Accueil > Décembre 2013 / N°23
La Métro bétonne sa concertation
On en a déjà parlé dans Le Postillon (notamment dans les n°16, 21 et 22) : la Métro veut construire un téléphérique entre Fontaine et le plateau du Vercors. Devant l’opposition grandissante des habitants du Vercors, la communauté d’agglomération vient d’organiser six réunions de « concertation » pour faire avaler la pilule, à Grenoble, Fontaine, Lans-en-Vercors, Saint-Nizier, Villard-de-Lans et Autrans. Un opposant au téléphérique nous raconte.
« C’est ma concertation » clame haut et fort le président de la Métro Marc Baïetto dans Le Daubé du 9 octobre. L’association « Vercors à Cœur » principale opposition structurée au téléphérique sur le plateau du Vercors, vient de lui demander de « monter sur l’estrade » pour faire valoir ses arguments contradictoires. « Ma concertation », oxymore révélateur du Baïettisme, est une forme de gouvernance en vogue chez les hommes de pouvoir consistant à décider tout seul, en faisant mine d’écouter la population. Il aurait dit « mon dialogue » ou « mon échange » que nul n’en eût été davantage surpris tant notre homme a depuis longtemps déserté les concepts rigides de la philosophie pour aborder ceux plus élastiques de la « démocratie participative ».
On aime faire appel au privé à la Métro : la communauté d’agglomération a embauché Terra Publica, une boîte spécialisée en « communication publique inventive » pour organiser la concertation, distribuer les documents préparatoires ou dépouiller les registres mis à la disposition du public. « On est plus libre avec le privé » dixit Baïetto.
En plus, le privé c’est tellement plus efficace, tellement plus discipliné : il est docile jusqu’à livrer les documents de concertation avec le retard suffisant pour qu’ils arrivent dans les boîtes aux lettres après les réunions. Sait-on jamais, des fois que les habitants du plateau en soient informés et qu’ils se déplacent en nombre. « Problème technique », nous assura-t-on. Heureusement que l’association « Vercors à Cœur » a fait le travail en distribuant largement l’information auprès des habitants du plateau ; et pour pas un rond, encore !
Un débat de concertation à la sauce Métro, ce sont des intervenants qui exposent pendant des heures les qualités supposées du projet, avec une ribambelle de plaquettes, panneaux et Powerpoint, et qui concèdent royalement au public de chétifs quarts d’heure pour poser leurs questions. Mais interdiction de reprendre la parole ensuite : risque de débat contradictoire en vue ! Grands seigneurs certes, ou s’imaginant comme tels, mais peu enclins, devant la faiblesse de leur argumentaire, à se confronter aux problèmes concrets du plateau. Comme l’a dit l’un de leurs soutiers à la réunion de Lans-en-Vercors : « On vous fait le cadeau d’être là … » et qui a poursuivi sans doute intérieurement « faudrait pas en plus nous emmerder avec des questions pertinentes ». La bronca qu’il a déclenchée a témoigné d’une démocratie un peu moins corsetée que celle concoctée dans les salons à moquette double épaisseur de nos édiles.
Décidément les vertacomicoriens savent recevoir. Déjà, lors de la réunion de Saint-Nizier du 22 octobre, le commandant en chef Baïetto avait menacé de quitter la salle car « on se payait sa tête ». Un questionneur avisé lui ayant fait remarquer que « la Métro ferait mieux de s’occuper des problèmes de circulation de l’agglo », Baïetto répondit à propos du gros échangeur de Grenoble du Rondeau, toujours embouteillé : « ce n’est pas ma juridiction ». Il poursuivit gaillardement avec « son désir d’intervenir dans le Vercors » (encore moins de sa juridiction, faut-il le rappeler). Cet enchaînement acheva le peu de patience qu’il restait aux habitants du Vercors.
La « concertation » aura au moins permis de mettre au jour une chose : la totale méconnaissance du plateau du Vercors et de ses spécificités par les technocrates métropolitains. Méconnaissance teintée d’une morgue malvenue eu égard à leur incapacité vertigineuse à appréhender des réalités assez simples : le plateau du Vercors est enneigé au moins cinq mois de l’année et s’y déplacer à vélo électrique pour rallier les gares est d’un ridicule achevé. Celui qui fit cette audacieuse proposition n’est autre que Michel Gilbert, « chef du projet câble à La Métro » en tant que « directeur de la mobilité à La Métro ». Un type à la trajectoire intéressante d’ailleurs : en 1994 il militait contre Carignon et pour la remunicipalisation de l’eau dans l’association Eau Secours. Vingt ans plus tard, après avoir été adjoint Vert sous Destot I, il travaille à la privatisation des transports à La Métro.
Pour conclure en beauté, lors de l’ultime réunion de Villard-de-Lans, le sénateur Jean Faure, édile emblématique du Vercors, et pas connu pour être un gauchiste même sur le retour, a qualifié les émissaires de la Métro de « centurions en mission ». À traduire par « envahisseurs » en langage courant. Ce à quoi répondit Yannick Ollivier, vice-président de la Métro : « qu’il en référerait à César », c’est-à-dire Marc Baïetto...
Bref tout le monde aura compris que leur insipide verbiage techno-libéral (« ville post-carbone », « ville solidaire », « ville démocratique ») ne veut rien dire. Leur seule volonté est de suspendre des câbles et de couler du béton. Et Baïetto de conclure à Saint-Nizier : « Si vous n’êtes pas d’accord, c’est votre problème ce n’est pas le mien ».