Accueil > Fevrier-Mars 2020 / N°54
Publi-reportage
« La blague, c’est les autres »
Enfin un peu d’air dans une campagne électorale municipale. Il y a les candidats attendus, les ralliements opportunistes, les communiqués indignés, les promesses creuses, les postures et les impostures. Tout ce qui fait que les semaines précédant les élections sont toujours étouffantes pour qui s’efforce de suivre l’actualité locale.
Et puis une nouvelle venue dans le « spectacle électoral » : pour les prochaines municipales à Grenoble, « POPO », alias Lisa Poget, mène une liste pour le parti POPOlitique. Une démarche résumée par le meilleur slogan qu’on ait vu dans une campagne municipale depuis 1965 : « La blague, c’est les autres. »
Vous avez eu droit à des articles dans Le Daubé ou Place Gre’net, qui ont mentionné Coluche, le mouvement Dada, Andy Kaufman ou Jello Biafra comme possibles sources d’inspiration pour votre campagne. Alors, d’où vous est venue cette idée saugrenue de vous présenter aux élections ?
C’est tout aussi glorieux : un type appelé Usé a été candidat pour le Parti Sans Cible aux élections municipales d’Amiens en 2014. Au bout d’une campagne faite de trois bouts de ficelle et de clips décalés, il a obtenu 2,17 % des voix. Donc il nous a inspirés, même si ses propositions étaient vraiment trop de l’ordre de la rigolade : parmi les points de son programme, il y avait notamment « Remplacer les flics par des poteaux », « Interdire le port du voile pour les bateaux », « Interdire les 3/8 pour passer au 8/6 », « Interdire le Robusta dans les bars », ou « Envoyer quelqu’un dès qu’un problème survient ».
Nous, on ne voulait pas que nos propositions soient uniquement perçues comme drôles : elles sont toutes possibles, même si elles impliquent de remettre en question plein d’imaginaires établis. S’il faut citer des inspirations plus célèbres, ce serait plutôt L’An 01 de Gébé, le film Allemagne année zéro de Rosselini, les vidéos de Bruno Candida, le premier album d’Anne Sylvestre ou le morceau « Des têtes vont tomber » de La Rumeur, Sheryo et Casey. On a comme principe que tout est questionnable, qu’on pourrait très simplement arrêter plein de choses et prendre d’autres directions.
Vous vous présentez comme des « libertaires ambigus », voulant « gagner » tout en « refusant la notion de pouvoir » et en « vous confrontant à votre propre échec ». On ne comprend plus rien, souhaitez-vous le pouvoir ou pas ?
La démarche est quelque peu paradoxale : on ne pense pas être élus, mais on profite de l’élection pour faire sortir des idées. Toute la vie politique est centrée sur ces foutues élections alors pourquoi pas y aller. Même si on rentre dans la vie politique avec toute notre ambiguïté et notre incapacité à faire des compromis. D’ailleurs, on n’est pas tous d’accord, pour vous dire à quel point on est ambigus. Certains aimeraient être élus pour mettre en scène l’incapacité de gouverner honnêtement et sincèrement, d’autres c’est l’inverse.
Tous les candidats mettent en scène leurs ralliements. On a l’impression que vous êtes tous seuls pour l’instant. Personne ne vous aime ?
Franchement on est étonné par le nombre de retours positifs suite aux premières affiches collées et tracts distribués. Une personne nous a écrit pour nous dire qu’on était son « rayon de soleil ». Après, vu qu’on a du mal à convaincre les gens de se lancer dans la fosse des élections, on galère un peu à clore la liste, il reste encore quelques personnes à convaincre pour avoir les 59 noms avant le 28 février (à bon entendeur). Mais que cela ne soit pas trop facile nous rassure quand même beaucoup : si notre aventure électorale avait suscité un enthousiasme débordant, ça nous aurait un peu questionné sur sa pertinence.
Piolle a publié sa déclaration de patrimoine, presque tous les candidats signent les chartes « Anticor » pour s’engager à lutter contre la corruption. Et vous, Lisa Poget, on ne sait toujours rien sur vous. C’est parce que vous avez des choses à cacher ?
J’avoue, en ce moment je suis assez riche, j’ai 2 227 euros sur mon compte. Par contre au niveau patrimoine, c’est pas lourd, d’ailleurs j’ai toujours pas de stylo pour signer la moindre charte. Mais ne vous inquiétez pas, il n’y aura ni conflits d’intérêts ni cumul de mandats si je suis élue maire, car mon CDD de serveuse au Crous n’a pas été renouvelé.
Vous dites que votre candidature « n’est pas une blague » et c’est vrai qu’au Postillon on trouve que vos propositions sont pétries de bon sens (réinstallation de 22 cabines téléphoniques à pièces, sortir Grenoble de la Métropole, ville internet bas-débit...). Mais en même temps, vos vidéos sont saturées d’autotune et vous proposez « d’organiser des open mics ragga ». Comment vous prendre au sérieux ?
En fait, nous on essaye d’être drôles, alors que les autres candidats sont juste des blagues. On sait tous que les blagues les plus courtes sont les meilleures : celle de Carignon, par exemple, s’éternise. C’est une question de sens de l’humour et aussi de pertinence. Mettre des nez rouges sur les politiques professionnels, c’est peut-être tout bête, mais c’est ce qui explique le mieux le spectacle électoral actuel. En ce qui concerne l’autotune, pour nous c’est juste une évidence : peut-on vraiment en 2020 prétendre faire de la politique sans autotune ? L’important c’est d’y croire sans s’en apercevoir.
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Parmi les propositions du parti POPOlitique
• Remplacer les pubs des arrêts de bus par des ardoises et des craies
• Faire de Grenoble une ville bas-débit
• Mettre un péage autour de la presqu’île scientifique
• Interdiction des contrôles de titres de transport et de séjour (ceux qui voudront payer le tram le pourront)
• Plus aucune subvention culturelle
• Annulation du Grenoble Street art Festival
• Protections périodiques gratuites
• Reconvertir la police municipale aux espaces verts
Les propositions prennent beaucoup plus de relief avec le texte qui les accompagne. Le programme complet du parti POPOlitique est disponible sur le site popo2020.home.blog.
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