Depuis le XIXe siècle, on étudie la géologie à l’Université de Grenoble. Dans les années 1950, à l’étroit dans des locaux vétustes de la rue Très-Cloîtres, les responsables universitaires décident de construire un bâtiment dédié à cette matière. Installé sur les pentes de la Bastille, l’Institut Dolomieu, du nom d’un géologue dauphinois, ouvre ses portes à la rentrée 1961. C’est alors « le laboratoire de géologie le plus moderne d’Europe et celui bénéficiant du panorama le plus exceptionnel des Alpes ».
Pendant des dizaines d’années, on amasse dans ce bâtiment une quantité astronomique de pierres provenant du monde entier. Certaines, contenant de l’uranium, sont radioactives, et signalées comme telles. « Je ne crois pas que c’était dangereux, nous raconte un ancien étudiant. Les pierres radioactives, on les voyait, mais normalement on ne les touchait pas. Je me souviens juste de quelques détails étonnants : une fois j’avais vu un colis, envoyé par la Poste, avec marqué en gros dessus ‘‘attention matières radioactives’’. Une autre fois, un évier avait été condamné pendant plusieurs mois avec un panneau ‘‘attention radioactif’’. Mais en tout cas, personne ne nous disait qu’il y avait un véritable danger ». Selon d’autres personnes, il y avait également à Dolomieu de la pechblende et de l’autunite, deux minéraux radioactifs, et des flacons de sel uranyle.
Le bâtiment de l’Institut Dolomieu est trop excentré par rapport aux autres instituts scientifiques grenoblois : les responsables universitaires vont donc progressivement l’abandonner. Au milieu des années 2000, les différents laboratoires présents sur les pentes de la Bastille migrent dans les bâtiments de l’Institut des sciences de la terre, sur le campus de Saint-Martin-d’Hères. Certains étudiants en géologie restent jusqu’à l’été 2011, avant de rejoindre le campus. Le bâtiment est alors fermé mais pas complètement abandonné, car il abrite encore les collections du musée de paléontologie et de minéralogie. Aucun autre lieu ne pouvant récupérer les dizaines de milliers de pierres, l’Université Joseph Fourier, propriétaire des lieux, décide des les laisser là en attendant.
- L’Institut de géologie de Dolomieu a fermé en 2011. Ce bâtiment abandonné est régulièrement visité : le jour où nous y étions, une poignée d’adolescent s’y introduisait après nous.
À côté de l’Institut Dolomieu, l’ancien Institut de géographie alpine, a été fermé une dizaine d’années plus tôt, au début des années 2000. Depuis, ce bâtiment a été de multiples fois visité, squatté, tagué, dévasté. Forcément, quand Dolomieu se vide, le même phénomène se produit : des personnes entrent dans le bâtiment, parcourent les lieux, récupèrent du matériel, y passent du temps.
L’Université Joseph Fourier s’en rend vite compte et décide en catastrophe de déménager les collections, au cours de l’année 2012. Aucune idée des précautions prises par rapport aux minéraux radioactifs, mais il est certain que le bâtiment conserve aujourd’hui des traces importantes de radioactivité.
C’est ainsi qu’en janvier 2014, nous avons pu observer les faits suivants (voir ci-dessous et page suivante) :
Sur un chemin devant l’Institut Dolomieu, quelques mètres carrés sont radioactifs. Sur un sol de terre et de gravier, nous remarquons quelques petits gravats jaunâtres. Les mesures effectuées sont très élevées pour un lieu public. Ce chemin est un raccourci utilisé par des étudiants pour rejoindre la cité universitaire du Rabot.
À l’intérieur du bâtiment, nous tombons sur une porte sur laquelle il est inscrit : « ici radioactivité, ne pas toucher ». Un objet bizarre présente également une inscription « radioactif, très dangereux. Défense formelle de toucher. Loi du 31 décembre 1980 ». Nous ne détectons aucune valeur anormale à ces endroits. Mais en seulement une heure dans les pièces saccagées, nous réalisons deux mesures problématiques : l’une en dessous d’un évier, l’autre sur un tissu. Nous ne contrôlons évidemment pas l’ensemble de ce vaste établissement : il nous aurait fallu plusieurs journées pour ce travail. Combien contient-il d’autres objets contaminés ?
Habitués à passer devant l’Institut Dolomieu pour monter à la Bastille, régulièrement nous observons des groupes de jeunes gens, lycéens, étudiants, se balader autour du bâtiment et y entrer. Une voiture d’un vigile stationne devant l’institut le week-end et fait des rondes la nuit. Mais en semaine, il suffit de grimper trois mètres pour accéder à l’intérieur. L’Institut vide est un terrain de jeu extraordinaire : comment résister à la tentation de visiter toutes les pièces et de toucher un peu à tout ?
Comment se fait-il que l’Université Joseph Fourier, propriétaire des lieux, laisse des éléments radioactifs dans ce bâtiment visité régulièrement ? Il semble pourtant que certaines parties aient déjà été décontaminées. C’est ce que nous avons découvert en visitant une grotte en contrebas de l’Institut Dolomieu. Au croisement entre la route menant à l’Institut et celle menant à la résidence universitaire du Rabot, il y a une porte dans la falaise. Le contaminamètre, placé contre la porte, indique une radioactivité anormale dans la grotte. À côté de la porte, il y a un trou. En jetant un œil, on peut apercevoir des déchets entreposés.
On entre dans cette grotte par une petite fenêtre située à dix mètres à droite de la porte. C’est un endroit étonnant, avec des couloirs de plusieurs dizaines de mètres sous terre. Impossible de savoir à quoi ce lieu servait avant, tout juste peut-on trouver quelques traces laissant penser qu’il a été habité : un lit calciné, des canettes, des vieux vêtements.
Ce qui est sûr, c’est que l’Université Joseph Fourier s’en sert aujourd’hui comme d’une poubelle. À l’entrée de la grotte, on trouve de gros minéraux jaunes, à forte radioactivité. Sont également présents deux gros bidons remplis de liquide, avec l’inscription « uranium ». On trouve aussi des sacs : certains contiennent du matériel ayant dû servir à une décontamination (combinaisons, gants, chiffons, morceaux de tuyaux...), d’autres au contenu non déterminé. Sur ces derniers, on mesure également de très fortes valeurs.
Cette grotte est très humide : l’eau ruisselle à l’intérieur, il y a des flaques au sol, les parois suintent. La radioactivité présente sur certains minéraux ou objets peut donc s’infiltrer dans la terre.
Depuis combien de temps sont entreposés ces déchets ? Sur certains sacs, des dates indiquent le mois d’octobre 2013. Cela fait donc au moins trois mois. Y a t-il des personnes qui fréquentent cette grotte ? On ne peut pas savoir, même si on peut supposer que les lieux sont généralement vides, tant ils sont glauques.
La certitude, c’est que cette poubelle est une aberration. De tels déchets auraient dû être envoyés à l’Andra (Agence nationale de gestion des déchets radioactifs). Le stockage des déchets radioactifs est très encadré : il doit normalement avoir lieu dans des locaux sécurisés, avec une signalétique claire. Ici, il n’y a rien. Cet abandon résulte-t-il d’une volonté délibérée ou d’un enchaînement de négligences ?
L’Université Joseph Fourier se targue de faire partie des six premières universités françaises et des 150 meilleures universités mondiales. Pour l’abandon de déchets radioactifs, elle est sûrement aussi en tête de classement.
Pour l’instant, le plus grand flou règne sur l’avenir des bâtiments de l’Institut de géographie alpine et de l’Institut Dolomieu. Aux dernières nouvelles, l’Institut de géographie alpine a été racheté par un promoteur haut-savoyard, Daniel Besson, aux intentions mystérieuses. Au mois de mars 2013, il était question, selon le groupe des élus PS de la ville de Grenoble (sur leur site), d’une expropriation par la ville de Grenoble, sans qu’on n’en sache plus pour l’instant. L’Institut Dolomieu appartient toujours à l’Université Joseph Fourier, qui a d’ailleurs lancé un « appel d’offres pour la surveillance et le gardiennage de l’Institut Dolomieu ». Il n’est pas précisé si les vigiles devront porter combinaisons et masques pendant leur ronde. Que les sociétés intéressées se dépêchent : elles doivent rendre leur dossier avant le 10 février 2014.
Méthodologie
Autant pour les passionnés de radioactivité que pour prouver la véracité de notre histoire, voici le matériel que nous avons loué pour effectuer les mesures : un contaminamètre COMO 170 et radiamètre MGS10. Le premier mesure la contamination en coups par seconde (cps), celle-ci ne devrait normalement pas dépasser « un bruit de fond » de 10 à 15 cps. Le radiamètre calcule le débit de dose de radioactivité en microsievert qui s’établit habituellement à 0,1 microsieverts. C’est clair ?
C’est quoi, la radioactivité « normale » ?
La radioactivité est, à la base, un phénomène naturel : elle vient des roches qui composent la Terre, un peu aussi des rayonnements cosmiques. L’eau et les êtres vivants en contiennent. Cette radioactivité de faible intensité constitue ce que les scientifiques appellent un « bruit de fond », qui peut varier d’un endroit à l’autre, notamment avec l’altitude. C’est ainsi qu’en promenant notre contaminomètre dans les locaux du Postillon, on a mesuré 14 cps. Un chiffre « normal », à comparer aux valeurs supérieures à 10 000 cps (le contaminamètre n’allait pas plus loin), relevées au pied de l’Institut Dolomieu et sur les matières planquées dans la grotte attenante.
Ici (photo ci-dessus), nous sommes au pied de l’Institut, à dix mètres du parking. Le contaminamètre sature en béta/gamma. Cela signifie qu’il ne peut pas mesurer au delà de 10 000 cps (soit au minimum 714 fois au dessus du « bruit de fond »). Les 73,9 correspondent aux rayons alpha. Nous avons aussi effectué une mesure d’irradiation (avec le radiamètre), qui était de 18,2 microsieverts / heure, soit 182 fois au-dessus de la radioactivité censée être « normale ».
Dans cette salle, aucune contamination relevée, juste un simple avertissement au marqueur...
Ce bout de tissu indique 1,25 kcps en beta/gamma, c’est à dire 1250 cps. Une contamination environ 90 fois supérieure à la « normale ». Dans une autre pièce, le contaminamètre indique 215 cps en beta/gamma, donc 15 fois supérieure à la « normale ».
Dans le virage en contrebas de l’Institut, la porte fermant une grotte. à côté, deux ouvertures. Depuis l’une de ces ouvertures, on observe la poubelle radioactive.
Nos tenaces reporters enfilent à nouveau leur tenue de pingouins pour s’introduire dans la grotte. Le contaminamètre pète le score au-dessus de ce minerai posé en vrac dans un petit couloir : il sature en beta/gamma (rappel : il ne peut pas mesurer au-delà de 10 000 cps, il y a donc une contamination au minimum 714 fois au dessus de la « normale ») et donne en alpha 565 cps. Le radiamètre mesure 225 microsieverts, c’est-à-dire 2250 fois « trop ». Plus loin, au-dessus d’un minerai, le radiamètre monte à 340 microsieverts, soit 3400 fois « trop »...
Voilà ce que l’on trouve derrière la porte. Des combinaisons et des gants dans un tas de sacs.
Deux bidons l’un sur l’autre barrés d’un « uranium ».
Sur l’un des tas de déchets, le radiomètre indique 196 microsieverts, soit 1960 fois « trop ».
Lors de notre pérégrination dans l’Institut, nous avons découvert au troisième étage deux portes métalliques qui semblaient blindées. En tout cas, impossible d’y entrer. Sur chacune de ces portes, une affiche curieuse (voir photo ci-dessous). Fixée par du scotch spécial « danger radioactivité matériel », elle signale la présence d’un « local de stockage des sources radioactives » avec le logo de danger de radioactivité. « Danger d’irradiation. Sources non protégées dans l’enceinte. Les personnes autorisées doivent se munir de la protection NF 333,20MAX. Temps de présence : 3 minutes avant dépassement biologique irradiant. (…) Toute personne pénétrant dans ce local doit porter son dosimètre et protection. Aucun échantillon ne peut être sorti pour une utilisation nucléaire sans qu’un bordereau de transport ne soit établi par la ‘’personne compétente en radioprotection’’ (PCR) ». S’ensuit la description du matériel présent à l’intérieur des locaux : ce sont des « humidimètres neuroniques », contenant plusieurs radioéléments, de l’« uranium 241 », du « radium 137 » et du très dangereux « américium 241 », un produit de centrale nucléaire restant radioactif « pendant 432 ans ».
Cette affiche paraît très crédible : dessus, on y lit les logos de l’OSUG (Observatoire des sciences de l’univers de Grenoble, du LTHE (Laboratoire d’étude des transferts en hydrologie et environnement), du CNRS (Centre national de la recherche scientifique), de l’UJF (Université Joseph Fourier), de l’INPG (école d’ingénieurs de Grenoble). Il y a même les noms de trois personnes référentes, deux numéros de téléphone, un tampon de l’OSUG, et une signature.
Pourtant plusieurs détails ne collent pas. Selon un ancien spécialiste en radioactivité, il y a de nombreuses erreurs d’ordre techniques :
- « Trois minutes avant le dépassement biologique irradiant » ne signifie rien du tout.
- Le « radium 137 » n’existe pas : c’est soit du radium 226, soit du césium 137.
- L’« américium 241 » n’a rien à faire dans un tel lieu abandonné.
Pour en savoir plus, on a essayé de téléphoner aux contacts mentionnés sur l’affiche. Les deux numéros de téléphone ne correspondaient pas. On a cherché sur internet et on s’est rendu compte que les noms inscrits sur l’affiche étaient fantaisistes. Pour les responsables sécurité et radioprotection les prénoms étaient identiques, mais pas les noms de famille. Cette affiche est-elle une blague ? Un canular entre collègues ? Ce serait quand même étonnant de faire de l’humour dans un bâtiment abandonné et sur un sujet aussi sensible.
On est finalement parvenu à joindre au téléphone Jean-Paul Laurent (qui était transformé en Jean-Paul Martin sur l’affiche), la personne compétente en radioprotection (PCR) du LTHE. Et on a appris que cette affiche se trouve là... pour effrayer les squatters ! Selon lui, ce serait une photocopie d’une affiche réellement présente dans des locaux radioactifs du LTHE sur le campus. La personne chargée du déménagement de Dolomieu, lorsqu’elle s’est rendu compte que le bâtiment était visité toutes les nuits, l’aurait mise ici pour faire croire que ce lieu était dangereux. Elle aurait juste changé les noms et les numéros de téléphone.
En tout cas, vu le nombre de personnes visitant encore l’Institut, cette étonnante stratégie visant à effrayer les jeunes n’a pas du tout fonctionné.
L’article ci-dessous a été publié dans le numéro 25 (printemps 2014) du Postillon.
Les retombées de la poubelle radioactive
Dans le précédent numéro nous révélions l’existence d’une poubelle radioactive dans une grotte sur les pentes de la Bastille ainsi que de la contamination devant et à l’intérieur de l’ancien Institut de géologie de Dolomieu laissé à l’abandon. Depuis, Anthony, un ancien employé [1] qui est intervenu là-bas a tenu une conférence de presse. Les médias (l’AFP, Le Daubé, France 3 Alpes, Place Gre’net et Metronews notamment) ont relayé cette information, l’ASN (Autorité de sûreté nucléaire) s’est rendue à Grenoble, l’Université Joseph Fourier, propriétaire de Dolomieu, a réagi. Des hommes en tenue de pingouins ont été vus là-bas, on a même reçu un recommandé et rencontré de nouveaux informateurs. Résumé des faits.
L’UJF minimise
Au pied du bâtiment, nous avions mesuré une contamination et une irradiation anormale. Sur ce point là, l’UJF s’est empressée de communiquer : « L’extérieur du bâtiment sera décontaminé dès demain, intervention prévue de longue date » (France 3). Sacré hasard ! L’université était donc déjà au courant de cette contamination et, indirectement, reconnaissait la véracité de nos relevés radiologiques [2]. Mais pourquoi, alors avoir attendu qu’Anthony dénonce à la presse la présence de cette contamination pour agir ?
Concernant la radioactivité présente à l’intérieur de l’Institut, pas un mot. À propos de la grotte l’UJF a surtout dénoncé une « effraction ». « Quand le sage montre la lune, l’imbécile regarde le doigt », dit le dicton. Quand Le Postillon parle de radioactivité, l’UJF répond « barreaux sciés ». « L’UJF assure pour sa part ne s’être ‘‘jamais défaussée de ses responsabilités’’ en annonçant le lancement de poursuites suite à l’‘‘ intrusion par effraction’’ dans le local où sont entreposés les déchets. » (AFP)
Pourtant à l’UJF, on savait que ce local était facilement accessible. Jean-Pierre, un salarié, nous raconte :« Les gens de mon labo, dont certains ont participé à évacuer ces cailloux, ne réfutent pas du tout les mesures du Postillon. L’un d’entre eux m’a dit que c’était stupide d’avoir mis ces déchets là-bas parce que c’était un lieu tout le temps vandalisé et squatté ». Après la publication de l’article on nous a même écrit : « j’y suis allé dans cette grotte j’ai récupéré des caisses, dites moi si c’est dangereux ou pas ?! ».
Concernant la radioactivité [3] des déchets et des minéraux dans la grotte, le président de l’UJF n’hésite pas à la minimiser : « Il s’agit d’une radioactivité naturelle et sous les seuils » (Place Gre’net), « Il n’y a aucun danger pour la santé » (France 3). Dans un courrier adressé au président de l’Université (le 5/03/14), l’association Sortir du Nucléaire de l’Isère recadre son discours : « Loin d’être sans danger, l’uranium naturel est un poison pour l’organisme humain lorsqu’il est ingéré. Les mesures du Postillon faisant état de zones extérieures dépassant trois mille fois la norme sont inquiétantes et tout à fait compatibles avec la radioactivité moyenne du minerai d’uranium, qui est de l’ordre de 10 000 Bequerels par gramme, alors que le rejet industriel maximum légal en France est de 10 Bq/g. Les ‘’doses’’ de 150 microSv par heure, que vous annoncez vous-même, et qui représentent plus de cent fois le bruit de fond normal, ne sont pas non plus anodines. »
Quand la grotte héberge aussi des déchets venus de Saint-Martin-d’Hères
Grâce aux images tournées par France 3 dans la grotte, on découvre sur les deux bidons barrés d’un « uranium » le nom d’un laboratoire de l’UJF installé à Saint-Martin-d’Hères : Geoch 4 D. Jean-Pierre, nous confirme : « Ces bidons viennent bien d’un labo de l’UJF, c’est sûr. Les consignes de l’université c’est de trier les déchets pour les évacuer dans les meilleures filières derrière. La boîte qui récupère nos déchets ne prend pas ceux qui sont radioactifs. » Aucune idée du contenu de ces bidons mais il faut avouer que c’est quand même osé de trimbaler ces déchets d’une commune à l’autre. L’UJF n’aurait donc aucun lieu de stockage sur le campus ? Plutôt que de les entreposer dans la grotte (avec d’autres déchets qui eux proviennent bien de Dolomieu) autant les balancer dans l’Isère, c’est plus près du laboratoire, non ?
Nez à nez
On a rencontré Rémi, passionné de géologie qui s’était rendu à plusieurs reprises dans Dolomieu pour récupérer des fossiles. Il y est retourné, informé de la contamination, avec un ami le 4 février (avant la présence des inspecteurs). « On était à l’intérieur du bâtiment et il y avait à l’extérieur plusieurs bagnoles dont une de D&S. À un moment, on se retrouve nez à nez avec un mec en combinaison, il avait un appareil à la main. On a causé : il nous a dit qu’il avait déjà fait une décontamination ici. Il expliquait que le fait que des gens aient squatté et fait la fête dans le bâtiment en bougeant des pierres et du matos a rendu la radioactivité diffuse. Selon lui, la contamination localisée a été éparpillée un peu partout. On a discuté cinq bonnes minutes et puis pour clore le débat il a dit ‘’si le grand manitou vous chope, ça va pas le faire. Il va appeler les flics, je vous conseille de foutre le camp’’. On est partis. »
Poubelle : l’avis de l’ASN
Le mardi 4 février, un copain nous a aussi signalé la présence d’un véhicule de l’entreprise D&S devant l’institut : « Il y avait deux types en combinaison juste devant le bâtiment qui avaient l’air de trifouiller des trucs par terre ». L’ASN, dans son rapport de synthèse, précise qu’elle s’est rendue le 5 février sur les lieux. Autrement dit, l’UJF a fait intervenir l’entreprise, pour laquelle travaillait Anthony, rapidement, juste avant l’arrivée des inspecteurs de l’ASN.
Dans son rapport, elle signale notamment que « les inspecteurs ont réalisé des mesures d’ambiance radiologiques dans le bâtiment Dolomieu et n’ont pas constaté d’anomalie radiologique. Toutefois, certaines zones n’ont pas pu être contrôlées (notamment la salle « musée » située au premier étage et deux coffres-forts fermés). » L’ASN demande à « l’UJF d’étendre le gardiennage en place la nuit à l’ensemble de la journée dans l’attente de la sécurisation de l’accès à la galerie. » À plusieurs reprises entre le 20 février et le 11 mars, nous avons pu observer que la porte du bas était ouverte et que des gens se baladaient encore dans le bâtiment : pas de vigiles en vue. Concernant le contenu de la grotte, l’ASN demande toutefois à l’UJF de « faire reprendre dans les meilleurs délais les matériaux naturellement radioactifs et les déchets techniques stockés dans la galerie souterraine par l’ANDRA » et « de démontrer la propreté radiologique de l’ensemble du bâtiment Dolomieu et de ses abords. Vous vous attacherez en particulier à démontrer l’absence de contamination une fois le bâtiment vidé et procéderez à des travaux complémentaires si nécessaire. » À suivre. Le 11 mars, deux salariés de D&S s’activaient encore devant la grotte avec des appareils de mesure. En tous cas, on pouvait toujours observer les déchets dans la grotte par un trou. Jusqu’à quand ?
Suite à notre article, annonçant des doses de radioactivité « 3 000 fois supérieure à la normale », des personnes ont cru qu’il était très dangereux d’aller se balader à côté de l’Institut, ce que l’on n’a jamais écrit. Le réel danger est difficilement évaluable. Pour prendre une dose significative de radioactivité, il aurait fallu jouer de malchance : par exemple rester plusieurs heures juste à côté d’une des sources très irradiantes. Ce qui est sûr en tous cas, et ce qui était l’objet de notre article, c’est que de tels éléments radioactifs n’avaient rien à faire là, sur un chemin public ou dans des lieux facilement accessibles.