiquette » (il faut dire aussi que Les Républicains ont fait seulement 9 % à Voiron aux dernières élections européennes). Comme Carignon, Polat a confiance en une seule chose : son égo.

Un bien curieux fan de rap

En 2009, Julien Polat, alors secrétaire départemental adjoint de l’UMP Isère avait répondu à une longue interview dans le magazine de rap Abcdr du son pour évoquer le paradoxe d’être à la fois militant UMP et fan de rap. À l’époque, sans avoir jamais été au pouvoir, Julien Polat pouvait tranquillement disserter sur son amour des textes engagés, « expression revendicative d’un malaise social », sur son admiration pour La Rumeur ou Supreme NTM, Fabe ou La Cliqua ou sur « le sentiment d’être plus proche, avec l’UMP, du discours qui est souvent tenu par la frange des rappeurs qui invitent chacun à se prendre en main, que d’une gauche qui réduit parfois les plus faibles à la dépendance de l’assistanat  ».

Dix ans plus tard Julien Polat ne parle plus de rap et la plupart de ses actes politiques sont bien éloignés de l’univers du hip-hop.

  • Ainsi, en juin 2014, il prend un arrêté pour interdire la mendicité au centre-ville afin de soi-disant « remédier à des troubles à l’ordre et à la tranquillité publique » - s’il y a un « malaise social  », autant ne pas le voir. Trois ans plus tard, cet arrêté a été annulé par le tribunal administratif : a-t-il chanté comme Assassin « justice nique sa mère » ?
  • En 2015, la Ville de Voiron a organisé un voyage à Aubagne pour qu’une trentaine de personnes participent à la commémoration de la bataille de Camerone, au Mexique en 1863. Ce rendez-vous est l’occasion de retrouvailles et de franches rigolades pour les légionnaires, paramilitaires, nostalgiques des « bienfaits des colonies  » et des «  quelques sales races de barbouzes qui doivent se sentir bien seuls » dont parlait La Rumeur dans Que dit l’autopsie ?
  • En 2017, il apporte son soutien pour l’élection présidentielle au général Tauzin, qui ne parviendra pas à obtenir les 500 signatures. Cet individu recycle les thèmes éternels de la grandeur de la France perdue, milite avec l’extrême-droite contre le soi-disant « pacte mondial sur les migrations » et est surtout connu pour défendre le rôle de la France dans la guerre du Rwanda. Pas comme la Rumeur, qui balance dans On m’a demandé d’oublier : « On m’a demandé d’oublier les chasses ouvertes / Aux nègres et bougnoules, offertes / Aux treillis vert-kaki de paras crachant le feu / Les appels à la mort relancés : “finis-le, allez achève-le !”  »
  • Début janvier, Julien Polat a écrit une lettre à Ras l’Front, qui organisait les « douzièmes rencontres départementales luttes et résistance  », pour s’offusquer que des débats autour des violences policières soient au programme de ces rencontres. « Choqué par l’organisation d’un évènement de cette nature », il annonçait être « entré en contact avec les services préfectoraux (…) pour s’assurer que les fondamentaux républicains soient préservés. » En 2009, il déclarait à la fois adorer Suprême NTM (célèbre pour son « Nique la police ») et avoir « de plus en plus de mal avec certains textes sur la police qui sont parfois franchement limités  ». Dix ans plus tard, il ne supporte même plus qu’on invite à débattre autour de violences policières largement documentées ces derniers temps. Devrait-il réécouter Un dernier jour sur Terre de La Cliqua : « Vertige explosion, police tire, collision, tension, manifestation / La violence frappe brutalement comme un faucon  » ?

Notes

[1Place Gre’net a cherché à avoir le montant de ces aides, mais « sollicitée à plusieurs reprises, la Ville de Voiron n’a pas répondu à nos demandes » (Place Gre’net, 9/01/2020). Youcef Aifa, élu ayant été exclu du groupe majoritaire suite à une abstention, se souvient d’une somme autour de 40000 euros.

[2Contacté, Le Sport Dauphinois n’a pas voulu nous en dire plus.