Sabordage autogéré et participatif de la néo-démocratie grenobloise
Lors de l’université d’été des mouvements sociaux, organisé par l’association Attac fin août à Toulouse, Éric Piolle a fait le beau. Pour résumer une de ses interventions, le maire de Grenoble écrit sur Twitter : « Le @gouvernementFR attaque au tribunal notre outil de participation citoyenne. Nous irons au bout et j’espère que nous gagnerons ». Ce qu’il omet de dire, c’est que leur « outil de participation citoyenne » n’a pas besoin du gouvernement pour être sabordé : en la matière, la mairie pratique pour une fois une autogestion exemplaire. Petite explication détaillée.
Tout le monde le dit, y compris la majorité municipale : au regard des lois actuelles, un certain nombre d’éléments du « dispositif d’interpellation et de votation citoyenne » sont illégaux (le vote des ados de 16-17 ans ressortissants de l’Union européenne, la subordination des décisions du Conseil municipal au vote d’un nombre de citoyens inférieur à 50% du corps électoral,…). C’est pour cette raison qu’aucune délibération n’a été votée au Conseil municipal de février 2016 pour mettre en place l’interpellation citoyenne, espérant ainsi éviter tout recours du Préfet (en vain). Cela dit, mettre en place des dispositifs illégaux mais légitimes, pourquoi pas ? Au Postillon, on ne peut pas être contre. Le problème, c’est que le but de ce dispositif n’est pas de faire une sincère expérience démocratique, mais simplement de donner le beau rôle à la mairie verte & rouge. Le dernier épisode autour de la lutte contre les fermetures des bibliothèques, que l’on va tenter de résumer, en offre une parfaite illustration.
Suite à la décision prise sans aucune concertation en juin 2016 de fermer les bibliothèques de Prémol, de l’Alliance et d’Hauquelin, des salariés et un collectif d’usagers ont mené une tripotée d’actions pour contester cette décision (voir Le Postillon n°36, 37 et38). Après six mois de mobilisation et le lancement d’une pétition contre cette décision, la mairie a lâché un peu de lest, avec la réouverture très partielle de la bibliothèque Alliance. Mais le collectif a continué à faire signer la pétition, recueillant plus de 4 000 signatures. Dans le dispositif prévu par la Ville, recueillir plus de 2 000 signatures permet que la demande du collectif soit examinée au conseil municipal, et entraîne, si elle est refusée par les élus, la mise en place d’une votation. La réouverture des trois bibliothèques est donc examinée au conseil municipal du 22 mai et la majorité propose une solution au rabais (la transformation des bibliothèques Prémol et Hauquelin en « relais-lectures » ouverts une demi-journée par semaine). Pendant six semaines, le collectif essaye encore de négocier, mais devant la fermeté de la mairie, décide d’aller à la votation citoyenne. Peine perdue ! La Ville se sert du prétexte de la démission des porte-paroles du collectif en désaccord avec la majorité du collectif pour refuser la votation citoyenne. Au conseil municipal du 10 juillet, les élus verts & rouges refusent de la mettre en place - malgré une lettre au maire rédigée par les démissionnaires, demandant à ce que leur démission ne serve pas d’argument à la Mairie pour refuser la votation citoyenne.
Bref. Sur le sujet des bibliothèques, la majorité municipale a décidé de faire grosso modo comme elle avait décidé toute seule à l’origine et tant pis pour les « innovations démocratiques » tant vantées dans la communication municipale. L’année dernière, une votation « pour une concertation sur la hausse des tarifs de stationnement » avait abouti à un semi-échec. Les partisans d’une concertation avaient remporté plus de 70 % des 6 700 suffrages, mais leur avis n’avait pas été pris en compte à cause du seuil énorme des 20 000 voix nécessaires. Cette année, les choses sont encore plus simples : il n’y aura tout simplement aucune votation. Une fois de plus, le « laboratoire de la démocratie participative » a su innover : si le résultat de l’expérience risque de ne pas vous convenir, jeter l’éprouvette à la poubelle tout en expliquant urbi et orbi (à l’Université d’été d’Attac par exemple) que vous allez vous battre comme un chien pour en faire connaître les résultats ! Et tout cela sans aucun risque de recours juridique puisque vous n’avez pris aucune délibération pour établir les règles de la pétition-votation…