Vulves = e-monde ?
« Si l’image me met mal à l’aise (ainsi que mon entourage ayant vu ce détournement) ce n’est pas pour la raison que vous avancez : ce n’est pas le problème de la représentation du sexe féminin mais bien ce que vous lui faites porter. Faire porter aux vulves l’origine de l’e-monde, c’est drôlement juste ? Oui les pets de vagin c’est drôôôle, mais là, c’est juste un détournement dégradant du corps féminin pour décrier l’IA et attirer l’attention en couverture. Et ce à partir de la première œuvre de l’Histoire de l’art classique occidental à représenter une vulve (d’autant plus puissante par son titre originel). Merci. Un chat pétant ou subissant un pet, ça n’aurait pas suffi ? (...) À vous écrire mon ressenti, je me dis qu’il faudrait que je fasse plus souvent des retours (notamment des positifs bien sûr), mais le fait que ce soit ce détournement qui m’y pousse souligne à quel point mon (notre) malaise était grand (car je me contente en général de faire des retours positifs). » O.
Bien rigolé
« Nous avons adoré votre 4e de couverture ! Ne laissez pas l’air ambiant saturer vos idées “foireuses”, elles sont plutôt heureuses. Ça fait un bien fou d’être surpris, bousculé, interpellé par une photo ou un article. Après avoir bien rigolé, on va ouvrir le journal maintenant. » B.
L’Origine de la guerre
Un lecteur nous a suggéré un « détournement plus pertinent » du tableau L’Origine du monde. Il s’appelle L’Origine de la guerre et a été réalisé par l’artiste Orlan. Si cette œuvre est effectivement sacrément perspicace, on reste par contre beaucoup plus sceptique sur son positionnement et ses autres productions.
Culture du viol ?
« J’imagine que je ne dois pas être la première à vous écrire au sujet de votre page avec le tableau de L’Origine du monde sur ChatGPT. Si c’est le cas, ça veut dire qu’un certain nombre de personnes n’ont pas mis l’énergie à vous envoyer un mail. On m a montré cette page pendant la manif du 8 mars, j’ ai été attristée et écœurée comme beaucoup de personnes autour de moi ce
jour-là.
Ecœurée parce que faire des blagues graveleuses sur une chatte n’est pas anodin, ça contribue à la culture du viol. Vous savez qu’il y a encore un petit problème dans notre société pour ne pas confondre le sexe des femmes avec un objet. (...) Attristée aussi d’avoir l’impression que rien de bouge et que ce n’est pas parce que vous n’êtes pas au courant, mais parce que faire attention à ne pas renforcer la culture du viol, n’est pas dans vos préoccupations ». D.
La réponse de l’illustratrice
« Je n’ai aucun souci à entendre une critique qui concerne une production qui a une résonance publique. Dessiner pour un journal, c’est jouer le jeu du débat, ça implique de savoir répondre de ses créations et c’est ce que je souhaite faire ici. (…) S’il y a bien une option que je rejette, c’est celle de te balancer des excuses comme un os à un chien. Ce que j’ai convoqué chez toi, et d’autres, mérite une véritable réponse.
Comme dans le reste du journal, j’ai voulu faire un croisement de plusieurs thématiques qui sont en lien avec la vie de Grenoble, la question des technologies qui nous envahissent globalement, localement (industries à la con sauce capitalisme de surveillance) et intimement (impact des réseaux sociaux et autres diktats qui façonnent de plus en plus nos corps, nos pensées et nos relations). Pour faire cela, il m’a semblé que la meilleure voie était la plus courte, c’est à dire un bon vieux jeu de mots potache (comment le nier ?) (...) en vue de soutenir un propos critique. Critique d’un monde qui rancit, se crispe et se renferme sous ses beaux atours de modernité. Caricature de la vulgarité du racolage que nous subissons sans arrêt pour intégrer à nos vies de nouveaux outils technologiques inutiles en les faisant passer pour des innovations indispensables. Critique d’un système omnipotent qui se croit roi paré des plus beaux atours. Eh bien non ! Je décide de le dire et d’en rire : le roi est nu ! Tout ça ne vaut pas plus qu’un grand pet de fouf bien gras ! Je vomis tant d’absurdité, et je n’ai pas envie de le dire avec des fleurs.
Ce monde e-monde qu’on nous cuisine et qu’on va nous faire bouffer de gré ou de force, j’ai pas grand-chose pour le contrer, à part un peu d’énergie et ma capacité de création. Ici la chatte est sujet, pas objet : ses borborygmes lascifs démontrent son indifférence au règlement. Elle est nature peinture, pas timide. Sa production sonore qui dérange (cf l’impureté intrinsèque du corps féminin déclamée par les mascus au fil des siècles), elle nous la jette au visage, parce qu’au fond, qu’est-ce qu’on en a à foutre de jouer au jeu de la bienséance ? Chatte j’ai pété, c’est l’envers provocateur, bêta et craspouille de ChatGPT, l’artifice, l’algorithmé, le neutre froid qui silencie la spontanéité, la nuance, l’humain. Le fait qu’on puisse ne pas apprécier l’humour pet de chatte, je comprends, c’est vrai que ça ne côtoie pas les cimes de la finesse. On a toustes nos types d’humour et je n’attendais pas que cette illustration fasse l’unanimité. Par contre, j’avoue avoir ressenti un malin plaisir à convier une grande, splendide et velue vulve qui pète en si grand format pour boucler un journal vendu à pas mal d’exemplaires. (…) C’est en partie ce tableau, L’Origine du monde, qui a façonné mon goût pour la “provoc”, au sens de : convoquer l’intelligence de mon prochain en bordélisant ses attendus dans le discours et l’attitude d’une femme. (…) Le propos connexe était antitech : je n’ai pas su capter que cela semblait être inutilement provocateur ou franchement insultant pour d’autres. Je ne dis pas “désolée que vous n’ayez pas compris”, je dis : je m’excuse d’avoir produit un truc dont le sens pas évident a pu gêner, énerver ou blesser. J’entends que d’autres interprétations puissent amener de la colère et de la méfiance. En même temps, je suis un peu blasée à l’idée de convier l’image de la vulve seulement en lien direct avec des slogans féministes. La chatte je la vois puissante, subversive, créatrice. (…) Je préfère parler cru et compréhensible que de m’enfermer dans des registres inaccessibles. Je ne dis pas que c’est la meilleure des stratégies, c’est juste la mienne. Parfois je cherche l’absurde, le raccourci, le jeu de mots pas bien dégrossi, car je crois que cela peut aider à sortir des carcans normatifs esthétisants et hygiénistes qui nous pourrissent tant la vie. (…) Une blague graveleuse qui tourne autour d’un pet de chatte, générée sur la base d’un tableau classique ultra connu, peut-être même la plus connue des représentations d’une vulve, ce n’est pas automatiquement faire le jeu de la violence sexiste : ce n’est ni une invitation à la libération des « pulsions », ni sexualisant (au contraire le côté vulgaire vient dé-sexyfier et désacraliser le sujet). Cette page parle d’un tableau célèbre qui, rendu potache, se moque d’une création artificielle et dangereuse. L’Art face à l’artificiel, en passant par un prout. (…) »
Réponse à la réponse
« Je pense qu’au fond, on n’est pas loin dans nos manières de penser. Et j’aurais pu voir ton intention telle quelle et rire avec toi. Alors pourquoi ? D’abord le contexte, je pense : on me l’a montré en étant offusqué, ça influence le regard. Ensuite, il y a les intentions et la manière dont ça peut être perçu. (...) Je n’ai pas envie que ce genre de blague reste dans un petit cercle fermé... et peut être que si. Ton texte me fait réfléchir à ça. Alors merci. J’aime bien réfléchir et voir si ça me fait bouger de ligne ». D.