No pasaran !
L’éléphant (du déferlement technologique) dans la pièce (de l’anti-fascisme)
Le 18 Juin, on reçoit un mail groupé du Fonds pour une presse libre [1], demandant à plus de 100 médias de signer l’appel « pour un front commun des médias contre l’extrême-droite ». Dans les jours d’après, quantité de mails en retour annonçant que Le courrier des balkans, Le crétois, Youpress, etc., signent. Au final 90 médias valident cet appel diffusé largement à partir du 20 Juin.
Au Postillon, on n’a pas répondu, comme d’habitude. On nous demande régulièrement de signer des tribunes, appels, courriers, prises de position et à chaque fois on fait les morts. À vrai dire, on croit bien être atteint de tribunophobie. Oui mais là quand même, avec l’extrême-droite aux portes du pouvoir, l’heure est grave, non ?
Le 24 Juin on reçoit un courrier papier (merci, ça fait toujours plaisir) d’un de nos abonnés, qui nous demande « je vois que Le Postillon ne figure pas dans la liste des médias contre l’extrême-droite. Pourquoi ? » Bonne question, Laurent. Alors pour une fois, on va tenter de répondre, ce long texte étant une sorte de complément d’analyse et de réflexions à côté de notre reportage dans le Nord-Isère.
Déjà, tout simplement : on n’a pas répondu parce qu’on pense que ce genre de tribunes ne sert à rien. Soyons lucides : parmi nos lectrices, comme parmi les lecteurs, auditrices ou followers des 90 médias ayant signé l’appel « pour un front commun des médias contre l’extrême-droite », il n’y a pas – ou très peu – d’électeurs du rassemblement national. S’il y en a, il n’y a absolument aucune chance qu’un tel appel leur fasse renoncer à ce vote.
On tente de se mettre dans la tête de cette vieille dame, qui nous achète des fois notre journal au marché de l’Estacade « pour connaître les dernières conneries de Piolle » et qui pourrait bien, selon ce qu’on en perçoit dans les bribes de conversation échangées, voter Rassemblement national. Déjà il faudrait qu’elle tombe sur cette tribune, ce qui serait assez improbable. Si tel était le cas, on ne voit pas comment un tel appel, ressassant ce que les partis et médias de gauche disent en boucle - « l’extrême-droite porte un projet de démolition sociale, de repli chauvin, de discrimination raciste, sexiste, homophobe, de guerre aux minorités, de basculement liberticide et de régression écologique »- , pourrait la faire changer d’avis. On pense même que ce genre d’initiative pourrait avoir le résultat inverse, en renforçant le sentiment des déclassés d’être méprisés et incompris par les « élites », qu’elles soient politiques ou journalistiques, ce qui les radicaliserait dans leur adhésion au Rassemblement national, seule structure faisant mine de les comprendre. Cécile, une habitante du Nord-Isère rencontrée lors de notre reportage (voir page 16) assène que dans ses campagnes « la vrai figure repoussoir, ce n’est pas tant l’étranger que le bobo des villes donneur de leçons ». On fait des tribunes pour se tenir chaud, pour se rassurer et se compter entre gens d’accord, sans aucune évaluation de ce que cette forme de « militantisme » peut apporter. Pour nous, la multiplication des tribunes de la part de professions au capital culturel élevé (dont font partie les journalistes) ne peut qu’aggraver le côté repoussoir des « leçons » données. En cette fin Juin, presque tout le monde y est allé de sa petite tribune : « 500 artistes signent une tribune contre l’extrême-droite » (BFM TV, 21/06/2024) ; « 2 500 scientifiques signent une tribune contre l’extrême-droite » (La relève et la peste, 26/06/2024) ; « l’appel de 200 philosophes contre l’accession de l’extrême-droite au pouvoir » (Libération, 1/07/2024), etc. etc. on vous en passe et des meilleures. L’époque a cet avantage qu’il suffit de signer une tribune pour se déclarer antifasciste : c’est quand même moins contraignant que de prendre le maquis.
Cette raison se suffit à elle-même. Néanmoins, Laurent, on se permet de développer notre réponse en revenant sur le contenu de cette tribune et de nos points de désaccords. Le premier : cette tribune soutient explicitement le nouveau Front populaire. « C’est pourquoi nous appelons, par nos initiatives éditoriales, et sans jamais renoncer à notre regard critique, à soutenir la mobilisation sociale et citoyenne en cours, qui fait écho à la dynamique antifasciste de Front populaire de 1936 dans sa capacité à déborder les cadres partisans. » Ici, on touche à la question complexe de « l’indépendance » des médias. Nous on plaide pour une indépendance totale, des puissances économiques bien entendu, mais aussi des forces politiques, et même de celles de gauche. D’autres médias, notamment beaucoup parmi les signataires de l’appel, sont plus des compagnons de route – au faible « regard critique » - de la gauche, actuellement structurée en Nouveau front populaire. On s’est souvent heurtés à cette proximité idéologique, notamment depuis l’accession de Piolle au pouvoir municipal voilà dix ans, dont les actions ont (presque) toujours été relayées très complaisamment par quantité de médias nationaux indépendants, malgré la masse d’informations critiques présentes (produite par nous ou par d’autres).
Nous, on ne prétend pas être complètement « indépendants » : pour cela il faudrait être hors du monde. On est par exemple dépendants de toutes les relations nécessaires à la vie de notre journal ; ainsi il nous est déjà arrivés de ne pas critiquer un lieu parce qu’il diffusait notre canard ; ou les actes d’une personne parce que c’était une connaissance appréciée par ailleurs. L’indépendance totale est une quête forcément inaboutie (et tous les médias numériques dont le business plan repose sur des dons parfois conséquents – dont certains proviennent de personnalités politiques – auront du mal à dire le contraire), néanmoins il nous semble indispensable d’être le plus loin possible des puissants, même s’ils sont de « gauche ». Lors des premières années de mandat de Piolle, nombre de nos lecteurs et lectrices se sont offusqués qu’on le critique tant : en boutade, on répondait alors que si on avait voulu en dire du bien, on aurait rejoint son service com’, on aurait été bien mieux payés.
Mais le fond de l’affaire, c’est que contrairement à eux, et à nombre de nos proches, on ne se dit pas forcément « de gauche ». Quantité de gens ont un rapport religieux avec « la gauche » et continuent à croire dévotement en elle malgré les désillusions à répétition lors de son exercice du pouvoir. Nous on croit que ce qu’on voit, et ce qu’on voit nous ôte globalement toute foi, que ce soit au niveau national ou après près de 30 ans de « gauche » (dans toute sa diversité) au pouvoir à Grenoble. Non binaires, on ne pense pas que si on n’est pas du côté de la droite, on est forcément de celui de la gauche.
Le Postillon n’est pas le journal d’un mouvement ou d’un parti ; notre but n’est pas de défendre une ligne mais d’apporter de la matière à réflexion critique (et la plus pertinente possible) sur tous les sujets. Si on n’a donc pas de programme politique « positif » à défendre, on se positionne quand même pour une mesure qui nous semble démocratiquement essentielle : la suppression des partis politiques, au sens défendu par la philosophe Simone Weil : « Les partis sont un merveilleux mécanisme, par la vertu duquel pas un esprit ne donne son attention à l’effort de discerner, dans les affaires publiques, le bien, la justice, la vérité. Il en résulte que – sauf un très petit nombre de coïncidences fortuites – il n’est décidé et exécuté que des mesures contraires au bien public, à la justice et à la vérité (...) Presque partout, l’opération de prendre parti, de prendre position pour ou contre, s’est substituée à l’obligation de la pensée. C’est là une lèpre qui a pris origine dans les milieux politiques, et s’est étendue, à travers tout le pays, presque à la totalité de la pensée. Il est douteux qu’on puisse remédier à cette lèpre, qui nous tue, sans commencer par la suppression des partis politiques »
Voilà pourquoi, en-dehors de divergences sur le programme, il nous est impossible d’apporter notre soutien au NFP, qui malgré toute la « mobilisation sociale et citoyenne », est avant tout une coalition de partis dont les petites guéguerres internes et externes occupent l’essentiel de l’espace médiatique depuis les élections législatives… L’accession au pouvoir de l’extrême-droite suite à la Macronie autoritaire changera-t-elle véritablement la conduite des affaires publiques ? C’est un débat. En tous cas ce qui est certain c’est qu’elle décomplexera encore plus quantité de Français dans leur commune détestation de ce qui n’est pas eux. Alors face à ce danger ; voter, à défaut, pour le NFP est une chose, le soutenir en est une autre. Passée l’urgence des élections, reste toujours cet immense chantier de créer des dynamiques loin des partis.
Enfin, et surtout Laurent, voilà notre désaccord principal avec cet appel. Comme dans toute la profusion de tribunes contre l’extrême-droite, il n’est rien dit de ce qui est pour nous l’éléphant dans la pièce de l’anti-fascisme : le déferlement technologique.
On en entend déjà râler ou se moquer (coucou Marion) de notre « obsession » pour la critique des technologies. Mais sur cette question de la montée de l’extrême-droite comme sur d’autres, on ne peut que s’étonner que ce sujet ne soit pas plus présent dans le débat public ou dans les cercles militants, alors qu’il nous saute aux yeux.
Lors de notre reportage dans le Nord-Isère, cette lame de fond destructrice s’est traduite dans plusieurs rencontres. C’est Maryse qui raconte comment son village de paysan est passé en une génération du XIXème siècle au XXIème siècle, les enfants de petits agriculteurs (« qui étaient certes pauvres mais qui avaient un statut, un rôle ») se retrouvant aujourd’hui à emballer des salades en plastique dans les entrepôts de Pierre Martinet (« en étant complètement interchangeables et plus respectés »). C’est Marc, électeur du rassemblement national, qui déplore de ne plus croiser personne « même au supermarché maintenant les gens vont faire leurs courses en Drive ». C’est Cheikh, ouvrier de la logistique, qui a vu l’arrivée des chariots autonome dans son entrepôt, qui a perdu son statut de cariste (conducteur de chariot) pour devenir un opérateur anonyme, interchangeable avec les autres postes. C’est Bruno Guillaud-Bataille, maire de Charavines, qui analyse : « L’espace public local ne sert plus à ‘‘rien’’, les cercles de sociabilisation sont maintenant les chaînes d’info et les réseaux sociaux… Chacun vit dans son cocon replié sur lui-même et les écrans ». C’est les bars restant dans les villages avec Cnews ou BFM tournant du matin au soir.
Dans les services publics, les supermarchés, les fast foods, les interactions avec des humains disparaissent et sont remplacés par des interactions avec des serveurs vocaux, des écrans tactiles ou des interfaces numériques. Les écrans envahissent tout et font écran entre les humains. Les métiers manuels sont de plus en plus robotisés, les travailleurs de plus en plus pions interchangeables devant répondre aux injonctions des machines. Les métiers en général perdent en sens au fur et à mesure qu’ils gagnent en automatisation, et encore ! Le tsunami de l’intelligence artificielle ne fait que commencer. Les lieux de rencontre (bars, petits commerces, accueils physiques) disparaissent, les humains se retranchent dans leur bulle virtuelle.
À notre sens, la plus grande menace de notre époque n’est pas le réchauffement climatique (réel et tragique sous bien des aspects), mais ce que nous dénommons « le grand refroidissement technologique ». Soit le fait qu’avec l’invasion des technologies, le monde devient de plus en plus « froid », distant, robotique, désincarné, ce qui ne peut que renforcer le repli sur soi, l’individualisme, la montée des tensions et donc au final les partis d’extrême-droite.
Le pire de ce « refroidissement technologique », ce sont bien entendu les réseaux sociaux, qui sont devenus de formidables outils pour la diffusion des idées d’extrême-droite. On nous rétorquera qu’Hitler et Mussolini sont arrivés au pouvoir près d’un siècle avant la création de Facebook ; néanmoins il est difficile de contester que dans notre monde actuel, les réseaux sont les meilleurs alliés des mouvements d’extrême-droite, qui se servent du moindre fait-divers pour alimenter leur haine des étrangers avec une formidable caisse de résonance. Exemple parmi tant d’autres : le drame de Crépol en novembre 2023, où un jeune rugbyman a été tué par des jeunes venant a priori d’un quartier populaire de Romans. Une tragique embrouille en fin de bal de village qui, il y a vingt ans, serait restée cantonnée aux pages fait-divers du Daubé… L’année dernière, suite à l’hystérisation de ce fait-divers impliquant des Maghrébins sur les réseaux sociaux, tous les médias en ont parlé. Maryse s’étonne : « Dans ma jeunesse, autour de Bourgoin-Jaillieu, il y en avait très souvent des bagarres à la fin des bals de village. Je me souviens d’au moins deux ou trois morts, mais personne n’en parlait à part les gens du coin… » Tout le monde n’est pas sur les réseaux, notamment dans les campagnes traversées. Mais les réseaux dictent une partie de la ligne éditoriale de beaucoup de médias, des chaînes d’info bien entendu, mais aussi d’autres moins sensationnalistes qui se retrouvent à devoir critiquer ce qui se trouve sur les chaînes d’info. Au final, les réseaux sont un formidable outil pour l’extrême-droite pour imposer ses thèmes de débat.
La tribune du Fonds pour une presse libre apporte un élément spécifique aux signataires : l’alerte sur la liberté de la presse que l’extrême-droite fait peser. « Partout en Europe, dans le monde, où l’extrême droite gouverne, [la liberté de la presse] est violemment attaquée : interdiction de publication, destruction du secret des sources, multiplication des procédures-baillons, censure, pressions et intimidations, assèchement des aides publiques à la presse. (…) L’enjeu est de préserver la possibilité même d’une presse indépendante du pouvoir politique, pluraliste, avec des journalistes exerçant leur métier en toute liberté. »
Bien entendu, on est d’accord, mais on pense qu’aujourd’hui les médias indépendants sont plus menacés par la transformation du rapport à l’information due au numérique que par l’extrême-droite en elle-même. Avec ce zapping permanent imposant des thèmes racoleurs, sexy, et pute-à-clics, les médias tentant d’apporter de la matière à réflexion complexe et potentiellement longue à développer en sont réduits à êtres des médias de niche (plus ou moins grande). La « niche » des médias papiers se réduit de plus en plus, mais celle des médias numériques indépendants n’est pas forcément plus reluisante, vu que la raison d’être même des réseaux (et d’Internet en général) favorise plus la démagogie que la réflexion, plus les influenceurs que les journalistes.
Depuis les élections européennes, de plus en plus d’universitaires et journalistes déplorent le poids pris par les idées d’extrême-droite sur Internet… Le sociologue David Breton appelle à « réguler les réseaux sociaux » (Libération, 15/11/2024). Deux journalistes de Libération ont écrit un bouquin Pop fascisme. Comment l’extrême droite a gagné la bataille culturelle sur Internet (éditions Divergences, 2024). Pour y remédier, quelles sont leurs préconisations ? D’investir plus Internet et de faire vivre une « sphère de gauche » « plus puissante que la Fachosphère ».
On ne croit ni en la régulation, ni en la contre-offensive numérique parce qu’on est d’accord avec l’écrivain McLuhan qui déclarait énigmatiquement : « Le message est le médium ». Depuis la réélection de Trump, quelques médias et militants prônent la désertion de X/Twitter, propriété d’Elon Musk, soutien et futur ministre de Trump. Comme si le « problème » des réseaux sociaux ne venait que de leurs propriétaires et de leur politique de régulation, et non pas de leur essence même, favorisent la création de « bulles » où chaque personne ne « reçoit » que des informations la confortant dans ses positions, sans être confrontée à des avis opposés. Bien avant l’arrivée de Musk, Twitter était déjà une machine à décérébrer. Scruter ce genre de réseau social, c’est comme fouiller des poubelles : ça raconte une partie de notre époque. Raccourcis simplistes, hystérisation, raids en meute, mensonges éhontés, clashs inintéressants, nombrilisme omniprésent : il y a presque tout à jeter. Allez d’accord certains comptes décalés sont assez drôles, d’autres apportent à l’occasion des informations introuvables ailleurs. Mais pour nous c’est tout vu : si on devait avait du faire un procès honnête des réseaux sociaux, le verdict serait sans appel : « fermeture immédiate », au nom de la tentative de conservation des bribes restantes d’intelligence humaine.
Si, sporadiquement, l’écosystème du numérique peut faire progresser des idées généreuses, il aide d’abord les idées nauséabondes, parce que son développement entraîne un bouleversement anthropologique accentuant les pires travers de l’être humain.
Si vous n’êtes pas convaincus par cette assertion, on ne peut que vous conseiller la lecture d’Infernet, paru aux éditions Massot/Blast en 2023. L’auteur, Pacôme Thiellement n’est pas un luddite anti-industriel, mais un écrivain et vidéaste ayant « cherché son salut dans la vie numérique » avant de se rendre compte qu’il « se mettait, en réalité, en danger de mort ». Dans le bouquin, il raconte douze « fait-divers – des histoires sombres, terribles, sinistres et parfois grotesques mais toutes absolument réelles – qui servent de loupes pour comprendre ce qu’Internet et les réseaux sociaux sont en train de faire de nous ». « Facebook nous a transformé en un peuple de dénonciateurs, de délateurs, de corbeaux. (…) Regardons les choses en face : en dix ans, Facebook ne nous a pas transformé en nerds [informaticiens geeks]. Facebook nous a transformé en connards. (…) Tant que nous resterons pathétiquement attachés à l’idée de le faire à travers les réseaux sociaux, il sera pour nous totalement impossible d’améliorer notre condition présente. Ce n’est pas fatal. Mais c’est algorithmique. (…) Les réseaux sociaux sont un monde dans lequel l’humanité est entrée parce qu’elle pensait qu’il résoudrait ses problèmes alors qu’il n’a fait que les amplifier, mais pour lequel elle a développé une addiction qui l’empêche de l’abandonner, et qui continue à influencer ses gestes et ses pensées, quand bien même elle sait que cette influence est profondément destructrice. »
Pacôme Thiellement prône la désertion des réseaux sociaux, qui « pourraient disparaître du jour au lendemain, si nous le voulons ». Une perspective de bon sens, quoique complètement absente des programmes de gauche ou des tracts antifascistes. Encore une fois, être sur les réseaux et sur Internet par défaut est une chose (d’ailleurs on a un site !), défendre leur existence en est une autre. Il y a une chose pire que de se servir du numérique pour le critiquer, c’est de se servir du numérique sans le critiquer.
Cet automne, le Fonds pour une presse libre a lancé un « appel à projets extrême-droite » visant à « enquêter, révéler, démonter » sur le rassemblement national et ses mouvements satellites. Pourquoi pas ? Bien entendu, il faut enquêter sur l’extrême-droite (comme sur tous les autres partis d’ailleurs) mais on ne croit pas que l’enquête suffira à empêcher son accession au pouvoir.
On en veut pour preuve la réélection triomphale de Trump, qui est cerné de procédures judiciaires, dont les multiples vices et turpitudes ont été maintes fois révélés et dont tous les multiples mensonges sont « fact-chekés ». Si toutes les enquêtes sur lui et sur ses proches, qu’elles soient judiciaires ou journalistiques, n’ont pas empêché son triomphe ; cela devrait nous pousser à plus nous intéresser à la lame de fond qui lui permet d’arriver quand même au pouvoir démocratiquement.
Pour nous, une des ressorts principaux de cette lame de fond, à côté et emmêlé aux questions identitaires et économiques, c’est les réseaux sociaux en particulier, et le déferlement technologique en général. Contester son inéluctabilité est donc pour nous beaucoup plus pertinent que de signer des tribunes consensuelles.
D’autant plus qu’en cas d’arrivée au pouvoir de l’extrême-droite, les multiples possibilités techniques offertes par le déferlement technologique pourraient grandement lui faciliter la tâche.
Pour un gouvernement fasciste, quoi de mieux que la vidéosurveillance biométrique, le flicage numérique, les passes-QR codes pour aller et venir ? L’édification progressive d’une société orwellienne est du pain bénit pour l’extrême-droite. Le rassemblement national a toujours été technophile et dernièrement son patron Jordan Bardella, conseillé par le pape du transhumanisme Laurent Alexandre, a radicalement pris position pour l’intelligence artificielle et aimerait que la France soit un des « champions » de ce domaine.
On s’est toujours demandé comment des personnes célébrant tous les ans la Résistance pendant la seconde guerre mondiale pouvaient laisser se développer et s’imposer de telles technologies, rendant de fait impossible – ou beaucoup plus compliquée - une future Résistance à un éventuel gouvernement fasciste. Ouhlàla c’est qu’on en serait presque à vouloir écrire une tribune là-dessus. No pasaran !
Notes
[1] Le Fonds pour une presse libre est un « organisme à but non lucratif agissant pour la défense de la liberté d’information, le pluralisme de la presse et l’indépendance du journalisme », fondé par Médiapart en 2019. Tous les ans, il finance des projets de médias indépendants avec de l’argent récolté via des appels à dons. En 2023, Le Postillon avait obtenu 15 000 euros afin de « s’étendre » dans les campagnes environnantes (ce à quoi on travaille depuis, notamment avec ce numéro...)