Accueil > Fevrier-Mars 2020 / N°54
Ehpad chance !
Douze euros d’augmentation par jour sur trois ans : non, non, il ne s’agit pas du salaire des soignants, mais du tarif pour les résidents de l’Ehpad du Grand-Lemps. Ça fait quand même 360 euros en plus par mois. Comment en est-on arrivé là ?
L’hôpital va mal, et celui de Rives ne fait pas exception. Depuis deux ans ses salariés dénoncent régulièrement des heures sup’ non payées, le non-remplacement du personnel, la suppression de certaines primes et globalement « une qualité de soins détériorée ».
C’est que la direction a mis en place un plan de redressement pour combler un déficit de 1,8 million d’euros. Ces pertes sont notamment dûes à au moins 750 000 euros de dettes que doit payer l’Ehpad du Grand-Lemps, avec qui l’hôpital a signé un « contrat de mutualisation ». Depuis 2011, l’hôpital de Rives fournit des services à l’Ehpad que la structure doit ensuite payer. Pourtant, jusqu’en 2016, l’Ehpad n’a rien réglé, lui permettant ainsi d’avoir des tarifs très abordables (41 € la journée). Lors d’un CA en 2014, François Gilabert, directeur-adjoint de l’hôpital de Rives [1], annonce « que les prestations dues au centre hospitalier de Rives depuis 2011 sont gelées et différées » parce que le prix à la journée était fixé par le Département, selon lui.
Or, en octobre 2017, la dette planquée sous le tapis réapparaît et la direction de l’Ehpad (Gilabert en est parti en août) « redécouvre » les frais de prestations repoussés. Un administrateur présent s’étonne de « ne pas avoir été alerté plus tôt sur la dette de l’Ehpad ». Le sénateur LREM Didier Rambaud, maire du Grand-Lemps et président du CA de l’Ehpad, exprime « son mécontentement » face à la situation – réaction de circonstance puisqu’il avait validé un premier report en 2014. Aujourd’hui, le sénateur estime « qu’il n’y a pas eu de malversation, mais c’est de la cavalerie comptable. François Gilabert a repoussé les règlements à l’année suivante. Lorsque son successeur est arrivé, il a soulevé le problème. »
Pour le régler, une hausse des tarifs à la journée est décidée, devant se limiter à deux euros par an jusqu’en 2021. Pour François Gilabert, cette hausse aurait dû être évoquée plus tôt, « mais le conseil d’administration comme le Département ont décidé de réajuster ce prix seulement en 2018 ». Une position hypocrite pour notre source : « Le directeur de l’époque aurait pu demander de faire évoluer le prix à la journée, même si c’est le Département qui décide. Mais il ne l’a pas fait. »
En fait, les tarifs augmentent bien plus vite que prévu. Le prix à la journée augmente de 3 euros en 2017, puis 4,7 euros en 2018 et 4,5 euros en 2019, bien au-delà des premières estimations. En quelques années, le prix est passé de 41,3 euros à 55 euros par jour en 2020. Cette augmentation améliore-t-elle la situation des résidents ? Que nenni : ils paient plus cher pour les mêmes prestations qu’avant.
« Est-ce qu’il y a eu une recherche des fautifs ? La reconnaissance d’une faute grave par négligence et incompétence ? Des explications, des excuses et un engagement à faire émerger toute la vérité et en tirer les conséquences ? Rien », déplore notre source. Faudrait pas trop remuer la merde, d’autant plus qu’en cette année électorale, le tarif va encore augmenter. Au lieu de trouver des fautifs, c’est plus facile de punir les vieux !
Notes
[1] Dans un véritable cri du cœur poussé dans un titre du Daubé (14/01/2020), François Gilabert, qui est également candidat aux municipales à Seyssins, tacle le maire actuel Fabrice Hugelé ( Le Postillon n°42 parlait de son « contrat aidé » à la Semitag) : « Moi, au moins, je n’ai pas eu mon nom dans Le Postillon au sujet de mon pouvoir d’achat ! » En voilà, un bel argument de campagne !