Accueil > Été 2020 / N°56

Un drone, une caillasse

Ah qu’il semble loin, ce mois de janvier ! À l’époque, Pipoto m’avait envoyé une vidéo de Chine où l’on voyait un drone survoler des habitants en leur ordonnant de rentrer chez eux. À l’époque, on trouvait que les Chinois étaient bien mal barrés, dans un sacré cauchemar orwellien. Deux mois plus tard, les flics français se sont mis aussi à utiliser des drones pour repérer les mauvais citoyens soupçonnés de ne pas respecter le confinement. Dans la cuvette, la préfecture a communiqué deux fois par l’intermédiaire du Daubé sur l’utilisation de ces mouchards volants. Le 2 avril, on apprenait qu’ils avaient été utilisés dans les quartiers d’Echirolles et que « douze contrevenants ont pu être contrôlés et verbalisés grâce à cet équipement qui sera amené, dans les prochains jours, à surveiller d’autres endroits de l’agglomération grenobloise  ». Notez l’utilisation du « grâce à  », signe de la légendaire neutralité journalistique à propos du développement de nouveaux outils sécuritaires. Le 22 avril, le quotidien local relayait la bonne parole policière en annonçant que les drones avaient permis aux gendarmes de verbaliser de dangereux « resquilleurs du confinement  » à Meylan : « Voilà en effet plusieurs jours que des groupes de jeunes gens se réunissent dans le parc de l’île d’Amour [NDR : quel scandale !]. Un lieu vaste et difficile d’accès pour les véhicules, ce qui rend la tâche de repérage compliquée, les petits groupes ayant tendance à disparaître lorsque les militaires patrouillent à pied dans le secteur. Mardi, donc, c’est avec un drone de la brigade de gendarmerie des transports aériens de Saint-Étienne-de-Saint-Geoirs que les gendarmes ont fait la chasse aux personnes qui ne respectaient pas les règles. Après repérage aérien, les équipes au sol en VTT ou trottinettes électriques étaient orientées vers les resquilleurs. Huit d’entre eux ont ainsi été verbalisés en l’espace de deux heures, sans avoir le temps de disparaître comme à l’habitude.  » Un mois plus tard, le Conseil d’État, saisi par la Quadrature du Net et la Ligue des droits de l’homme a ordonné la suspension de l’usage des drones pour contrôler le confinement à Paris. Une petite victoire qui n’empêchera certainement pas à terme les drones sécuritaires de revenir polluer nos ciels.