Accueil > Automne 2022 / N°66

Un budget participatif pas téléphoné

Caramba ! Les résultats sont tombés : nous ne verrons pas l’installation de vingt‑deux cabines téléphoniques par la mairie de Grenoble, ou du moins pas grâce au budget participatif. Voilà le communiqué de l’Oirct (Observatoire international pour la réinstallation des cabines téléphoniques).

Cet été, les Grenoblois étaient invités à voter pour leurs cinq projets préférés sur les vingt-neuf qui restaient en lice après le forum des associations en mars dernier. Parmi eux : une proposition de réinstaller 22 cabines téléphoniques dans les rues grenobloises, portée par des membres de l’Oirct. Le tout pour quand même 180 000 euros, les services municipaux ayant chiffré la réinstallation d’une cabine téléphonique à pas moins de 8 500 euros (pour celles réinstallées « sauvagement », il y en a eu pour plus ou moins une centaine d’euros)...
Eh bien comme on dit quand on est commentateur sportif ou qu’on a organisé une manif où il n’y avait personne, c’est la faute de la météo...

Voyez plutôt : notre projet est arrivé treizième et seuls les sept premiers projets pouvaient être financés par la dotation de 800 000 euros. Analyse étonnante : sur les douze projets qui sont devant le nôtre, seulement deux ne proposent pas des idées pour rafraîchir la ville ! L’un propose de doter les lieux accueillant des enfants (périscolaire, MJC, etc.) de matériel adapté aux enfants porteurs d’un handicap invisible et l’autre proposait d’installer un pumptrack (piste à bosses pour vélos, trottinettes, etc.). Ce dernier projet n’a pas été élu et un autre a été repêché de plus loin parce qu’il ne coûtait pas très cher et pouvait être financé avec les sous qui restaient, c’est l’installation de panneaux indiquant les fruits et légumes de saison sur les marchés. TOUS les autres qui sont arrivés devant nous proposent des solutions pour avoir moins chaud en ville. À noter que trois des six premiers proposent de planter des arbres à différents endroits de la ville, un point qui était au programme de tous les candidats aux municipales (Eric Piolle prévoyait par exemple de planter 15 000 arbres d’ici 2030). À noter également que les deux premiers projets sont portés par la même personne, un certain Kilian, par ailleurs salarié de la mairie. Un article du Daubé détaillant cette bizarrerie a attisé les soupçons de favoritisme de certains porteurs de projets non élus… Pour nous, il n’y a – jusqu’à preuve du contraire – ni tricherie, ni magouille. Cette situation loufoque vient juste un peu plus pointer les nombreuses limites – notamment sociologiques – du budget participatif.

Bref, en tous cas, sous l’été caniculaire rempli de plateaux de pollution, les Grenoblois ont voté pour espérer respirer un peu plus dans le futur. Franchement, c’est ballot : s’il y avait eu un budget participatif pendant l’été 2021, pluvieux, les Grenoblois auraient rêvé de pouvoir s’abriter dans une cabine et on aurait sûrement gagné.
Apparemment les projets les plus consensuels et qui concernent le plus de monde possible ont plus de chances d’être élus : comme l’électeur doit sélectionner ses cinq projets préférés, une fois qu’il a coché son ou ses deux chouchous, il choisit des projets qui feront plaisir à tout le monde, ou qui lui paraissent les plus pertinents, soit parce qu’ils tombent sous le sens (on crève de chaud dans cette ville mais on ne veut surtout pas arrêter d’être « attractif ») soit parce qu’il est désolant de devoir passer par le budget participatif pour combler les carences de la Mairie ou d’une autre institution (comme équiper les lieux qui accueillent des enfants de matériel adapté à ceux qui ont un handicap). Plusieurs candidats malheureux l’ont souligné : il semble que les projets plus spécifiques à un public ou à un quartier aient moins de chances d’être élus.

Bref, tout cela n’arrange pas nos affaires, parce qu’on comptait quand même pas mal sur les services techniques de la mairie pour voir s’il était possible de rendre certains appels gratuits depuis les cabines téléphoniques (comme les appels vers l’URSSAF ou Pôle emploi) ou bien pour voir comment bloquer tous les appels surtaxés. Nos cabines sauvages (au parc Marliave et Traverse des îles) sont en effet à l’arrêt pour l’instant parce qu’on n’a pas trouvé de bonne solution à ce dernier problème, et qu’on a dû payer des appels à des numéros à la con. À ce propos, on lance un appel à l’aide : si des lecteurs connaissent des forfaits téléphoniques où tous les appels payants sont réellement bloqués, qu’ils n’hésitent pas à nous rencarder. Parce que malgré tous les débordements d’innovation de tous les côtés, les opérateurs ne sont pas fichus de nous fournir un forfait sans possibilité d’appel payant – en tous cas jusqu’ici on n’a pas trouvé.
Toujours est-il qu’on va continuer à chercher comment faire vivre cette envie de cabine. Car on se sent de moins en moins seuls. En plus des dizaines d’articles de presse relayant nos installations sauvages, nous avons reçu quantité de courriers de personnes qui souhaitent elles-aussi passer par le budget participatif de leur ville pour installer des cabines téléphoniques (par exemple à La Tronche) ou bien qui trouvent tout simplement notre idée super et qui voudraient aussi installer des cabines (comme le CCAS de Rouen) et qui nous demandent des conseils. L’envie de cabine est là, restent à peaufiner les solutions techniques. À bon entendeur...

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Des Grenoblois en vadrouille nous ont envoyé cette photo du Québec avec ce commentaire enthousiaste : « Ici il reste des cabines et elles ne sont pas abandonnées ! On peut payer avec une carte téléphonique, une carte bleue et même des pièces...  » Bon quelques articles sur Internet relativisent cette «  bonne santé » des cabines québecoises : « Le nombre de cabines téléphoniques a effectivement fondu dans la capitale et dans toute la province, confirme le géant des télécommunications Bell, le plus grand fournisseur de cabines téléphoniques au Québec. (…) Mais il y a encore une multitude de cabines téléphoniques qui tiennent le coup. Bell exploite actuellement environ 800 téléphones publics dans la région de Québec et plus de 6 000 dans l’ensemble du Québec. Nous “continuons à rendre les téléphones publics aussi accessibles et abordables que possible”, ajoute Mme Audet, porte-parole de Bell.  » Encore un exemple – après l’Australie et ses 15 000 cabines téléphoniques gratuites – qui montre que la disparition des cabines n’est pas une fatalité.

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