Édito
« Achetez Le Postillon. C’est le dernier numéro qui ne critique pas Éric Piolle ! ». C’est avec ce slogan accrocheur qu’on a vendu notre journal le 30 mars au soir devant le musée. Parmi les milliers de personnes venues fêter la victoire d’Éric Piolle, beaucoup ont souri en l’entendant. Et puis quelques fans du nouveau maire n’ont pas du tout aimé : « Quoi ? Vous allez critiquer Éric Piolle, maintenant ? Pfffff. C’est minable. Vous êtes vraiment anti-tout. Pour une fois qu’il y a de l’espoir. Pffff. C’est n’importe quoi ». Dans les semaines qui suivirent, des lecteurs nous ont branchés : « alors ? c’est bon maintenant que la mairie est écolo, vous allez arrêter le journal ? ».
Forcément, avec ce genre de retours, on se dit qu’on a raté un truc. Qu’on ne s’est pas totalement fait comprendre. Que certains n’ont toujours pas saisi que, quand les autres médias locaux font essentiellement de la communication, nous tentons de faire du journalisme. Beaucoup confondent, mais c’est en réalité très différent, comme l’a expliqué Georges Orwell : « Le journalisme, c’est imprimer quelque chose que quelqu’un d’autre ne voudrait pas voir imprimer. Tout le reste n’est que relations publiques ».
Nous ne ferons donc pas plus de « relations publiques » avec la municipalité Piolle qu’avec celle de Destot. Quitte à déplaire à ceux qui croient en Piolle comme leurs parents croyaient en Mitterrand et leurs arrières-grands-parents en Dubedout. Il y a cinquante ans, il ne fallait pas critiquer l’URSS pour « ne pas désespérer Billancourt ». Aujourd’hui on ne se gênera pas pour critiquer Piolle, quitte à désespérer Saint-Bruno, Saint-Laurent, les Baladins et l’Esplanade [1].
Soyons honnêtes : la défaite de Jérôme Safar nous a réjouis, et qu’elle n’ait pas profité à la droite ni à l’extrême droite ne nous a pas attristés. Surtout que d’intéressantes perspectives commerciales s’offrent à nous. Certes, on risque de perdre quelques lecteurs du côté du fan-club du nouveau maire – qui trouvaient Le Postillon « très intéressant et vraiment nécessaire à la démocratie » quand il critiquait le PS mais qui, tout d’un coup, vont certainement le trouver « malhonnête, aigri, et rasoir » à partir de ce numéro. Mais cette petite chute sera compensée par un afflux massif des militants et sympathisants du PS qui devraient prochainement se mettre à apprécier l’existence d’une presse critique. Imaginez : des milliers de nouveaux lecteurs potentiels ! Même pas revanchards après des années d’indifférence de leur part, nous leur adressons, comme à Piolle, un message d’apaisement : « les socialistes et toutes celles et ceux qui se reconnaissent dans nos valeurs, dans notre projet, seront les bienvenu(e)s dans le rassemblement ». Camarade socialiste, tu es le bienvenu parmi notre lectorat, tant que tu payes deux euros pour acheter ton exemplaire. Quant à toi lecteur de droite, nous sommes sûrs que tu nous resteras fidèle.
Notre service « conquête de nouveaux marchés » a par ailleurs décelé un fort potentiel à l’international, parmi tous ceux qui aimeraient suivre de loin les avancées et reculades d’une municipalité verte-rouge. Que vous habitiez Châteauroux, Montreuil, Lausanne ou Pau, préférez la production locale à celle des touristes parisiens ! Au lieu de lire les articles fades des « envoyés spéciaux » des grands médias venus scruter le « laboratoire » grenoblois, abonnez-vous au Postillon pour obtenir des reportages et analyses 100 % terroir.
Notes
[1] Quartiers où Éric Piolle a recueilli plus de 50 % des voix au second tour.