Accueil > Printemps 2024 / N°72
Batteries, l’arnaque du recyclage
Les batteries électriques vont sauver le monde ! C’est – peu ou prou – le discours des autorités promouvant sans relâche la « mobilité électrique » qu’elle se fasse à trottinette, à vélo ou en voiture. Alors le nombre de batteries en circulation explose dans le monde. En 2021, la Royal Society of Chemistry avance les chiffres suivants : 134 000 tonnes de batteries lithium en 2009, dix fois plus en 2019 (1,2 million de tonnes) et des prévisions qui multiplient encore par dix ces chiffres pour 2030, atteignant 12,7 millions de tonnes (d’autres prévisions parlent du double en 2030).
À quelques années de distance, ce tsunami de batteries lithium se transformera en un tsunami de déchets. Car une chose est certaine aussi pour les batteries : elles finissent par mourir un jour (leur espérance de vie étant de un à dix ans). Et après, qu’en fait-on ? Les autorités et industriels mettent en avant un hypothétique « recyclage ». Mais en Isère comme ailleurs, impossible d’en trouver la moindre véritable trace, malgré la présence d’un certain Farouk Tedjar, présenté il y a une dizaine d’années comme le messie de la « mine urbaine ». Par contre, en suivant la trace des batteries usagées, on tombe sur de nombreux incendies...
À chaque jour ou presque son incendie de batteries. Il y a les vélos, trottinettes ou voitures qui prennent feu, endommageant parfois les maisons ou bâtiments qui les abritent. Exemple parmi tant d’autres : le 18 novembre dernier, un immeuble situé rue Pierre Ruibet à Grenoble a dû être évacué suite à un feu de batterie défectueuse de vélo électrique.
Et puis il y a les centres de stockage ou de transit des batteries usagées, et là c’est beaucoup plus impressionnant. Exemple parmi tant d’autres : le 11 juillet dernier, un immense incendie a eu lieu à Izeaux, près de Rives (à quarante kilomètres de Grenoble), dans la société Arc-en-Ciel Recyclage qui gère, entre autres déchets, les batteries usagées. Si elles n’ont a priori pas causé le départ du feu, leur embrasement a causé « un violent incendie », occasionnant « des explosions entendues jusqu’à la Murette [village situé à 15 kilomètres] » (Le Daubé, 12/07/2023) et demandant l’intervention de 95 pompiers, huit lances à incendie et toute une nuit d’arrosage. 4 700 m2 d’entrepôts sont partis en épaisse fumée noire et potentiellement toxique qui a occasionné l’évacuation d’une vingtaine de maisons.
Pourquoi tous ces incendies ? Si les capacités de stockage d’électricité des batteries n’arrêtent pas d’augmenter, c’est au prix de mélanges de plus en plus réactifs et détonants qui, en cas de défaillance, produisent des « phénomènes de désintégration violente » plus ou moins instantanée, autrement dit : des feux et des explosions.
C’est pour cette raison qu’elles sont déjà interdites dans la soute des avions, et suite à l’incendie d’une cigarette électronique sur un vol Easyjet au départ de Genève en mai 2023, peut-être bientôt en cabine. L’explosion de la batterie d’une trottinette dans le métro de Madrid en octobre dernier a entraîné leur interdiction provisoire dans le réseau des transports publics madrilènes. L’interdiction est définitive depuis le 9 décembre 2021 dans les transports publics de Londres. En France, en 2023, l’« association nationale des utilisateurs de micromobilité électrique » a recensé 34 incendies de batteries lithium sur les « e-mobilités légères », c’est-à-dire les trottinettes et les drones (!). Une dizaine a déjà été dénombrée en 2024. L’« emballement thermique », comme on appelle le phénomène, affecte bien entendu également les vélos et les voitures : plus la batterie est grande, plus l’incendie est violent et difficile à contenir... C’est un « nouveau défi » auquel doivent faire face les pompiers, comme le raconte un article de Sud Ouest (30/06/2022) évoquant cet enjeu aux États-Unis : « Une voiture qui s’enflamme plus de trois semaines après son arrivée à la casse, 17 000 litres d’eau, la construction en urgence d’un mini-bassin pour immerger les batteries électriques : l’incendie d’une Tesla début juin a pris de court les pompiers du district de Sacramento. Éteint, le feu n’arrêtait pas de reprendre. Même après avoir renversé la voiture sur le côté et dirigé l’eau directement sur les batteries. “On ne s’attendait pas à rencontrer tant de défis” pour maîtriser les flammes, raconte Parker Wilbourn, capitaine de sapeurs-pompiers dans l’agglomération californienne. »
Si la virulence du feu d’une batterie diminue quand les batteries ont moins de charge (ce qui est souvent le cas quand elles deviennent des déchets), sa probabilité augmente avec le vieillissement des coques qui les contiennent, les chocs et les empilements (ce qui est souvent le cas quand elles deviennent des déchets).
Comment la « chaîne » des déchets est-elle organisée ? Comme les piles, les batteries lithium doivent être triées et apportées à des points de collecte, où elles sont prises en charge par des « éco-organismes » financés par des « éco-taxes ». Ces éco-organismes sont des organismes agréés au niveau national qui mobilisent les quelques milliers d’entreprises de recyclage françaises dans un vaste réseau de sous-traitance. Pour les piles et batteries de l’agglomération grenobloise, l’éco-organisme s’appelle Corepile. Pour les déchets des équipements électriques et électroniques (D3E dans le jargon), qui contiennent souvent des batteries ou des piles lithium, c’est Ecosystem.
Cela concerne les piles et batteries dites portables, en gros celles qui ne sont pas utilisées dans les véhicules électriques. Ces dernières sont dites « industrielles ». Ce sont les producteurs, ou leurs points de vente, qui ont l’obligation de les reprendre et s’en occuper. Mais elles finissent dans le même réseau d’entreprises de recyclage qui, en ce qui concerne les batteries lithium, convergent toutes vers les grands acteurs du domaine : Véolia, Suez ou les entreprises « spécialisées » dans l’« hydrométallurgie » (on y reviendra).
Propagation des feux
Si on remonte la chaîne locale de traitement des batteries, on tombe sur plusieurs incendies. Dans la métropole, Corepile sous-traite au conglomérat Praxy qui sous-traite lui-même à Arc-en-ciel Recyclage, l’entreprise d’Izeaux ayant subi l’incendie décrit plus haut… Contacté, le patron de la boîte, Paul Barbargallo, fait état de trois nouveaux départs de feux dans les six derniers mois, dont une trottinette. Son témoignage n’est pas vraiment rassurant, surtout avec les fortes chaleurs favorisant les départs de feu. « De mai à septembre, on part des installations la boule au ventre. Sur le béton, en été, on peut attendre les 46º… » L’entreprise doit composer avec la multiplication des petites piles lithium dans plein de babioles : cartes d’anniversaire, jouets, cigarettes électroniques jetables, etc. « Quand on fait le tour le soir avant de partir on entend des engins vibrer dans les bacs, ou des jouets pour enfants faire sonner leurs chansonnettes. On essaie de les éteindre si on arrive à les trouver... La question n’est pas de savoir si on va avoir un incendie mais quand. Les quantités de piles et de batteries collectées ont doublé voire triplé... Sincèrement je ne vois pas comment on va résoudre le problème. »
À Izeaux, jusqu’en juillet, les batteries ne faisaient que transiter avant d’être apportées à la société nouvelle d’affinage de métaux (Snam) à Saint-Quentin-Fallavier, où deux incendies se sont succédé en juin dernier, le premier mobilisant une « quarantaine de pompiers » pour un « feu qui a été éteint grâce à de la mousse, non sans mal puisqu’il a fallu se débattre pendant 3 heures pour y parvenir » (Le Daubé, 4/06/2023). Sur les moteurs de recherche, on retrouve des traces de quantité d’incendies sur ce site, notamment en 2012 où vingt tonnes de piles et batteries s’étaient enflammées, suscitant l’inquiétude des riverains.
Du site de Saint-Quentin-Fallavier, les batteries lithium partaient vers les installations de la même entreprise à Viviez dans l’Aveyron, où le pseudo-recyclage a lieu (on y reviendra, bis). À Viviez un stock de 900 tonnes de batteries a brûlé le 17 février dernier avec les 3 000 m2 de bâtiment qui les contenaient provoquant, selon les mots de la presse locale, un « gigantesque incendie ». Encore des flammes monumentales, plus de 50 pompiers, des cataractes d’eau et une épaisse fumée noire faisant le tour des réseaux sociaux. Dans les jours suivants, l’agence régionale de santé a mis en place une « cellule psychologique » pour les habitants et une « surveillance active » a aussi été demandée aux professionnels de santé pour recenser les habitants qui présenteraient des symptômes.
Si les incendies dans les entreprises de recyclage deviennent un véritable fléau, c’est à cause de la présence de plus en plus importante des batteries lithium, même si cette vérité est parfois occultée. Le 21 février dernier, le Grésivaudan a été recouvert par un gros nuage provenant de l’incendie de l’entreprise de recyclage VMA Verger à Pontcharra. Contactés, les responsables nient tout rapport avec les batteries lithium alors que des voisins nous ont assuré que le feu serait parti d’une batterie lithium sectionnée par accident en coupant de la ferraille…
En octobre 2023, un incendie détruit complètement les installations d’Excoffier Recyclage en Haute-Savoie, avec 35 millions d’euros de dégâts et une facture des ordures qui explose puisque les déchets sont envoyés maintenant en Alsace. En cause : une batterie lithium non vidée. Le patron de cette boîte, président lui-même de la Fédération d’entreprises de recyclage, faisait état en 2022 d’une augmentation de 150 % des incendies dans la filière (20 minutes, 29/03/2022). Les professionnels parlent d’une multiplication par 14 du prix des assurances. Ces derniers mois, en plus de ceux déjà évoqués, Google nous informe qu’il y a eu des incendies dans les entreprises de recyclage BCE à Licry-Louvercy (octobre 2023), Paprec à la Seyne-sur-Mer (octobre et septembre 2023), Tri Ouest à Barbazanges (octobre 2023), Paprec à Chartres (septembre 2023), Bolloré Logistics à Grand-Couronne (janvier 2023). Pour ce dernier, Reporterre (14/02/2024) est allé faire un reportage un an après, documentant « l’impossible retour à la vie normale des riverains » encore sous le choc et inquiets des pollutions émises. « En sous-sol, les eaux de la nappe, extrêmement chargées en lithium, sont confinées par une barrière hydrique mise en place mi-novembre 2023 en attendant une dépollution. »
Dissolution du problème des batteries
Et après ? Si les batteries collectées échappent aux incendies, que deviennent-elles ? Une étude anglaise de 2021 [1] constate que, dans le monde, la plupart des déchets solides ménagers est simplement enfouie : 53 % aux USA, 79 % en Chine, 94 % en Malaisie, 18 % en Europe et 22 % pour la France. Dans ces enfouissements l’étude constate une augmentation d’incendies liés aux batteries lithium se trouvant dans les déchets ménagers. Si elles ne brûlent pas, leur simple décomposition lâche une kyrielle de métaux lourds, fluides chimiques, poudres et gaz encore en phase d’étude et découverte, comme cette mystérieuse vapeur blanche qui se dégage des batteries, explosive et toxique, à la composition encore mal comprise…
À ce sujet, la généralisation des modes de déplacement électriques sera accompagnée, comme pour les autres véhicules, d’un marché concomitant d’occasion et de bricolage. Puisque le recyclage officiel passera par des organismes certifiés et le paiement de taxes, on peut supposer que les décharges sauvages se peuplent aussi de batteries lithium. L’étude en question fait une comparaison intéressante avec ce qui ce qui se passe pour les batteries plomb-acide des voitures : elles finissent souvent dans des pays aux réglementations très souples ou inexistantes. Le problème est assez important pour être soulevé au niveau mondial et, les même causes produisant les mêmes effets, on peut s’attendre à l’accumulation de batteries lithium dans les décharges des pays les plus pauvres. C’est aussi ça, la croissance : une augmentation perpétuelle du nombre de déchets dégueulasses.
N’empêche qu’en Europe, et donc en France, on est officiellement des bons élèves de l’écologie : selon la directive 2006/66/EC du 6 septembre 2006 du parlement européen, les batteries ne peuvent qu’être recyclées !
La « mine urbaine » et la black mass
Ainsi toutes les batteries lithium des voitures, vélos et trottinettes sont censées entrer dans des cycles vertueux de réutilisation à l’infini de la « mine urbaine » que représentent ces déchets. Elles sont censées boucler la boucle et nous redonner ce qu’elles contiennent pour une réutilisation infinie et harmonieuse.
La première étape de tous les processus de recyclage est le broyage des batteries, ce qui donne une poudre noire : la « black mass ». La méthode la plus simple et éprouvée, dite « pyrométallurgie », consiste à faire fondre la black mass pour en récupérer un alliage de cobalt, cuivre, fer et nickel. Le reste des composants part en fumée, non seulement les différents plastiques, le graphite et l’aluminium qui les composent, mais aussi les composants chimiques comme le manganèse et le lithium lui-même. Extrêmement énergivore et polluant, le procédé ne permet même pas de récupérer le lithium comme l’impose la directive européenne.
Donc la seule issue qui reste au recyclage européen c’est « l’hydrométallurgie », qui consiste à faire passer des solvants plus ou moins dégueulasses, acides ou basiques, dans la black mass pour en extraire, par dissolution, les différents métaux. En gros c’est le même type de processus qu’applique l’industrie minière pour extraire les métaux dont sont faites les batteries, notamment le lithium.
Officiellement c’est ce que font toutes les entreprises de recyclage et les constructeurs de batteries. Véolia montrait une belle vidéo du procédé au tech&fest de Grenoble début février. Verkor annonce bientôt l’utiliser avec les déchets de production et les batteries récupérées. L’entreprise minière Eramet s’est associée à Suez pour ouvrir une méga usine de recyclage d’hydrométallurgie à Dunkerque. Mais est-ce que ça marche ?
Farouk Tedjar, l’échec du modèle grenoblois
Grenoble, toujours un temps d’avance ! Une des premières entreprises françaises à avoir annoncé la possibilité de recyclage des batteries lithium par hydrométallurgie se trouve à Domène. La société Recupyl a été créée en 1993 par le Grenoblois Farouk Tedjar, caricature de l’ingénieur local, passé notamment par l’institut national polytechnique et ayant pour devise : « Si les ressources sont épuisables, l’innovation est inépuisable. »
En 2006 une première levée de fonds permet à Récupyl de devenir officiellement une start-up, et permet à Farouk Tedjar de s’épancher dans les médias comme messie de la « mine urbaine » (Le Monde, 31/12/2008). Libération (25/11/2012) dresse le portrait de cet « obsédé de l’accu » en vantant son procédé « astucieux et inédit », un véritable « filon écolo ». En 2014, différentes ambassades de France à l’étranger parlent, dans leur service d’information, de cette start-up qui a résolu le problème du recyclage des batteries lithium, succès qui est à la fois « une démonstration de l’excellence universitaire française et une preuve de l’efficacité du soutien des pouvoirs publics » (Récupyl ou la réincarnation des métaux, consulat général de France à Los Angeles, 14/02/2014).
Et dans la réalité ? La société de Farouk Tedjar va connaître le destin de tous les récupérateurs de batteries lithium : l’incendie, qui a eu lieu en 2015. Cela entraîne une inspection suivie d’une mise en demeure pour « non conformité de la zone de stockage » qui aboutissent à son redressement judiciaire en février 2018 puis à sa liquidation au mois d’août. Néanmoins une grosse entreprise de recyclage de Singapour achète le fonds de commerce et poursuit l’activité à Domène. Recupyl devient TES-Recupyl, filiale de TES-AMM. Farouk Tedjar y devient Chief scientist.
Sauf qu’un rapport de la Dreal de 2020 affirme que Recupyl n’a jamais dépassé le stade du broyage des batteries pour créer la fameuse « black mass », ce que tous les acteurs de la filière savent faire. L’hydrométallurgie n’était effectuée que sur des petites quantités, de manière ponctuelle, et pour la recherche. Il y a un pas entre un brevet sur un procédé, et un processus industriel. Les brevets et effets d’annonce en électrométallurgie sont légion, les résultats beaucoup moins.
En 2019, Record, un organisme qui regroupe l’ADEME, le ministère de l’Environnement et les industriels, a analysé les avancées de l’hydrométallurgie dans le rapport « Recyclage et réemploi des batteries, État de l’art ». Les différentes entreprises de recyclage de batteries sont étudiées, et notamment Recupyl : « La suite du procédé n’a jamais été mise en œuvre par Recupyl. La black mass obtenue était envoyée vers Nickelhütte Aue [société minière] en Allemagne pour un traitement hydrométallurgique complémentaire. [...] Le brevet correspondant décrit également la récupération des éléments de la cathode pour la technologie LFP mais ce procédé n’a jamais été mis en œuvre. » La nouvelle TES-Recupyl de Domène ne s’occupe, elle aussi, que de faire de la black mass. Comment est-elle ensuite traitée ? D’après la réponse que nous avons reçue de leur service de communication, elle est envoyée « en dehors de l’Europe, vers d’autres pays de l’OCDE en Asie ou en Amérique du Sud », sans vouloir donner les noms des entreprises qui les prennent en charge par souci de confidentialité…
Une technologie « en développement »
Pour sa part, Veolia nous a répondu que ses installations d’hydrométallurgie, installées sur leur site de Cedilor en Moselle, sont « en cours de démarrage (d’ici quelques mois) ». Si la multinationale assure travailler « dès aujourd’hui à l’amélioration constante des procédés de traitement pour obtenir des matières premières réutilisables pour fabriquer de nouvelles batteries », elle admet néanmoins que les produits récupérés pour l’instant, cobalt et sels de nickel, ne seront pas de « grade batterie », donc pas utilisables directement pour construire de nouvelles batteries...
Quant à la Snam de Viviez, avant l’incendie du 17 février, ses procédés d’hydrométallurgie étaient toujours « en développement »… Reste le projet de Suez et Eramet évoqué plus haut, qui devrait ouvrir à Dunkerque prochainement. La « concertation préalable » commence le 4 mars prochain, l’étude d’impact devrait être rendue à la fin de l’année afin d’annoncer ce qui va concrètement sortir de cette usine, tant en termes de produits finaux que de pollutions, notamment de l’eau (sa présence abondante est une des raisons de l’implantation de cette boîte, et des gigafactorys de batteries, dans cette région).
L’hydrométallurgie est-elle un mirage impossible à mettre en place ? Non, certains pays la pratiquent réellement, comme la Chine et la Corée… mais ses procédés sont à peu près aussi laborieux et polluants que l’industrie minière elle‑même ! Dans La ruée minière au XXIe siècle (Seuil, 2024), Célia Izoard illustre la complexité du processus : « Le programme des Nations Unies pour l’environnement en donne une image dans un rapport consacré au recyclage des métaux : c’est comme si, à partir d’une tasse de cappuccino, vous vouliez obtenir de l’eau, du café, du sucre et du lait sous leur forme initiale. Sauf que dans ce cas, une partie des substances impliquées dans le processus est toxique. »
Dans la littérature scientifique ces procédés sont étudiés et évalués, mais les conclusions sont toujours très mitigées à propos du produit final récupéré et, surtout, en termes de coûts et de pollution. Invariablement, les scientifiques lancent un appel à « plus de recherche », qui risque d’être infinie. Si l’efficacité des batteries n’arrête pas d’augmenter c’est au prix d’une complexité matérielle de plus en plus poussée : elles contiennent des dizaines de matériaux différents dans des formules très élaborées. Comme l’explique Jean-Baptiste Fressoz dans Sans transition (Seuil, 2024) « En augmentant la complexité matérielle des objets, le progrès technologique renforce la nature symbiotique de l’économie. Il permet certes d’accroître l’efficacité énergétique, mais il rend aussi le recyclage difficile si ce n’est impossible. Au cours du temps, le monde matériel est devenu une matrice de plus en plus vaste et complexe enchevêtrant une plus grande variété de matières, chacune consommée en plus grande quantité. » Pour l’instant on se contente donc d’envoyer les batteries lithium usagées dans le futur.
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Une « seconde vie » très limitée
Entre l’utilisation et le recyclage il y a aussi la seconde vie des batteries, dont se targuent pas mal de producteurs et bénéficiaires. Le loueur de trottinettes et vélos électriques Dott, par exemple, vante son partenariat avec Gouach, start-up bordelaise qui annonce donner une seconde vie aux batteries lithium grâce à des techniques innovantes. Encore une fois, l’organisme Record (cité dans le texte) s’est penché sur le sujet en 2023. Ils ont identifié une filière « encore en cours de structuration » et une « multitude d’initiatives » beaucoup trop limitées par rapport aux volumes attendus. En plus « aucun projet n’a souhaité communiquer sur sa rentabilité actuelle au regard de la seconde vie. Il n’est donc pas possible de conclure de manière certaine sur la maturité économique de ces initiatives. » On peut abonder ce constat : Gouach n’a pas souhaité répondre à nos questions.
Quoi qu’il en soit, la conclusion de Record après l’analyse de ces initiatives, est que « l’avantage environnemental de la seconde vie n’est pas évident » et qu’« il n’est pas possible de conclure de manière générale à la pertinence économique de la seconde vie » puisque les baisses de coût des batteries neuves « est plutôt défavorable à la compétitivité de la seconde vie à long-terme ».)]
Notes
[1] W. Mrozik, Environmental impacts, pollution sources and pathways of spent lithium-ion batteries, 2021.