La « bienveillance » comme homélie verte et rouge
« Les bonnes personnes au bon endroit au bon moment ». Non, ce n’est pas un nouveau morceau de Calogéro (auteur d’Un jour au mauvais endroit), mais les qualificatifs qu’utilisent – sans ironie – les élus de la Ville de Grenoble pour parler d’eux-mêmes. L’année dernière (Le Postillon n°32), nous avions raconté comment les élus de Grenoble s’étaient fait sermonner : « suite à de nouvelles fuites dans la presse », il leur avait été rappelé que Le Postillon ne devait « pas être traité différemment des autres titres de presse », et qu’ils étaient donc tenus de ne pas nous donner d’informations « confidentielles ». Une consigne qui a visiblement du mal à être suivie. Juste avant le bouclage, un courrier a été posé dans notre boîte aux lettres. Il contenait un mail que Laurence Comparat et Claus Habfast, les présidents du groupe des élus, ont envoyé le 8 Juin sur la « liste des élus », qui comme son nom ne l’indique pas comprend aussi les membres du cabinet du maire ou les attachés de groupe. Son titre donne le ton : « Soyons bienveillants envers nous-mêmes, nous le méritons ! ». Nous vous en livrons quelques passages savoureux : « Notre majorité et notre Rassemblement vont rentrer dans ce qui promet d’être la plus forte zone de turbulences depuis le début de notre mandat : avec la refonte des tarifs du stationnement, la Métropole apaisée et ses autoroutes à vélo, et surtout le plan de sauvegarde et de refondation des services publics, nous mettons en œuvre dans les semaines qui viennent des projets légitimes et nécessaires, mais dont nous savons qu’ils vont nous exposer à la critique de manière particulièrement virulente. Face à cela, il nous faut non seulement porter nos projets, défendre nos valeurs et nos choix ; mais aussi penser à nous, à nous en tant qu’individus et à nous en tant qu’équipe (…). Face aux attaques qui nous attendent ou qui ont déjà commencé, il est important pour nous de nous rappeler ce qui nous anime, et surtout d’être bienveillants envers nous-mêmes : plus que jamais nous avons besoin de veiller les uns sur les autres, aux délicats équilibres qui font la richesse de notre Rassemblement, à nos personnes et à notre collectif. Nous voulons redire ici à quel point nous sommes fiers de notre aventure, de nous, de ce que nous avons déjà fait, de ce qui nous reste à faire. Le dire ce n’est pas gommer les difficultés, c’est simplement se rappeler, nous rappeler ensemble que nous sommes de belles personnes, animées par le sens du bien commun et de l’intérêt général, en responsabilité dans une période particulièrement complexe, et surtout que nous sommes les bonnes personnes au bon endroit au bon moment ! C’est notre légitimité, c’est notre force, ne l’oublions pas ! ».
Amen. Comme le Christ, Habfast et Comparat sont persuadés d’être les « bonnes personnes, au bon endroit, au bon moment » : cette affirmation péremptoire et ridicule leur permet d’éviter tout débat politique et de présenter la politique menée comme la seule possible. Les Grenoblois doivent-ils comprendre que – bien loin de la « co-construction » – la messe est déjà dite ?