Le CEA-Grenoble montre la voie dans l’impasse de la croissance verte
Grenoble cultive, entre autres mythes, celui d’être la ville-reine de l’écologie. Et ce depuis Alain Carignon, ancien maire de la ville et premier "ministre de l’environnement" français.
Depuis, l’image d’Epinal s’est renforcée. Grenoble ? C’est la ville des Verts à 30%, la ville de la FRAPNA. La ville où les responsables politiques ou industriels ne manquent jamais une occasion pour assurer de l’authenticité écologiste de leurs actes. A longueur de communiqués de presse et de plaquettes de communication, on assure ainsi que Grenoble est durable, vert, écologique, soutenable, écocertifiée, respectueuse de la planète ,avec bâtiments à énergie positive, normes HQE, ISO 14 0001, bio... Curieusement, on voit rarement dans ces documents la réalité de la cuvette : les pics de pollution, l’important trafic automobile, la forte quantité d’industries polluantes (chimie, électronique...), les sites Seveso et nucléaires, l’incessante croissance urbaine, le ravage et le mitage des campagnes...
Depuis 2005, une pierre de plus s’est rajoutée à ce mur d’hypocrisie : celui de Tennerdis. Pôle de compétitivité autour des énergies renouvelables sévissant dans tout Rhône-Alpes, cette structure est articulée autour du CEA (Commissariat à l’Energie Atomique) de Grenoble. Tennerdis a connu son heure de gloire le 9 Juin dernier, avec la visite de Nicolas Sarkozy à l’Institut National de l’Energie Solaire (INES), sur le site de Technolac en Savoie, qui survint - heureux hasard - deux jours après les européennes et le relatif "succès" des écologistes.
Accueilli par Jean Therme, président du CEA-Grenoble, Sarkozy est venu annoncer l’engagement résolu de l’Etat Français dans le soutien à la recherche verte. C’est que les énergies renouvelables sont le moteur de la tant désirée "croissance verte". C’est-à-dire la clef de voûte de la mutation du capitalisme face au réchauffement climatique et à la crise économique. Voici pourquoi Sarkozy "a promis en faveur des énergies renouvelables des décisions « aussi importantes que celles qui ont été prises dans les années 1960 par le général De Gaulle pour le nucléaire ». Les moyens alloués à l’énergie renouvelable seront égaux « à l’euro près » à ceux investis dans le nucléaire de 3e génération, ou EPR." (Le Progrès, 10 Juin) Bien entendu, tout cela n’est pas fait pour les beaux yeux de la planète mais bien parce qu’il y a business sous idéal : "Pour la Savoie, tout cela est peut-être synonyme de nouvel eldorado industriel, « après l’hydro-électricité et le tourisme d’hiver, » dit Hervé Gaymard. Rien que le marché de fabrication des panneaux solaires, dans le monde, pèse entre 40 et 50 milliards d’euros annuels... " (Le Daubé, 10 Juin 2009).
A travers son investissement dans la recherche verte, le CEA - qui veut changer de nom pour s’appeler Commissariat aux Nouvelles Energies - cherche également à se rendre indispensable en "innovant" afin de faire croire que l’écologie ne pourrait pas exister sans les nouvelles technologies. On assure ainsi aujourd’hui que les panneaux solaires ont besoin des nanotechnologies pour être performants et que les nouvelles technologies seraient donc "vertes". C’est oublier que les nanos sont très énergivores : Minatec, premier centre européen pour les nanos, engloutissait à lui seul en 2007, 15% de l’électricité de Grenoble. C’est oublier également que les nanos servent - entre autres - à fabriquer de la camelote électronique et à rendre cette camelote plus "attractive" . Or "selon l’Agence internationale de l’Energie, la demande d’électricité va exploser. Et par conséquence les émissions de CO2. Pour satisfaire la demande des gadgets électroniques, il faudrait construire dans les vingt prochaines années l’équivalent de 200 réacteurs nucléaires supplémentaires." (AFP, 14 mai 2009)
Ainsi si le CEA-Grenoble et les élus du coin sont tant intéressés par les "énergies renouvelables", outre les questions de profit et de prestige, c’est avant tout pour compenser un peu les dégâts créés par leurs autres activités. Pour eux, l’écologie n’est bonne à prendre que si elle crée de nouveaux marchés. Il est beaucoup plus "rentable" de fabriquer des panneaux solaires pour alimenter les téléphones portables que d’arrêter de produire des téléphones portables. C’est la philosophie de la "croissance verte" : polluer un peu moins pour produire beaucoup plus. Le résultat : toujours autant de nuisances industrielles, une dépendance accrue à la technologie, et l’enrobage du tout dans la novlangue "Développement Durable - Nicolas Hulot©".