Accueil > Été 2025 / N°77

Test comparatif

Les routes abandonnées

Tous ces cailloux qui tombent et ces versants qui s’effondrent, ça fait bien du souci et du travail. Comme on l’explique dans l’article dans le reportage dans le Vénéon (du même numéro), le Département de l’Isère a lancé une « étude de vulnérabilité des territoires » pour réfléchir notamment à la possibilité de fermer certaines routes. En attendant les conclusions de l’étude, intéressons-nous aux routes déjà fermées avec ce test comparatif réalisé en toute scientificité.

La route
 des ruines 
de Séchilienne

Pour cette portion de l’ancienne route nationale entre Vizille et Bourg-d’Oisans, il n’y a pas de doutes : c’était une bonne idée de la fermer ! Au début on croirait presque que c’est mignon. Il y a bien un gros panneau d’interdiction totale, mais ce petit pont qui traverse la Romanche est tellement joli alors on ne résiste pas à l’envie de le traverser. De l’autre côté, on voit encore le bitume, même s’il y a pas mal de blocs rocheux tombés ici ou là. Qu’elle est jolie cette route abandonnée… Mais au bout de trois cent mètres, patatras ! Ce ne sont pas des blocs qui sont tombés, mais tout le terrain qui a glissé dessus. On peut tenter de suivre la route mais il y a plusieurs mètres de pierres et de terre au-dessus de l’ancien bitume. Pendant cinq cents mètres, tout ce qui rappelle que, jusqu’en 1985, des dizaines de milliers de bagnoles passaient ici chaque jour, c’est une grande rambarde encore visible. Si le temps a donné raison à ceux qui ont décidé de déplacer cette route, ce n’est par contre toujours pas le cas pour le hameau de l’île Falcon, situé plus au sud et évacué dans les années 2000 (les derniers habitants étant expulsés de force) à cause du risque d’éboulement total des Ruines de Séchilienne. Depuis, la montagne n’est toujours pas tombée et s’il ne reste plus rien des 90 maisons d’alors (à part un four à pain), on se dit qu’il devait faire bon vivre dans ce qui est maintenant une réserve naturelle...


Potentiel d’organisation d’une course en sac
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Chances de croiser un extraterrestre
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Gravel-friendly
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Le versant
 nord du col de
 la Charmette

S’il y avait un concours de beauté des routes abandonnées, celle-ci gagnerait haut la main. Ouverte en 1875, cette route partant de Saint-Laurent-du-Pont a été fermée à la circulation après le monastère de Currière dans les années 1990. Le vallon chartrousin qu’elle permet de remonter n’est pas beau : il est magnifique. L’arpenter à vélo sans aucune bagnole ne fait que rajouter du charme, d’autant plus qu’on peut tout faire sans poser pied à terre, malgré quelques passages bien abîmés et autres tunnels pas éclairés. Mais la perfection n’existant pas ici-bas, il faut bien qu’il y ait un élément qui vienne gâcher la fête. En l’occurrence c’est la réglementation : les six derniers kilomètres sont « fermés à toute circulation, vélos compris ». Si ça n’a pas l’air du tout fréquent, quelques témoignages sur les internet évoquent des prunes de 135 euros ou de simples «  mises en demeure  » reçues de la part d’agents ONF. Les causes de cette interdiction restent par contre assez mystérieuses, d’autant plus que les piétons ont par contre le droit d’emprunter cette route… Sont évoqués les risques de chutes de pierres mais par rapport à l’Oisans, l’endroit a l’air plutôt « petit joueur ». Décidément, la loi française a ses raisons que la raison ne comprend pas.


Potentiel d’organisation d’une course en sac
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L’ancienne route du Plan-du-Lac

Avant, la route de la vallée du Vénéon, dont on parle dans les quatre précédentes pages, avait une trajectoire différente au niveau du Plan‑du-Lac. Au lieu de suivre la rivière puis de faire des épingles comme aujourd’hui, elle grimpait la pente par une longue montée rectiligne à la déclivité régulière. Sur les vieilles photos comme celle ci‑dessous, ça paraît évident, vu que dans la plaine la rivière et ses méandres prennent toute la place. Le problème c’est que dans ces pentes aussi, les cailloux ont une fâcheuse tendance à suivre la loi de la gravité et pilonnent régulière­ment la route. Pour remédier à ce risque, les autorités ont décidé d’agir, sans néanmoins avoir la meilleure idée du siècle. Dans la plaine, la rivière a été poussée et canalisée d’un côté. De l’autre on a fait passer la route. Il y a moins de risques de chutes de pierres mais le problème c’est que maintenant quand le torrent déborde il vient manger la route. En juin dernier il a été glouton et l’a avalée toute entière. Il veut reprendre sa place, ce beau diable ! Alors depuis bientôt un an les pelleteuses tournent dans tous les sens, avec – on imagine – un plan bien précis pour que les mêmes poten­tielles causes ne produisent pas les mêmes effets dans le futur. La prochaine grosse crue permettra de savoir si les cerveaux (ou les logiciels) qui ont conçu ce plan fonctionnent correctement. En attendant, la balade sur l’ancienne route est impossible à vélo et pas complètement agréable à pied, vu le nombre de blocs à enjamber. Si d’autres cerveaux (ou d’autres logiciels) décident de la ré-ouvrir, les pelleteuses n’ont aucun souci à se faire : elles auront toujours du boulot.


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Le tunnel
 du Mortier

Alors que les promoteurs des Jeux olympiques de 2030 dans les Alpes vendent la bonne blague orwellienne des « Jeux olympiques les plus écolos de l’histoire », il est toujours perti­nent de se rappeler toutes les ruines du coin héritées des JO de 1968. Parmi ces déverse­ments de béton et de bitume abandonnés, il y a la route menant au tunnel du Mortier depuis le petit village de Montaud. Construite durant l’été 1967, elle avait pour ambition de desservir – sans passer par Grenoble – le Vercors et notamment la station d’Autrans, accueillant le ski nordique et le saut à ski. Les ingénieurs qui ont eu la bonne idée de tracer une route dans les pentes sous les barres rocheuses instables de la Grande Brèche ne méritent a priori aucune médaille d’or. Ouverte en 1968, trois ans plus tard patatras ! Un énorme éboulis oblige à la fermeture de la route pendant plus d’un an et demi. Après vingt ans d’ac­calmie, un éboulement en avril 1992 coupe désormais définitivement cette voie de circulation aux véhicules motorisés. Les années suivantes, il était néanmoins possible de prendre la route à vélo, en le poussant sur un chemin permettant de contourner l’éboulement. En 2017, l’éboulement est en partie déblayé, permettant de rester tout du long sur sa bécane. Mais quatre ans plus tard, badaboum ! Encore un éboulement et cette fois, pour le franchir, faut porter le deux-roues en franchissant de gros troncs à terre et une multitude de blocs. L’avantage, c’est que sur les douze autres bornes de cette belle route aujourd’hui toute défoncée, on peut pédaler tranquille. Pas sûr néanmoins que ce petit plaisir méritait tout ce gâchis d’asphalte.


Potentiel d’organisation d’une course en sac
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Chances de croiser un extraterrestre
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