Accueil > Décembre 2015 / N°33

Comment piétiner ses promesses

Docteur Éric et Mister Piolle

Le 24 septembre dernier, Piolle a inauguré avenue Albert 1er de Belgique « Central Plaza », un programme de 52 logements vendus pour certains pour la modique somme de 4400 euros/m2 et réalisés par… BNP Paribas Immobilier Résidentiel. Comment Piolle-l’élu en est-il venu à couper le ruban, le sourire aux lèvres, avec ceux pour lesquels Piolle-le-candidat n’avaient pas de mots assez durs lorsqu’il dénonçait - au cours de sa conférence de presse le 28 janvier 2014 intitulée « Grenoble, une ville sous l’emprise de la spéculation immobilière » - la « cherté du logement à Grenoble liée notamment à la préférence quasi-systématique donnée aux banques et aux grands promoteurs ». À cette occasion, il avait même rebaptisé la rue Villard-de-Lans du quartier Jean Macé en rue « BNP Paribas ». « Ce nouveau nom met en relief les profits de cette banque réalisés grâce à la construction de 11 tours avec plus de 570 logements dans cette rue et vendus entre 3 500 et 4 500 € le m2. » [1] Que de chemin parcouru en dix-huit mois !

Il vous expliquera, sans doute, qu’en fait, il n’était venu que pour inaugurer les 22 logements sociaux réalisés par Grenoble Habitat dans la même opération et que c’est vraiment le fruit du hasard si au même moment, BNP Paribas avait décidé de faire de même… Il faudra alors lui demander si le 14 octobre, c’est aussi le hasard qui avait guidé ses pas jusqu’au premier anniversaire de l’hôtel Okko. Un 4 étoiles qui, rappelez-vous, avait été construit par Sas Vinci Immobilier et imposé en 2013 par la municipalité Destot, en lieu et place de l’« équipement public structurant » (culturel, social, espace vert…) prévu dans le cadre des aménagements de la Caserne de Bonne, le tout pour un prix défiant toute concurrence (250 €/m2 à construire). à l’époque, cet arrangement avait fait couler beaucoup d’encre, particulièrement chez les Verts. « Le vrai défi que doit affronter Grenoble, ce n’est pas satisfaire une classe d’affaires qui bouge tout le temps et qui n’est pas impactée par le prix de l’immobilier, mais répondre aux vrais besoins des Genoblois (…) qui vont voir le prix du m2 exploser » dénonçait Enzo Lesourt, futur membre du cabinet d’Éric Piolle, à l’aide d’une réthorique sociale fleurant bon la campagne des municipales approchante [2].

Sans nul doute, la critique de cette « classe d’affaires qui bouge tout le temps » a dû constituer le sujet principal des conversations que Piolle a eues au cours du cocktail-dinatoire-anniversaire avec le président d’Okko Hôtels Olivier Devys, un des deux retraités du groupe Accor ayant fondé en janvier 2012 les marques Okko Hôtels (pour le haut de gamme) et Elko (pour les hôtels dits « low-cost »). Et si Paul Dubrule le deuxième associé dénoncé dans un billet saignant des amis de Piolle (« Les arbres qui cachent les affaires », l’ADES, le Rouge et le Vert du 13 /01/2013), avait été là, il aurait pu l’écouter disserter sur les vertus de son exil fiscal en Suisse…
Nous entendons d’ici le cabinet du maire nous expliquer « qu’il ne s’agit que d’une simple visite de courtoisie, qu’un maire se doit de répondre favorablement aux invitations des entreprises innovantes [« citoyenne » et forcément « éco-responsable », avait raillé en son temps le Rouge et le Vert], que représenter la Ville n’est pas soutenir, que ces permis avaient déjà été délivrés par Philippe de Longevialle, le précédent adjoint à l’urbanisme »… Bref, que nous mélangeons tout !

Pourtant, l’homme qui déclarait, en janvier 2014, que « la négociation avec les spéculateurs se fait derrière des portes fermées, pendant qu’on joue aux habitants une pièce de théâtre appelée “concertation” » est bien le même qui, après une vague réunion publique d’information, a signé un permis de 300 logements pour la société Eiffage, sur le terrain de la famille A.Raymond, ainsi qu’un autre de 235 logements pour un investisseur lyonnais, sur les terrains de l’ancien garage Peugeot, à l’Esplanade. Alors qu’en penser ? Qu’il est un politicien comme un autre pour qui « les promesses n’engagent que ceux qui y croient » ?