Accueil > Hiver - Printemps 2022 / N°64
Noël sans balcon, presque en prison
Début décembre, les habitants d’un immeuble de l’Île verte ont vu leurs balcons condamnés quasiment du jour au lendemain.
Hafid a les boules. Depuis plus d’un mois, ce travailleur indépendant ne peut plus se rendre sur le balcon de son appart du dernier étage d’un immeuble de l’Ile verte. « On a eu un mot dans la boîte aux lettres début décembre et une affiche dans l’ascenseur. Puis cinq jours après, un gars est venu sonner chez moi. J’ai pas répondu. Puis je l’ai vu enjamber depuis chez le voisin. » Résultat : une magnifique plaque d’environ un mètre de haut vissée sur les montants de la porte fenêtre. Accès impossible aux 8 m2 de la terrasse. Sauf pour les chats, pour qui Hafid a quand même réussi à négocier – on n’est pas des bêtes ! – une pose à vingt centimètres au-dessus du sol.
Le problème sur la structure n’est pourtant pas neuf : depuis 2019, la présence de « vrillettes » est avérée. Un charmant petit insecte xylophage qui, comme son nom l’indique, bouffe le bois en faisant des trous similaires à une petite vrille. Manque de bol : les balcons sont quasi exclusivement composés de bois et pourraient donc à terme s’effondrer. Des étais sont alors apparus pour soutenir certains balcons. D’autres ont été ajoutés en 2020. Sans plus d’explications pour les locataires comme Hafid, qui représentent l’immense majorité des 43 appartements de l’immeuble. « En décembre 2020, pareil : on a juste eu une affiche dans l’ascenseur pour nous indiquer qu’une entreprise passerait. Ils sont venus sur le balcon, ils ont enfoncé un tournevis dans le bois pour mesurer à quel point il était pourri. Et aucune nouvelle pendant un an. »
« Ce qui me met hors de moi, c’est la façon dont nous sommes traités. Sans aucun respect. Quand je vivais en HLM, j’avais plus de considération. Là, je suis dans le quartier le plus bourge de la ville, je paye 800 balles par mois pour un F1 et je me sens vraiment abusé ! » Et encore, Hafid n’est pas le plus à plaindre : il a réussi à négocier une baisse de loyer de 90 euros avec son propriétaire. Mais sa voisine Noëlle, qui habite en rez-de-jardin, dépend du bailleur Actis et continue de payer l’intégralité de son loyer, « comme des cons... » rigole-t-elle. « On a presque l’impression d’être en prison. Mon fils est autiste et, du jour au lendemain, on lui bloque l’accès vers l’extérieur. Je lui dis quoi, moi ? Déjà qu’on n’avait pas beaucoup de luminosité, ça nous en enlève encore la moitié. Quand on appelle Actis, ils nous renvoient vers le syndic, qui nous renvoie vers Actis. Ils s’en lavent tous les mains. Et nous on subit… »
Le syndic en question est Partenariat immo, du groupe AGDA. Le gestionnaire de copropriété assume la décision de condamner les balcons : « C’est une question de sécurité ! Nous avons recommandé de ne pas les utiliser via des courriers en 2019 puis en 2020. Malgré cela, nous avons constaté que des résidents persistaient à le faire. Nous ne pouvions pas les laisser accessibles. » Et tant pis si les locataires n’ont pas eu l’information : « Nos clients, ce sont les propriétaires. Depuis le début, ils ont des rapports d’expertises. À eux ensuite de mettre leurs locataires au courant. Nous ne pouvons pas prendre tout le monde par la main. On peut le regretter, mais c’est ainsi. » Bref, selon lui, AGDA a fait ce qu’il fallait de son côté. La suite ? « Le dossier est dans les mains d’un juge. Le promoteur et l’assureur ont été assignés en justice. Pour l’instant, nous n’avons pas de date d’audience, ni de délai de réparation. » Les locataires n’ont plus qu’à attendre.