Accueil > Février / Mars 2012 / N°14
Des vœux bétons
Chaque année c’est la même chose, les Grenoblois doivent se farcir les vœux de Destot à grand renfort de campagne d’affichage dans les sucettes de JC Decaux. Et comme la propagande passe de nos jours par Internet, la Ville « vous souhaite une bonne année 2012 » en vidéo sur son site.
Ne vous fiez pas à la bande-son digne d’un disque de relaxation où tout n’est que gazouillis d’oiseaux et d’enfants, ni à la gentille-petite-cycliste qui vous emmène à travers la ville, et voyez plutôt l’enfilade de bâtiments qu’on nous présente comme « notre ville » : Minatec, le tribunal, la caserne de Bonne, son centre commercial, des immeubles du « quartier » Vigny-Musset, le tram C et les immeubles des grands boulevards, la sculpture d’art contemporain devant la gare, l’ancien tribunal, la Bastille, les reflets du Drac (l’immeuble-imposture de Bouchayer-Viallet), les trois tours de l’Ile-Verte, la caserne de Bonne (re !), la future salle de spectacle de Bouchayer-Viallet, le centre d’art contemporain Le Magasin, la presqu’île scientifique et ses prochaines tours phalliques, la MC2, la tour Perret et enfin... la caserne de Bonne (re-re !). Au cours de ce petit bijou du cinéma surréaliste, vous admirerez un ciel constitué d’un aplat bleu turquoise réalisé par informatique et garanti sans pollution, vous noterez l’absence désobligeante du Stade des Alpes, et enfin vous vous perdrez dans quelques amas de verdure, au milieu desquels apparaîtra un des géants de la place des Géants à Echirolles, étonnamment représenté sans la gendarmerie mobile qui lui tient pourtant régulièrement compagnie depuis des mois.
La boîte de com’ responsable de cette opération de propagande porte le doux nom de « Super Regular ». On trouve parmi ses clients La Casemate (siège du Centre de culture scientifique technique et industriel, un lieu de vulgarisation à la gloire des nécrotechnologies) ou Schneider Electric (premier employeur grenoblois et leader mondial de la vidéosurveillance). À son tableau de chasse également : la réalisation des visuels du livre « Grenoble, métamorphose d’une ville », publié par Glénat, la maison d’édition qui monte depuis qu’elle a installé grâce à la Ville ses nouveaux locaux à la place de l’ancien couvent Sainte-Cécile. Ce livre, véritable ode colorée au bétonnage de la ville et à toutes les réalisations de la municipalité, a été écrit par Gilles Peisel, qui se présente comme un « journaliste indépendant ». En guise d’indépendance, le livre est préfacé par le maire Destot et le logo de la ville orne les pages de remerciement.
Les seigneurs d’antan avaient leurs peintres attitrés. Les décideurs d’aujourd’hui ont quelques journalistes, designers et graphistes, toujours prêts à maquetter la ville de leur rêve.