Utilisation de la voiture de service et du chauffeur
Ferrari se fait flasher
Les règles d’utilisation d’une voiture de service mise à disposition d’un élu sont très claires : elle ne doit servir que dans l’exercice de ses fonctions. Des règles qui ont du mal à arriver jusqu’aux hauteurs habitées par le président de la Métropole grenobloise. Depuis huit ans qu’il occupe ce poste, Christophe Ferrari a visiblement souvent confondu la voiture de service octroyée par la Métropole avec sa voiture personnelle.
En décembre 2021, l’élu Yann Mongaburu a saisi le procureur pour alerter sur cette situation, sans néanmoins apporter de preuves. Suite à l’audition du président de la Métropole le 31 mars dernier, les enquêteurs ont clos l’affaire, alors que quelqu’un de bien informé – puisque officiant en tant que chef de cabinet de Christophe Ferrari – avait tenté de les aiguiller sur les bonnes pistes. Plusieurs mois plus tard, face au manque de remise en question du président de la Métropole, cette personne a décidé de quitter son poste, saisir elle aussi la justice et rendre publiques les preuves qu’elle a accumulées.
Depuis deux ans, Christophe Ferrari a ouvert un compte Twitter – passage obligé des politiciens et autres activistes impulsifs modernes. Cela permet au président de la Métropole grenobloise de raconter au monde numérique qu’il répand le bien partout où il passe et de partager ses coups de cœur. Le 20 août dernier par exemple, il partageait un article des Echos affirmant que « le monde pourrait réduire les émissions de dioxyde de carbone de presque 700 millions de tonnes chaque année si tout le monde se déplaçait quotidiennement à vélo, selon une étude. »
Se déplacer quotidiennement à vélo, pour les « petits trajets », comme le suggère l’article ? Ce n’est pas le style de Christophe Ferrari, qu’on voit sur une bicyclette seulement à l’occasion de l’inauguration d’une piste cyclable ou autre annonce cyclométropolitaine ayant droit à un article dans Le Daubé. Pour faire les 10 kilomètres séparant son domicile de son lieu de travail, il utilise une voiture, sans pourtant la conduire. Ce n’est pas (encore) une intelligence artificielle qui tient le volant, mais un chauffeur, payé, tout comme le véhicule de service, par la Métropole. C’est son droit d’élu en chef et chacun comprendra bien que le cerveau bouillonnant du maire de Pont-de-Claix doit être tellement accaparé par la résolution de mille dossiers de la plus haute importance, qu’il ne dispose pas de l’espace mental pour conduire lui-même, ou pour bêtement utiliser une bicyclette ou un transport en commun – dont il vante par ailleurs presque chaque jour l’efficacité.
Le problème, c’est qu’il semble outrepasser quelques limites de ce droit à la voiture et au chauffeur. Voilà un bout de temps que des rumeurs bruissent sur une utilisation de la voiture pour des trajets personnels, sur des amendes payées par la Métropole alors qu’elles auraient dû l’être par Christophe Ferrari, ou sur des services demandés au chauffeur sortant largement du cadre de sa mission.
Ces rumeurs sont arrivées aux oreilles de Yann Mongaburu, élu municipal grenoblois, vice-président métropolitain et surtout grand perdant de la guerre des gauches ayant agité la Métropole grenobloise à l’été 2020 (voir Yann Mongaburu, une technocratie d’avance, dans Le Postillon n°57). Suite aux municipales de 2020, il fallait élire un nouvel exécutif au merdier métropolitain – et surtout un nouveau président parmi ceux de gauche largement majoritaires. Mongaburu avait été désigné chef de file des écolos, insoumis et communistes pendant que Christophe Ferrari, président sortant, régnait sur les ouailles de la « vieille » gauche, socialistes et affidés. Mongaburu, avec un ou deux élus de plus dans son troupeau, pensait remporter la bataille de la présidence, mais finalement les voix des macronistes et de la droite ont permis à Christophe Ferrari d’être le seul coq en haut de ce tas de fumiers. Depuis, les deux camps dirigent finalement ensemble la Métropole, officiellement rabibochés. Mais chaque conseil métropolitain ou chaque nouvelle polémique futile rappelle aux rares habitants suivant ces joutes soporifiques que le degré d’amour entre les deux parties fait plus penser à une discussion entre Russes et Ukrainiens qu’ à un coït entre macronistes et patrons.
Donc : Yann Mongaburu ayant eu vent de rumeurs de comportement irrégulier de la part de Christophe Ferrari, dépose en décembre 2021 – de manière totalement désintéressée bien sûr – un « article 40 », qui stipule que « toute autorité constituée, tout officier public ou fonctionnaire qui, dans l’exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d’un crime ou d’un délit est tenu d’en donner avis sans délai au procureur de la République ». Malgré l’absence de preuves apportées par Yann Mongaburu, le procureur ouvre une enquête et, quelques mois plus tard, le 31 mars 2022, Christophe Ferrari est auditionné à l’hôtel de police. Le lendemain, il reçoit un coup de fil de l’officier de police annonçant que l’affaire est close. Donc fin de l’affaire ?
Pas exactement, car une personne reste outrée par ce classement et surtout par les actes de Christophe Ferrari. Ce n’est pas un de ses ennemis politiques mais – plus étonnamment – son chef de cabinet. Arrivé en octobre 2021, Pascal a rapidement constaté quelques « négligences » éthiques dans les pratiques du président de la Métropole. Avec, en premier lieu, la question de la voiture de service et du chauffeur, utilisés par exemple pour aller donner des cours à Polytech alors que cette activité n’a rien à voir avec sa fonction de président de la Métropole. Autre exemple cocasse : le chauffeur va souvent – sur ses heures de travail – acheter des vifs (des petits animaux vivants) pour les parties de pêche du président, avant de les mettre dans un lavabo de la Métropole et de laisser couler l’eau.
Arrive le mois de mars, la convocation de Christophe Ferrari à l’hôtel de police et le branle-bas de combat au sein du cabinet pour préparer sa défense. Pascal épluche toutes les archives, l’agenda du président depuis 2014 et de multiples factures. Les relevés de télépéage de la voiture présidentielle lui permettent d’affirmer qu’elle a très régulièrement servi le week-end ou pendant les vacances, des moments où rien n’était inscrit à l’agenda du président. Des frais de réparations suite à un accident et des amendes pour excès de vitesse en France ou accès à des zones à trafic limité en Italie confirment cet usage fréquent de la voiture pour des trajets personnels. Confronté à ces éléments, Christophe Ferrari prétend à son cabinet qu’il n’était pas au courant des règles d’utilisation de la voiture car ses précédents conseillers ne les lui avaient pas expliquées.
Les preuves sont nombreuses et solides mais quelques jours avant l’audition, l’officier de police prévient que l’enquête s’intéressera uniquement à une petite période de quelques mois, où il n’y a ni amende, ni frais de réparation. Pascal prend alors le risque de perdre son emploi et se rend à l’hôtel de police pour conseiller à l’officier de police les directions dans lesquelles chercher.
Mais le gradé ne prend pas en compte ses conseils et interroge le président de la Métropole uniquement sur la période annoncée. Résultat : il en ressort blanchi et l’affaire est donc close.
Comment expliquer ce laxisme policier ? Est-ce la volonté de ne pas déranger un puissant qui a le bon goût de ne jamais critiquer le travail de la police ? Ou seulement celle de ne pas s’immiscer dans la « guerre des gauches » métropolitaine ?
Toujours est-il que suite à cet épisode judiciaire avorté, Pascal et quelques-uns de ses collègues ont essayé de « recadrer » le président de la métropole, en lui adressant une note d’information pour lui rappeler les limites légales, en imposant au chauffeur de ne plus garer la voiture de service devant la maison de Christophe Ferrari (ce qui facilitait un usage personnel) ou en conditionnant toute heure effectuée par le chauffeur par la Métropole à une justification précise. Selon Pascal, le président de la Métropole n’a pas apprécié ces changements subis, les prenant comme un « affront personnel » et multipliant les accès de colère. Tout en continuant à avoir quelques « négligences » éthiques, changeant par exemple les noms des personnes avec lesquelles il mange au restaurant pour faire passer l’addition en note de frais.
Ce manque de remise en question a fini de dégoûter le chef de cabinet, lequel a quitté son poste fin septembre, saisi lui aussi la justice par un article 40 et raconté toute cette histoire en détail dans cette interview.
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Ferrari ne veut pas se défendre
Quelle est la version de Christophe Ferrari sur tous les faits racontés dans cet article ? Impossible de savoir… Nos mails aux deux conseillers presse de la Métropole sont restés sans réponse, malgré une relance. Idem pour le message laissé sur le répondeur d’un des conseillers presse. Si jamais, malgré cette perche tendue, Christophe Ferrari avait l’idée saugrenue de nous poursuivre en justice, comme il y a six ans, nous avons toutes les preuves de ces demandes de réaction et de notre volonté d’assurer le « contradictoire ».
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Coraline Saurat, recasée à Pont-de-Claix
Coraline Saurat était la précédente cheffe de cabinet de Christophe Ferrari à la Métropole, que Pascal a remplacée en octobre dernier. Elle n’est pas partie pour des différences de vision de l’intégrité mais parce que sa carrière politique a eu un coup d’accélérateur inattendu. Auparavant simple conseillère municipale de la petite commune de Pierre-Châtel (1 500 habitants), elle a profité de la démission du précédent président pour raisons de santé pour se faire élire présidente de la communauté de communes de Matheysine (environ 18 000 habitants). Sacrée promotion pour cette jeune apparatchik de 35 ans, même si l’indemnité n’est certainement pas à la hauteur des exigences d’une politique ambitieuse. Pour une collectivité de cette taille, le salaire est de maximum 2 000 euros bruts. Alors Coraline Saurat a bien été obligée de retrouver du boulot. Coup de bol : elle est parvenue à se faire embaucher à la mairie de Pont-de-Claix, ville dirigée par Ferrari Christophe en tant que « collaboratrice du cabinet du maire ». Un poste qui nous a été confirmé par mail par Romain Boix, le directeur de cabinet de la mairie de Pont-de-Claix. Ce qui est étonnant, c’est que pour les communes de cette taille (moins de 20 000 habitants) il ne peut y avoir normalement qu’un seul membre de cabinet. Mais pour arranger des proches dans le besoin, le maire de Pont-de-Claix sait trouver les bons arrangements.
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Seulement 9 500 euros par mois pour Christophe Ferrari !
Et au fait, combien gagne Christophe Ferrari ? A-t-il de bonnes raisons d’économiser sur son budget personnel en profitant à outrance de sa voiture de service, du badge de télépéage ou des notes de frais de restaurant ? Selon sa déclaration à la HATPV (Haute autorité pour la transparence de la vie publique), il aurait par exemple gagné pour l’année 2019, 49 768 euros bruts (soit environ 40 000 euros nets) de la part de l’Université Grenoble-Alpes en tant que professeur des universités, 52 000 euros nets d’indemnité en tant que président de la Métropole et 28 548 euros bruts (soit environ 23 000 euros nets) d’indemnité en tant que maire de Pont-de-Claix. Au total, donc, environ 115 000 euros nets sur une année, soit quand même 9 500 euros par mois.
Le Postillon peut même s’enorgueillir d’avoir (à sa modeste mesure) fait grossir le pactole du président de la Métropole. En janvier 2017, nous étions condamnés en appel à lui verser 500 euros pour « dommages et intérêts » pour « injure et diffamation » suite à un article sur sa gestion des ressources humaines à la mairie de Pont-de-Claix. Si les faits rapportés étaient tous exacts, le tribunal avait affirmé qu’on avait manqué de « prudence dans l’expression » et nous avait donc condamnés à verser une petite obole au nécessiteux Christophe Ferrari. On ne sait pas comment monsieur le maire a utilisé cette obole, mais apparemment ce n’était ni pour faire le plein d’essence, ni pour payer les péages ou les réparations de sa voiture : pour ça, il a déjà les caisses de la Métropole.
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