« En même temps » : plus d’industrie et plus de RN
Un périple estival nous a menés dans la région de Dunkerque, là où Verkor, la start-up grenobloise, est en train de construire sa gigafactory. Elle s’étend sur 80 hectares de bonnes terres agricoles, disparues à jamais, à côté d’une tout aussi imposante usine de frites de l’entreprise belge Clarebout, pas loin du port maritime de mega-containers et des réacteurs nucléaires de Gravelines, auxquels elle sera branchée directement. Une autre gigafactory, ProLogium, est en train d’y voir le jour, ainsi que des usines de recyclage de batteries lithium. Bref, c’est le bout de la « vallée de la batterie », un bassin industriel en pleine croissance, comme on dit. Ses promoteurs aiment bien présenter la réindustrialisation et les emplois qu’elle rapporte comme le meilleur moyen de lutter contre la montée de l’extrême droite. Roland Lescure, ancien ministre délégué à l’industrie et à l’énergie, en est persuadé : « L’industrie est une arme anti-Rassemblement national, car dans ces territoires où la colère est montée, on redonne espoir. » (Le Monde, 01/12/23)
Dans le Dunkerquois en plein dynamisme, ça n’a pas l’air de porter ses fruits : au second tour des élections législatives, le Rassemblement national (RN) atteint 49,85 % dans la zone péri-urbaine où sont construites toutes ces gigafactories.
À Bourbourg, Loom-Plage, Gravelines, Craywick, Saint‑Georges‑sur‑l’Aa, les communes entourant les futures usines de batteries, c’est le RN qui l’emporte.
Un article du Monde (17/06/24) se penche sur cette incongruité et avance que c’est parce que « les emplois promis par la réindustrialisation du pays ne sont pas complètement là » que « l’industrialisation n’est qu’à ses prémices » et que, en gros, il en faut encore plus. Sauf que... à Bourgourg, les emplois sont bien là, d’ailleurs il y en a trop ! À la mission locale on nous explique clairement que le bassin local ne suffira pas pour fournir tous les emplois nécessaires. Même l’usine traditionnelle du bourg, le chocolatier Cémoi (ancienne boîte grenobloise par ailleurs), se voit voler certains de ses employés et a du mal à recruter. « On est en train de perdre notre identité » me répète-on à plusieurs reprises dans un bar où quantité d’habitants ont l’impression d’être « envahis » par ces nouvelles usines. Et c’est encore le RN qui va rafler la mise de ce ressentiment !