Accueil > été 2024 / N°73

La noix connectée

La « Medtech city », encore une idée « crazy »

C’est discrètement, à l’abri des regards, qu’est en train de se finir la construction du gigantesque bâtiment « fou » qui accueillera le futur centre de recherche en santé intégrative du pôle santé grenoblois : le CReSI.

Situé à La Tronche, sur le site de l’ancien centre de recherche des armées (effectuant quantité de travaux secret-défense autour des armes biologiques, chimiques ou nucléaires), ce centre de recherche est porté par l’UGA mais également par le CHU, l’Inserm, le CNRS et le CEA. L’objectif affiché de ce futur centre est de «  promouvoir une approche triplement intégrative, médicale, scientifique et industrielle, de la recherche en santé ». Le centre sera principalement centré autour de trois thématiques : le vieillissement, les maladies chroniques et les technologies pour la santé. Il servira à la fois de lieu pour de la recherche fondamentale et clinique, d’espace d’hébergement pour des entreprises liées aux biotechnologies et technologies médicales et il donnera également accès à des plateformes technologiques pour divers industriels et laboratoires.

Par exemple, on trouvera au CReSI la plateforme LILAS pour « logement intelligent pour la longévité, l’autonomie et la santé » : un appartement prototype bourré de capteurs dans lequel des chercheurs pourront étudier, entre autres, les « signes de vitalité et d’activité physique  » du résident-cobaye, détecter ses chutes, mais aussi analyser la qualité de son air ou encore émettre des alertes et des messages pour maintenir son lien social. Un appartement connecté qui permettra de tester la délégation de la prise en charge intergénérationnelle à des robots et à de l’intelligence artificielle.
Au CReSI se trouveront également des plateformes de phénotypage ambulatoire ou de biobanking… un anglicisime visant à rendre séduisante et cool la collecte, la détention et la gestion de ressources biologiques : qu’il s’agisse d’un virus, de cellules vivantes, d’une tumeur ou d’un génome humain. Le corps réduit à l’état d’une marchandise comme une autre.

Parmi les futurs organismes relocalisés au CReSI on trouvera aussi l’association ECCAMI qui regroupe les partenaires de la filière des gestes médicaux chirurgicaux assistés par ordinateur (GMCAO) et qui compte par exemple dans son réseau d’industriels l’entreprise militaire Thalès. Il y aura également le Centre d’investigations cliniques-innovation technologique (CIC-IT) avec ses nombreux projets à l’éthique douteuse. PREDIMED est une plateforme de recueil et d’exploitation des données biomédicales issues de la prise en charge des patients du CHU. Serene-IOT est un projet pour le monitorage à distance des patients, la collecte et le stockage de données via un « cloud médical » porté par le cluster Eureka et dont STMicro est le chef de file. Enfin une application « médicale » trouvée pour la multinationale...

Les collectivités rincent ce projet, financé uniquement par de l’argent public, à hauteur de 15 millions d’euros : 6 millions pour la Métropole, 5 millions pour la Région et 4,6 millions pour l’Union européenne. Alors forcément les huiles s’émerveillent, comme Patrick Lévy, le président de la communauté université Grenoble Alpes : « Le futur, c’est de faire de Grenoble une MedTech City  ». La « MedTech », c’est une approche toujours plus déshumanisante de la médecine, permettant avant tout une gigantesque collecte de données et la marchandisation qui va avec. Bien entendu, dans toutes ces recherches « de pointe », il n’est jamais question du mal-être grandissant des soignants, vu qu’il s’agit de travailler à les remplacer par des robots. À quand une approche de la santé centrée sur les nuisances industrielles, avec des cas d’étude « grandeur nature » comme la pollution des nappes phréatiques et de l’air par la chimie ou la micro-électronique locale ?