Accueil > Décembre 2016 / N°38

Hydrogène : désamorcer la pompe à conneries

À Grenoble on n’a pas de pétrole, on n’a plus qu’une pile nucléaire, mais on a de l’hydrogène. Enfin, on aura ; enfin, peut-être, mais l’important dans la grande course à l’énergie, ce ne sont pas les résultats : c’est de participer en faisant beaucoup de bruit.

Lepostillon@gresille.org à contact@genevievefioraso.com : « […] Lors de l’inauguration d’une station de recharge hydrogène d’Air Liquide sur la presqu’île scientifique, vous aviez lancé : ‘‘ je ne veux rien entendre de négatif sur l’hydrogène !’’ (Le Daubé, 26/01/2016). Aguichés par ce sujet consensuel, nous lancions dans notre numéro 34 un appel à nos lecteurs : ‘‘Si vous voulez nous aider à faire plaisir à Fioraso, contactez-nous.’’ Il se trouve qu’en effet, des gens nous ont contactés pour parler de l’hydrogène, et malheureusement pas seulement pour en dire du bien. Nous
regretterions de vous faire de la peine avec un article à charge, négatif, sans espoir. Et nos récents ennuis juridiques nous poussent à la prudence : puisqu’il ne faut rien dire de mal, que faut-il dire de
bien sur l’hydrogène ? qu’il sauvera le CEA ? Grenoble et la cuvette ? la planète ? L’univers ? [...] nous sommes friands de savoir quels ressorts politiques vous amènent à soutenir le développement de ce combustible au rendement proche du navet, du ressort de montre mécanique ou du moteur à eau. Et presque aussi bien que les bonnes vieilles batteries au plomb. […] »

contact@genevievefioraso.com : « Bien reçu [...]. Par contre pour l’interview, ca ne sera pas possible pour Geneviève Fioraso. Désolée »

lepostillon@gresille.org : « […] mais si on pouvait avoir un refus argumenté, au moins, pour le sport. »

Et puis, plus rien. Il aurait fallu que Geneviève nous guide, nous oriente, mais depuis cette prise de contact, elle nous a laissés en plan.
Pour démarrer ce travail scientifique, nous avons étudié la composition de l’hydrogène ; ce gaz est présenté partout comme le carburant du futur. On peut difficilement en dire du mal, à moins d’être contre l’eau, et encore : même dans la bière on trouve de l’hydrogène, même dans le pipi. Même dans le pétrole ! L’H2, ou dihydrogène, communément appelé hydrogène, c’est le « H2 » de H2O : il y en a partout, le gisement est sans limite. Employé dans une pile à combustible, ce gaz redevient de l’eau en se mélangeant à l’oxygène de l’air, et libère sous forme d’électricité une partie de l’énergie qui a permis de le produire : un vrai conte de fées.

Grenoble, « l’Apple de l’hydrogène »

C’est pour ça qu’on peut lire dans la presse des expressions comme : « l’hydrogène, une énergie illimitée » ou « une énergie miracle ? » (Libération, 10/03/2013). Dans la presse locale, c’est carrément la fête, car le CEA investit beaucoup dans la recherche sur l’hydrogène. « Grenoble sera bientôt l’Apple de l’hydrogène », titre ainsi Le Daubé (24/09/2016) citant Helmut Morsi, employé de la Commission européenne. Ainsi, les journées de la mobilité durable du CEA-Minatec ne faisaient pas la promotion de la bicyclette et de la marche à pied, mais bien de la foule d’engins à moteur électrique qui envahit nos vies : voitures, trottinettes et autres gadgets. Tous existeront bientôt en version PAC (Pile à combustible), une voie prometteuse pour prolonger l’autonomie médiocre des batteries. Quelques entreprises du coin misent tout sur le développement de la filière : Atawey, une boîte du Bourget du Lac créée en 2012, promet « un hydrogène vert pour une mobilité décarbonée », tandis que McPhy professe : « l’hydrogène, une nouvelle énergie pour la planète ». Cette entreprise drômoise, créée en 2008, est spécialisée dans le stockage solide de l’hydrogène, les électrolyseurs et les stations qui alimentent les voitures à PAC. Dans sa brochure titrée « Bienvenue dans la mobilité zéro émission », on peut lire que « dans le débat ‘‘moteur thermique contre moteur électrique’’, l’énergie hydrogène apparaît comme une alternative permettant de conjuguer le meilleur des deux mondes ». Plus loin, on apprend qu’« alimentés par une énergie ‘‘propre’’, les véhicules H2 ont la particularité de ne rejeter dans l’atmosphère ni CO2 , ni particules nocives pour la santé : uniquement de l’eau. » Encore mieux : « énergie propre, respectueuse de l’environnement, l’hydrogène est au cœur de la transition énergétique. »

Au téléphone, son directeur Pascal Mauberger ne parle pourtant plus de l’hydrogène comme d’une énergie. C’est, précise-t-il, un « vecteur énergétique ». C’est pas ce qu’on avait compris en lisant les prospectus, mais passons : l’expression « hydrogène énergie » est aussi employée par Tenerrdis, un cluster grenoblois, ou Air liquide, qui fournit en hydrogène la station service de GEG (Gaz et électricité de Grenoble), rue Félix Esclangon à Grenoble. Cet hydrogène provient du reformage de gaz naturel et il est tout sauf « décarboné », mais promis, en 2017, on ouvre le robinet d’énergie verte : le temps d’entrer dans la « phase 2 », l’électrolyse de l’eau. On y est presque alors Mauberger fait comme si on y était déjà : « Jusqu’à récemment, on cassait la molécule de méthane pour faire de l’hydrogène. Vous n’avez ni CO2 ni pollution au point d’utilisation : ça ne rejette que de l’eau. Par contre vous avez quand même produit du CO2 en amont : 10 kg par kilo d’hydrogène produit. » Ça calme hein ? C’est pour ça que les prospectus parlent d’hydrogène renouvelable « à terme » : pour l’instant c’est un dérivé d’hydrocarbures comme un autre. Mauberger a beau jeu : son business à lui, c’est justement l’électrolyse. « Là, il faut aller un pas de plus, il faut le sortir de l’eau où vous avez deux molécules d’hydrogène, une molécule d’oxygène : vous n’avez aucune pollution, aucun gaz à effet de serre vous êtes là sur un vecteur complètement décarboné. »

Un vecteur, et non une énergie. Or pour « sortir de l’eau » l’hydrogène, il en faut beaucoup, de l’énergie. Un lecteur grincheux nous a contactés, du genre bien renseigné. Il n’avait pas compris la consigne de Geneviève. Il nous a dit : « il n’y a pas d’hydrogène sur terre. Il y a de l’eau, et ça fait une énorme différence. » Ben c’est justement l’intérêt : un cycle de l’eau à l’eau en passant par l’hydrogène, on l’a lu dans les prospectus. « Mais il y a une énorme tromperie : combien de politiciens on a entendu dire que l’hydrogène était l’énergie de demain ? C’est une connerie hallucinante. L’hydrogène n’est pas une source d’énergie et ne remplacera jamais ni le pétrole, ni le gaz, ni le charbon, ni le nucléaire, qui au contraire servent à le produire avec un rendement minable. S’ils avaient été honnêtes ils diraient que l’hydrogène est le moyen de stockage d’énergie
de demain. Ce qui ne résout en rien le problème de l’énergie. S’ils étaient moins cons ils entretiendraient notre parc hydraulique et généraliseraient les stations de relevage (pompage d’un lac bas vers un lac plus haut avec l’électricité de nuit en surplus) qui elles ont un rendement acceptable. Mais comme disait Goebbels, ‘‘répétez 1 000 fois un mensonge, il devient une vérité.’’ Ainsi une majorité de gens pense que demain, nous n’aurons plus besoin de pétrole, ni de nucléaire, puisque l’énergie sera l’hydrogène… »
Citer Goebbels, fallait oser. Déjà qu’au départ, on ne voulait rien entendre de négatif.


« L’hydrogène ne remplacera jamais le pétrole et le nucléaire »

Nous, on voulait du rêve.
C’était le moment d’aller rue Félix Esclangon, voir la fameuse pompe à hydrogène inaugurée par Fioraso. Las : y’avait ni pompiste, ni voiture. Juste un employé de GEG qui venait recharger son véhicule à la pompe voisine, celle qui délivre du gaz naturel.
Sur l’hydrogène il ne peut pas me renseigner, mais son beau-frère vient d’acheter une BMW électrique et il a eu des problèmes : l’autonomie annoncée est fausse, et deux bornes sur trois sont en panne entre Paris et Grenoble. Résultat, « il a passé la nuit au péage et raté le week-end à Disneyland. » Au lieu d’attendre qu’une hypothétique voiture à hydrogène vienne faire le plein à côté, je contacte le service clients de GEG qui me renvoie chez Tenerrdis, le gestionnaire de la pompe. Eux me racontent que « la quantité d’hydrogène est inférieure à 100 kg, soit la capacité de pouvoir recharger jusqu’à environ 40 Kangoo à hydrogène par jour » et que « l’hydrogène distribué par Air Liquide à la station de Grenoble provient des unités de production Air Liquide situées en France. »

Épatant hein : 100 kg d’hydrogène pour faire rouler 40 Kangoo. Au kilo, l’hydrogène libère trois fois plus d’énergie que le gasoil. Soit l’équivalent de 9 l de gasoil pour faire le plein du Kangoo, et mon cul c’est du poulet. La voilà servie Geneviève, ça c’est positif : on va pouvoir continuer à rouler en bagnole pour l’éternité. Les pots d’échappements recracheront que de l’eau, comme nos centrales nucléaires. La production sera locale, à chaque pompe ses panneaux solaires ou ses éoliennes. Plus besoin de pétrole. Et c’est pour demain. Ça fait 15 ans que c’est pour demain mais cette fois, Pascal Mauberger le dit, les obstacles techniques sont franchis. « Ce qu’il faut maintenant c’est passer à l’échelle industrielle. Il faut un engagement des pouvoirs politiques. Trop peu de véhicules circulent à l’hydrogène pour assurer la rentabilité d’une station. »
Oui, cela peut sembler incongru pour un entrepreneur de solliciter les pouvoirs publics, mais dès que ce sera rentable, promis, les industriels se débrouilleront. Pour l’instant, ils s’appuient sur les recherches du CNRS et du CEA, qui se chargent aussi de promouvoir leurs produits, et sur des ministres et députés pour leur faire de la retape en évoquant Jules Verne. Dès qu’on parle d’hydrogène, il faut en effet citer ce passage de l’Île mystérieuse :
« — Et qu’est-ce qu’on brûlera à la place du charbon ?
— L’eau, répondit Cyrus Smith. » Lequel détaille comment l’eau, « décomposée par électricité » en hydrogène et en oxygène, « sera le charbon de l’avenir ».

Dès que je relis Jules Verne, c’est plus fort que moi, faut que je parte en voyage. J’atterris chez Stéphane qui est chercheur au CEA sur la production d’hydrogène. Il m’achète avec des lasagnes maison. « Le Postillon dit que les technos sont néfastes parce qu’elles éloignent les humains les uns des autres. Je suis clair sur l’idée que l’hydrogène ne va pas sauver l’humanité, pas plus que les autres technologies. On ne va pas se mettre à courir tout nus en riant, et faire la paix entre les peuples. » Et les slogans qui vantent la « mobilité zéro émission » ? « Dire aujourd’hui que les voitures à hydrogène font zéro émission, c’est pas vrai. Mais tu connais une industrie qui dit la vérité ? la seule mobilité zéro émission, c’est le vélo. En Chine, clairement, ils auraient mieux fait de rester au vélo : des gens meurent de maladies respiratoires, entre autres à cause des voitures. Mais en pratique ? Des gens utilisent la voiture, beaucoup de gens. Au moment où on devra vraiment réduire la consommation de pétrole, ce sera mieux de maîtriser d’autres technologies. » Ouais, ouais : mais l’énergie pour produire l’hydrogène ? « Il y a 10 ans je t’aurais dit on va gaspiller toute l’énergie et on va crever. Aujourd’hui, je serais moins formel. Le prix des panneaux solaires photovoltaïques a été divisé par 10. La Chine a mis le paquet sur leur développement, au point que sur certains appels d’offres pour une centrale électrique, le solaire est plus compétitif que le nucléaire : sachant que les coûts ne font que baisser, alors que le nucléaire ne va faire qu’augmenter. Mais ça pose la question du stockage : c’est là que l’hydrogène devient intéressant. » Il m’annonce la fin du nucléaire comme ça, au détour d’une phrase. « Il y a 10 ans quand j’ai commencé dans l’hydrogène c’était n’importe quoi. C’était l’époque de L’économie hydrogène, un bouquin de Rifkin. On allait résoudre tous les problèmes de l’humanité. On nous demandait de faire rouler des voitures trois ans plus tard. Aujourd’hui c’est plus réaliste. On vend pas que du rêve. On a des solutions qui fonctionnent. »

En sortant de là, je titube. Je me demande si je ne fais pas fausse route avec ce ton ironique, si je ne devrais pas appeler Fioraso pour lui dire que tout est pardonné et qu’elle avait raison. Mais j’ai pas son numéro, alors j’appelle le rédac-chef : « je me demande si on fait pas fausse route. - c’est à dire ? - bah en fait c’est bien l’hydrogène ! - ah bah okay, si c’est bien tu peux le dire dans l’article. »

ça fait du bien de suivre le courant. Entrevoir un avenir sinon radieux, au moins possible, raisonnable. Le spectre des guerres du pétrole s’éloigne. Des panneaux solaires nous fourniront en gaz : l’hydrogène sera made in france, commune par commune. On passera des vacances sur la côte comme pépé et mémé, on aura les mêmes embouteillages sans les microparticules. Le déclin n’est décidément pas pour demain, non : ce qui nous attend, c’est l’autogestion énergétique, en partenariat avec le CEA, Renault et Air Liquide.

Là, je me colle deux claques. C’est vrai que je suis un peu fiévreux et influençable, mais je me ressaisis et j’appelle une autre pote : elle a travaillé quatre ans sur l’hydrogène, dont une année au CEA. Après ce que je viens d’apprendre, quitter un secteur aussi prometteur s’apparente à de la désertion, et la désertion c’est mal. Je veux savoir pourquoi elle n’y croit plus.
« Est-ce que je n’y crois plus ? Ou est-ce que j’ai développé un regard critique sur toute innovation technologique ? Je suis persuadée que la technologie hydrogène va se développer : derrière il y a un énorme intérêt industriel. Ça, je le crois. Le rendement entre l’électricité utilisée et récupérée est faible, mais si la ressource est illimitée, en théorie c’est pas grave. Le problème c’est que c’est une technologie complexe, qui a recours à des métaux rares, dont la compréhension échappera à ses utilisateurs. Je trouve plus pertinent de comprendre ce qu’est l’énergie, d’expliquer comment maîtriser sa production et sa consommation. »

Alors là, on nage en plein rêve hippie. Pour finir sur une note plus tonique, j’ai rappelé le lecteur énervé. Il ne s’était pas calmé. « Des unités pour parler d’énergie, il y en a tant que tu veux : des litres d’essence, des m³ de gaz, des kilogrammes de charbon, des stères, des thermies, des megajoules ; des kwh. Il y a une volonté réelle que le public ne puisse pas s’y retrouver. Pour parler d’énergie, il faut une unité unique, et le kilowattheure a le mérite d’être connu. » Disons que tout le monde a lu ce mot un jour sur une facture... Il poursuit : « Au salon de la mobilité durable, une entreprise parlait de ‘‘l’hydrogène, le cycle vertueux de l’eau vers l’eau’’. C’est scandaleux ! pour produire 1 kWh d’hydrogène et le comprimer dans un réservoir, il a fallu plus de 2 kWh d’électricité – autre énergie secondaire comme l’hydrogène. électricité qu’il faudrait produire à partir de solaire, d’éolien… mais que nous produirons avec un rendement pitoyable à partir d’uranium, plutonium, charbon, ou d’hydrocarbures. De ce kWh d’hydrogène, tu vas récupérer 500 Wh d’énergie mécanique pour une voiture. C’est ça, le cycle vertueux ? » Alors quoi, on jette tout ? « Non : ce qui est positif dans l’hydrogène, c’est que c’est un dispositif de stockage de l’énergie. Le jour où on aura une production significative d’énergie éolienne, photovoltaïque, ça permettra de la stocker. Mais à quel prix ? Et puis nécessairement, il y a des fuites, c’est un gaz d’une volatilité hallucinante. Et les fuites s’échappent dans l’univers, c’est de la flotte perdue pour l’éternité : elle ne revient jamais. Aujourd’hui c’est négligeable. Si ça se généralise, est-ce que ça peut être un problème ? C’est peut-être anecdotique, mais qui pose la question ? » Voilà : on voulait causer technique et on part dans de la philosophie. Il conclut, amer : « L’électricité et l’hydrogène sont non-polluants, comme l’était la vapeur d’une locomotive. N’oublions pas que pour produire cette vapeur (autre énergie secondaire non polluante), il fallait brûler du charbon. Mais on s’en fout, hein : ce qu’on cherche tous, c’est quelque chose qui nous permette de continuer à vivre comme on vit. » Super ambiance. Et toujours pas de nouvelles de Fioraso pour nous regonfler le moral.

Geneviève, si tu nous lis – et on sait que tu nous lis – note qu’on n’a rien dit de négatif sur l’hydrogène. On ne peut pas taper sur un gaz, surtout le gaz le moins dense de l’univers. En échange, il serait temps de désamorcer la pompe à conneries. 

Encarts

C’est pas sorcier

Kilowatt, kilowattheure ? De quoi on cause ?
Un kilowatt, c’est 1 000 watts, ce qui indique une puissance. Exemple : « J’ai une perceuse qui fait 1 000 watts ». Waouh ! C’est énorme !
Un kilowattheure (kWh) c’est la quantité d’énergie qui permet de faire tourner un appareil d’une puissance de 1 000 watts, pendant une heure. Voilà.
1 kg d’hydrogène, ça fait combien de litres d’essence ? Combien de litres de gasoil ? Et combien de grammes d’uranium ? Et voilà : les grammes ne sont pas l’unité adaptée pour parler d’énergie. Il y a plus d’énergie dans un litre de gasoil que dans un litre d’essence. Et l’hydrogène est si peu dense que personne ne s’amusera à vous en parler en litre, ce serait ridicule, sachant qu’il faut une dizaine de m3 pour contenir un kilo d’hydrogène. Si on vous parle en gramme ou en litre, ou en nombre de Kangoo par jour, c’est pour vous enfumer : retenez bien cela les enfants. Pour quantifier l’énergie, privilégiez le kWh. Et si ce kWh concerne une énergie secondaire comme l’électricité ou l’hydrogène, la bonne question est : combien de kWh d’énergie primaire (charbon, gaz, pétrole, nucléaire) il a fallu pour avoir ce kwh électrique ou hydrogène…
Alors ces Kangoo, elles marchent à quoi ? avec quoi avez-vous fait cet hydrogène ? et avec combien de kWh de cette énergie masquée, ce Kangoo « à hydrogène » fait 100 Km ?


L’énergie de demain et L’usine de pépé

David travaillait dans l’usine McPhy de la Motte-Fanjas (26), en 2011.
« À la base je suis technicien : je suis entré à ce poste en production pour faire des pastilles d’hydrogène, en espérant monter ensuite les échelons ». Ces « pastilles » ont la taille et l’épaisseur d’une crépière en fonte. Elles sont constituées de poudre de magnésium et d’autres hydrures, qui ont la propriété de fixer l’hydrogène et d’être inflammables à l’air. « La presse sur laquelle je travaillais était encore en train d’être testée : il y avait des failles tout le temps. Un piston venait comprimer la poudre sous vide. Il fallait régulièrement ouvrir le capot pour nettoyer. Mais quand tu frottes, le plastique de la balayette devient électrostatique : c’est source de risque d’explosion. On en parlait en réunion mais rien ne changeait. Il y a des choses qui prenaient feu, explosaient, même pendant des démonstrations de sécurité. Avec l’équipe on le disait, on sentait venir des choses plus graves. On était poussés comme dans toutes les usines à produire plus. Tous les jours, les petits incidents nous paraissaient de plus en plus normaux. » Les ouvriers manipulent des petites bombes en puissance, s’en inquiètent, et les patrons ne réagissent pas : les nouvelles technologies ressemblent furieusement aux usines de papa. « J’ai travaillé un an. Quand l’accident m’est arrivé je venais de décider de travailler un mois de plus, parce que j’avais besoin d’argent, puis de démissionner. Ce jour-là j’étais en train de nettoyer autour de la machine. Il y avait trop de poudre dans l’aspirateur : ça a pris feu à cause des étincelles du moteur. Comme j’étais à deux pas de la presse qui était ouverte, le feu s’y est propagé. J’ai eu des brûlures au 2ème degré au niveau du visage, j’ai été envoyé aux grands brûlés à Lyon avec plus d’un mois d’ITT. »
Après une histoire pareille, on se dit que la direction a dû réagir, améliorer la sécu et présenter de plates excuses à son salarié ? Non. « Ils me disaient de retourner au poste, mais les conditions étaient les mêmes, j’ai pas voulu. J’ai fait des petites choses dans un autre bâtiment pendant une semaine, même pas. Puis ils ont décidé de me licencier parce qu’il n’y avait pas de possibilité de reclassement. »
Pour que David conteste son licenciement, il a fallu attendre un an : « Trois personnes ont été blessées au même poste. C’est à cause de ce nouvel accident que j’ai décidé d’aller aux prud’hommes. Je me suis dit que sinon ça allait recommencer. » Maintenant que tout ça est loin, au moins, il roule dans une voiture à hydrogène ? Tiens, non : il rit jaune. « Après McPhy j’avais même peur d’allumer le gaz… là, j’y arrive à nouveau, mais ça a été long. Dans la ferme où je travaille il m’arrive de faire des soudures à l’arc, mais je ne touche plus au chalumeau ».