Retour d’expérience sur le vaccin H1N1
Un vaccin à dormir debout
En 2009, Christophe s’est mis à s’endormir de façon anormale dans la journée. Après avoir peiné à se faire diagnostiquer une « narcolespsie-cataplexie », cet habitant de Villard-Bonnot de 56 ans a dû batailler pour en trouver la cause : le vaccin contre le H1N1 qu’il avait reçu quelques mois auparavant. S’en est suivi un long parcours du combattant pour se faire indemniser. Si aujourd’hui, malgré les traitements, il subit au quotidien des capacités physiques amoindries et a dû « faire le deuil de sa vie d’avant », il n’est pas pour autant devenu anti-vaccin.
« Je me suis fait vacciner en décembre 2009 parce qu’à l’époque ma conjointe travaillait à l’hôpital avec des enfants. Deux ou trois mois après j’ai commencé à avoir des symptômes étranges, des pertes de tonus musculaire suite à des émotions comme le rire. Puis, régulièrement, je m’endormais de façon anormale dans la journée.
Ça a duré à peu près deux ans durant lesquels je me demandais ce qu’il m’arrivait. Un jour, une discussion avec un copain qui avait également des problèmes de fatigue à cause d’apnées du sommeil m’a conduit à consulter un pneumologue. Il n’a rien constaté au niveau des apnées donc ça a encore traîné une année avant qu’il m’oriente vers un centre spécialisé pour effectuer des tests approfondis. Suite à ces tests, il m’a été diagnostiqué une « narcolepsie-cataplexie » ce qui correspondait à mes symptômes.
J’ai alors cherché la cause de cette maladie. C’est mon neurologue qui m’a demandé si je m’étais fait vacciner contre le H1N1 et à quelle période. À cette époque, des premières alertes émanant de pays du nord comme la Suède ont commencé à émerger. Il était question de cas anormaux de narcolepsie, surtout chez des jeunes, suite à la campagne de vaccination qui a été effectuée de façon beaucoup plus massive là-bas.
De fil en aiguille, les données récoltées ont permis de corréler ces effets avec un vaccin en particulier : le Pandemrix du britannique GlaxoSmithKline (GSK). L’explication pourrait être que ce vaccin était surdosé en adjuvants, que l’on ajoute afin d’augmenter notre réaction immunitaire. Ce qui s’est passé dans mon cas, c’est que mon système immunitaire s’est mis à attaquer et détruire des neurotransmetteurs dans une zone bien spécifique de mon cerveau qui agit comme un interrupteur « jour/nuit ».
En France, un peu plus de quatre millions de personnes ont été vaccinées avec le Pandemrix et l’Association française de narcolepsie cataplexie et d’hypersomnies rares (ANC) a dénombré à peu près cent cas liés à ce vaccin.
Au moment de la pandémie de H1N1, l’État s’était engagé à prendre financièrement en charge les potentiels problèmes survenant suite à la vaccination au travers de l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (Oniam), créé en 2002. Cet organisme a par exemple indemnisé des victimes de l’affaire dite du « sang contaminé » ou du Médiator.
Suite à mon diagnostic, j’ai engagé une procédure en 2014 auprès de l’Oniam qui m’a demandé de prouver le lien de cause à effet entre ce vaccin et ma narcolepsie. À ce moment là, ils estimaient qu’il fallait être diagnostiqué dans les 18 mois qui suivaient la vaccination. Moi deux ans après j’errais encore à essayer de comprendre ce qui m’arrivait. Mon dossier a donc été refusé plus de deux années plus tard, l’Oniam estimant que mes justificatifs n’avaient pas été produits dans les temps.
Ça a été un premier coup de bambou pour moi parce qu’à ce moment là les impacts sur ma vie étaient quand même importants. Au niveau du travail par exemple, je faisais de la gestion de projet dans le domaine informatique ce qui m’amenait à beaucoup voyager, aux États-Unis, en Inde… J’ai dû tout arrêter parce que je ne supportais plus les décalages horaires. Je me souviens, au Canada, je m’endormais pendant des réunions… Ma capacité de concentration donc de travail a fortement diminué, je devais lutter en permanence pour ne pas dormir. En plus à ce moment-là je n’avais pas de traitement, rien. Je laissais beaucoup d’énergie au travail et je passais mes week-ends à dormir. Donc on peut imaginer qu’à la maison c’était pas très sympathique.
Il faut aussi faire tout le chemine-ment dans sa tête de perdre une capacité, de faire en quelque sorte le deuil de sa vie d’avant. Puis c’est un handicap un peu particulier puisqu’il n’est pas obligatoirement visible physiquement donc c’est pas toujours évident à faire comprendre aux gens. Quelqu’un qui s’endort au boulot c’est un fainéant quoi. À partir du moment où je me suis fait diagnostiquer, professionnellement ils m’ont suivi, j’ai obtenu une RQTH [NDLR : Reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé]. On a trouvé des adaptations, ils m’ont réservé une petite place un peu en retrait pour pas que je m’endorme au milieu de tout le monde. J’ai également diminué mon temps de travail de 30 % puisque de toute façon travailler à temps plein n’était plus possible pour moi, j’aimerais même passer à 50 % aujourd’hui.
Dans la foulée on m’a prescrit un traitement à vie, puisque la guérison n’est pas possible. Je prends des cachets la journée et je dois me réveiller la nuit pour en prendre d’autres. Avec ce traitement, mes capacités sont quand même amoindries, je dois faire une sieste tous les après-midi pendant une heure, une heure et demi sinon le soir je m’endors à 19h. Si je fais une activité physique – j’aime beaucoup marcher ou faire du ski de fond – j’accumule de la fatigue plus rapidement aussi.
Ça a été difficile à accepter pour moi et c’est aussi ce qui m’a poussé à lancer cette procédure. J’avais besoin de trouver un responsable, une cause à tout ça. Je suis passé par des hauts et des bas. Après un parcours administratif tumultueux, l’Oniam a finalement accepté de m’indemniser fin 2020. Cette procédure a vraiment rythmé mon cheminement. Pendant sept années, j’ai espéré cette reconnaissance. Puis le jour où ça arrive, on se retrouve seul avec son handicap et on s’aperçoit que c’est pas si libérateur que ça bien que ce soit une étape importante.
Si j’avais à refaire un vaccin aujourd’hui, j’irai pas en courant c’est clair. Avec le Covid, je me pose forcément la question de savoir si je vais me faire vacciner. La première chose que j’ai envie de dire aux gens – je vois des personnes critiquer le fait qu’on fasse un questionnaire – c’est que c’est important de garder cette trace au cas où il y ait des conséquences, pour aller plus loin.
Sur le marché il y a plusieurs vaccins dont certains basés sur une méthode traditionnelle à base d’adjuvants dont je me méfie. C’est presque pas rationnel parce que si on me dit que le rapport
c’est un pour 10 millions, rationnellement je devrais aller me faire vacciner parce que j’ai aucun risque, mais bon... Pour moi il est clair que je me ferai vacciner avec un produit sans adjuvants. De ce que j’ai vu ils ont une efficacité qui est quand même assez correcte, pour l’instant il n’y a pas encore de retours trop négatifs même s’il y a toujours des conséquences de court terme et de long terme qu’on ne peut établir qu’a posteriori. Que ce soit pour n’importe quel médicament, le risque zéro n’existe de toute façon pas, on doit apprécier un rapport bénéfices/risques. C’est pour ça que c’est pas parce qu’on a subi un problème par rapport à un vaccin donné à une période donnée – parce que peut- être que si je m’étais fait vacciner six mois après, j’aurais pas eu ça non plus, j’étais peut-être aussi dans un état physique qui a fait que j’ai surréagi – qu’il y a de bonnes raisons de devenir anti-vaccin. C’est relativement compliqué à définir. Pour ce Covid de toute façon clairement moi je pense que j’aurai plus de bénéfices à me faire vacciner.
Après on peut parler des intérêts financiers qui sont derrière. Pour le Covid 19 comme pour le H1N1, l’État s’est engagé à prendre en charge les défaillances liées aux conséquences de la vaccination donc dans ce cas-là c’est vrai que les labos font que du bénéf’ on va dire. Il y a toujours cette question que c’est des entreprises qui sont à but lucratif, est-ce qu’on peut gagner de l’argent sur la santé en quelque sorte ?
C’est toujours compliqué de se faire une opinion. S’il y a bien une chose que j’ai apprise c’est qu’en science, et en médecine particulièrement, une grosse partie des connaissances s’établissent de façon empirique, lorsque des données remontent et sont compilées. C’est difficile d’établir un consensus et c’est l’objet de débats et de controverses qui prennent du temps. C’est compliqué de se faire un avis là dedans et je ne suis pas étonné que lorsqu’on demande aux gens s’ils comptent se faire vacciner, une partie d’entre eux émet des doutes, par peur, par réflexe. Ça me déçoit aussi que la France ne soit pas en capacité de produire son propre vaccin. Pas par nationalisme hein, mais ça illustre un problème de financement de la recherche et je pense que ça aurait rassuré pas mal de monde. »