Accueil > Oct. / Nov. 2013 / N°22

Cages à lapins

À la fin de l’été, plus de 60 000 étudiants débarquent dans la cuvette grenobloise. Une petite partie d’entre eux loge dans des chambres étudiantes. C’est le Crous (Centre régional des oeuvres universitaires et scolaires) qui gère les vingt-quatre résidences de Grenoble et son agglomération, ce qui représente environ 6200 places disponibles [1].

Pour nous remémorer nos joyeuses et légères années universitaires, on est allé faire un tour du côté du campus de Saint-Martin-d’Hères en errant au pied de quatre de ces résidences. Objectif : photographier des chambres de 9 à 12m² et leurs occupants. Des chambres dont les étudiants rencontrés semblent globalement satisfaits même si « c’est pas le luxe ». Portraits.

Pour voir le reportage c’est par ici.

[(«  Les Crous, c’est plus de rentabilité avec moins de personnel  »

Au fil de nos balades, on a constaté que les résidences Ouest et Berlioz avaient été réhabilitées. Ça ne sentait pas la peinture fraîche mais le mobilier était quasi neuf et chaque étudiant disposait d’une douche et d’un WC dans ses 12m². La résidence Condillac, au contraire, a mal vieilli. Les étudiants qui vont y habiter savent qu’elle a la réputation d’être « la plus pourrie » du campus mais que c’est aussi la moins chère.
Pour avoir un autre point de vue sur les résidences universitaires, on a frappé à la porte d’Ozdemir qui bosse depuis bientôt 30 ans au Crous. Ozdemir est « agent d’installation maintenance » (AIM) : lui dit plus simplement qu’il est ouvrier d’entretien. Il procède à l’état des lieux avec les étudiants et intervient, entre autres, dès qu’il y a un souci de plomberie ou d’électricité dans les résidences les Taillées et Ouest. Il est aussi responsable syndical CGT Crous pour l’académie de Grenoble.
Après quelques amabilités, on attaque avec notre mauvaise foi journalistique :

  • Les étudiants qu’on a rencontrés [8 sur potentiellement 6 200], étaient globalement satisfaits de leur logement. Imaginons que je sois directeur du Crous, je vous dis : « Berlioz et Ouest ont été réhabilitées et on a construit 400 logements en plus avec la résidence Marie Reynoard, on met l’argent ». Qu’est ce que vous nous répondez ?
  • « Ils mettent de l’argent mais ce n’est pas suffisant. En plus, l’argent ne vient pas de l’État parce que pour une partie c’est le Crous qui doit faire des sacrifices sur son propre budget. Et c’est la SDH [NDR : Société dauphinoise pour l’habitat] qui construit ces 400 logements et le Crous va payer le loyer pendant 30 ans avant que ça ne lui appartienne. Le Crous n’est pas propriétaire de toutes les résidences universitaires, pour certaines il est simplement gérant. (...) Le Crous, pour payer ces constructions, il augmente le loyer des étudiants. Prenons l’exemple de la MDE [NDR : Maison des étudiants située à Grenoble] qui appartient au Crous. Une partie a été réhabilitée, la surface antérieure était de 11 m², ils sont passés à 18 m² mais le loyer est maintenant de 425 euros. »
    C’est également le cas de la nouvelle résidence Marie Reynoard où n’ont été construits que des T1 de 18 à 25 m² et des T4 partagés. Premier prix : 340 euros. Des tarifs qui conduisent certains étudiants à délaisser les résidences : « Des étudiants choisissent la colocation parce que c’est moins cher. Il y a quelques années, ils avaient des difficultés à remplir les résidences à cause de ces augmentations des loyers. »
    Ozdemir soulève un autre problème : le développement des résidences privées. « Avant les entreprises privées n’avaient pas le droit de construire sur le campus. Maintenant c’est le cas et au lieu de construire des appartements pour les familles, ils construisent des résidences universitaires parce que c’est plus rentable. 60 mètres carrés pour une famille, ça fait quoi ? 500-600 euros. Un studio de 20 m² à 350 euros...ça fait plus de 1000 euros les 60 m². C’est pour ça qu’elles investissent. »
  • Et vous, les employés du Crous, agents d’accueil, veilleurs de nuit, femmes de ménages, ouvriers d’entretien... quelles sont vos conditions de travail ? 
  • « Il y a quelques années, le personnel qui travaillait au Crous avait plus de moyens et d’équipement. Il y a une diminution du nombre de personnels dans les résidences et dans la restauration c’est la même chose. Avant, à la MDE, il y avait trois femmes de ménage pour sept étages et maintenant il n’y en a plus qu’une. Il y a une politique actuellement dans tous les Crous, c’est plus de rentabilité avec moins de personnel, c’est une réalité. Chaque fois qu’il y a une réunion au Crous le discours c’est ‘‘il y a trop de masse salariale’’ ». Malgré tout, et derrière ce constat pessimiste des orientations du Crous, il y a parfois quelques victoires : « En 2012, on a fait une grève, on s’est retrouvé à 150 dans le bureau de la directrice et on obtenu l’embauche d’une vingtaine de personnes supplémentaires. »
    )]

Portfolio

Notes

[1Le Crous de Grenoble regroupe en réalité quatre départements (Isère, Drôme, Savoie et Haute-Savoie) et annonce dans son dossier de presse (rentrée 2013) 7 400 places en résidences universitaires. Ici sont seulement comptabilisées celles de Grenoble et sa cuvette.