Au tribunal
Vestige de l’amour
En ce mois de janvier, de nombreuses affaires de violences conjugales ont été jugées en correctionnelle.
Le 11 janvier, un homme de 25 ans entre dans la salle, escorté par des policiers. Son ex-conjointe a porté plainte pour violences. La juge explique ne pas avoir réussi à résumer tous les faits du dossier, elle s’efforce donc de lire les messages de menaces qu’il lui a envoyés.
La juge : « Je vais t’enculer, je vais te niquer ta mère. Je vais te fumer, toi et eux. Je vais te mettre dans le coffre, t’enchaîner et te mettre dans une cave en Alsace, d’où tu ne sortiras plus jamais. »
Le prévenu a des problèmes d’alcoolisme.
La juge : « Qu’avez-vous fait ce jour-là ? »
T. : « Je suis allé manger chez ma maman et j’ai fait deux, trois courses. »
La juge : « Deux, trois courses, vous avez acheté de la vodka. »
T. : « Et du café !!! »
La juge : « La vodka n’était pas indispensable. »
Après que l’avocat de la partie civile a exposé sa plaidoirie, le procureur prononce son réquisitoire.
« Quant aux messages… Ça en est éprouvant de lire cette diarrhée littéraire. Ce fameux crachat est indigne, et répugnant aussi. Répugnant. Tout cela, ce n’est pas être un héros, c’est être un zéro. S’en prendre à des femmes sans défense… C’est minable. »
Un peu plus tard, des magistrats se querellent.
La juge : « Ça vous arrive souvent de couper la parole, monsieur le procureur ? Déjà que je perds facilement le fil… »
Le procureur : « Vous trouvez ça normal que je n’ai toujours pas eu la parole ? »
La juge : « Vous aurez la parole quand j’estimerai que ce sera le moment. »
Le 13 janvier, J. a comparu devant la cour d’appel à la suite d’une plainte déposée par son épouse et une de ses filles. Désemparées face à l’alcoolisme et la violence de monsieur, elles s’étaient rendues à la gendarmerie, avant de retirer cette plainte quelques jours plus tard. J. a quand même été convoqué par le ministère public. Sa fille a expliqué avoir écrit au procureur afin de justifier son retrait de plainte. Devant le tribunal, elle s’effondre, expliquant qu’elle voulait provoquer un déclic chez son père. Celui-ci semble avoir pris la mesure de ses actes. Il avait proféré des insultes à caractère raciales à son épouse et à sa fille, les traitant de « sales Arabes », et les avait violentées. L’audience s’est donc déroulée sans partie civile, la fille du prévenu était présente et lui a témoigné son soutien devant le tribunal.
Le 27 janvier, c’est au tour d’un homme d’une soixantaine d’années. Ses trois enfants et son ex-femme se sont constitués parties civiles. Le prévenu, C., s’est rendu au mariage de sa fille avec une machette, dont il s’est servi durant les festivités. Après avoir déchiré la robe de mariée de sa fille avec son arme, et menacé de la découper elle-même, il a blessé un de ses fils au niveau du rein. À la fin de l’audience, la présidente rappelle le prévenu à la barre.
La juge : « Voulez-vous dire quelque chose ? » [Le prévenu marmonne dans sa barbe]
C. : « Je m’excuse. »
La juge : « Qu’avez-vous dit ? »
C. : « Je m’excuse. »
La juge : « Ce n’est pas à moi qu’il faut le dire. »
[Le prévenu regarde timidement sa famille, mais ne se tourne pas vers eux]
C. : « Je m’excuse. »
[La juge commence à hausser le ton]
La juge : « Mais parlez-leur à eux, pas à moi. »
C. : « Qu’est-ce que je dois faire ? Je dois les regarder ? »
La juge : « Je ne sais pas, mais faites-le. »
C. : « Je m’excuse. »
La juge : « Mais bon sang, dites leur vraiment. »
C. : « Je suis désolé pour le mal que je vous ai fait quand vous étiez petits, soi-disant. »
Stupéfaite, la salle du tribunal s’indigne. La présidente, les avocates, les parties civiles, le public : tout le monde réagit. Il sous-entend que ses enfants ont inventé les violences qu’ils ont décrites à la barre, en pleurs. Séance levée.