Accueil > Février / Mars 2013 / N°19

Des temples érigés pour la déesse Mobilité

Pour présenter ses vœux aux Grenoblois par l’intermédiaire des sucettes de publicité JC Decaux, la mairie de Grenoble a choisi une photo hautement symbolique : celle de la Station Mobile, bâtiment du boulevard Joseph Vallier. Il faut dire que ce bâtiment a réellement changé la vie des Grenoblois : avant ils galéraient pour se déplacer, maintenant « avec StationMobile, bouger devient facile !  ». Tout simplement car «  en rassemblant leurs moyens opérationnels, les instances organisatrices des transports de votre agglomération se mettent au service de votre mobilité. Infotrafic en temps réel, calculateur d’itinéraires, applis smartphone... Profitez de notre bouquet de services ». Les vitres de ce qui s’appelait alors « Centre d’ingénierie et de gestion du trafic », avaient été attaquées et fissurées il y a deux ans. Un groupe anonyme avait revendiqué cette action sur le site Internet Indymedia Grenoble, expliquant que ce bâtiment représente «  un condensé de ce que les pouvoirs en place ont à nous offrir : vidéosurveillance, gestion des flux, y compris humains, pacification sociale, urbanisme aseptisé et aseptisant ». Depuis, le « Centre d’ingénierie et de gestion du trafic » est devenu «  Station Mobile  », ce qui est beaucoup plus sexy. Et ce qui permet de faire croire que ce bâtiment qui centralise toutes les caméras de vidéosurveillance des axes de circulation de la ville, n’a pour objectif que d’améliorer le confort des urbains et pas du tout de surveiller et d’optimiser la gestion du bétail humain.

En plus de sa Station, la Mobilité aura bientôt son Pavillon. Le projet de Grenoble Presqu’île, visant à agrandir le centre-ville de Grenoble jusqu’aux barbelés du Commissariat à l’énergie atomique et au réacteur nucléaire de l’Institut Laue-Langevin, comprend un énigmatique « Pavillon de la mobilité » qui «  proposera aux utilisateurs des choix de modes de déplacement adaptés à leurs besoins  ». Car pensez-donc ! les gens sont trop bêtes pour choisir entre le vélo, le tram, la voiture ou la trottinette : il leur faut un pavillon pour prendre une décision.
C’est à croire que le vocable « mobilité » est à inscrire de multiples fois dans les dossiers de subvention pour les communes qui espèrent gratter le maximum d’argent public – pour le projet Presqu’île, la mairie vient de gagner plus de dix-sept millions d’euros à la grande tombola des subventions d’État. Les caciques grenoblois en usent en tous cas à toutes les sauces, notamment car cette « valeur » correspond bien avec l’image d’une ville où le maire s’enorgueillit sans cesse du fait que «  plus de huit grenoblois sur dix ne sont pas dauphinois d’origine ». « Bouger », «  être mobile  » devient un but à part entière, vide de tout sens, si ce n’est de faciliter la tâche des puissants, qui préfèrent gouverner une masse de déracinés changeant de ville tous les cinq ans.