Accueil > Février-Mars 2017 / N°39

La justice nous indique la longueur de la laisse

Ce lundi 30 janvier, on est sortis du tribunal avec NTM dans la tête. La Cour d’appel de Grenoble vient de nous condamner à 2000 euros d’amende pénale avec sursis : on les paiera peut-être au bon vouloir d’un juge, dans l’éventualité d’une condamnation dans les cinq ans à venir. Une muselière pour qu’on apprenne la « prudence dans l’expression  ». On doit, en outre, verser 500 euros de dommages et intérêts à Christophe Ferrari, et 1000 euros à Yveline Denat. Enfin, même si le juge ne les a pas mentionnés, on doit a priori également rembourser leurs frais d’avocat, soit deux fois 1200 euros pour une diva qui n’a pas daigné assister au procès en appel.
Au total, ça fait donc une somme de 3900 euros à cracher pour ces gens nécessiteux, contre 6900 euros en première instance (pour rappel, Ferrari et Denat réclamaient 21000 euros à eux deux).

« Deux mille de sursis, quatre mille de rançon, on est condamné
Pour être encore là après tant d’années
Et pour les avoir tant tannés
Instantanément, de façon spontanée
On en paye le prix aujourd’hui mon gars, mais c’est pas un hasard
Ça correspond au climat bizarre..
. »

Ce lundi 30 janvier, on est sortis du tribunal avec NTM dans la tête. La Cour d’appel de Grenoble vient de nous condamner à 2000 euros d’amende pénale avec sursis : on les paiera peut-être au bon vouloir d’un juge, dans l’éventualité d’une condamnation dans les cinq ans à venir. Une muselière pour qu’on apprenne la « prudence dans l’expression  ». On doit, en outre, verser 500 euros de dommages et intérêts à Christophe Ferrari, et 1000 euros à Yveline Denat. Enfin, même si le juge ne les a pas mentionnés, on doit a priori également rembourser leurs frais d’avocat, soit deux fois 1200 euros pour une diva qui n’a pas daigné assister au procès en appel.
Au total, ça fait donc une somme de 3900 euros à cracher pour ces gens nécessiteux, contre 6900 euros en première instance (pour rappel, Ferrari et Denat réclamaient 21000 euros à eux deux). Nous sommes relaxés des chefs d’accusation d’injure et diffamation pour certains passages de l’article, mais reconnus coupables d’injure pour d’autres, sans connaître le détail au moment de ce bouclage. Et puis, qu’est-ce qu’on est contents : on n’est plus condamnés à publier ce jugement en Une du journal, ni sur notre site internet. On en ronronnerait presque.

On a déjà trop parlé de ce procès ridicule, encombrant la justice pour l’ego de deux puissants. On a déjà moqué à l’envi la susceptibilité du maire de Pont-de-Claix Christophe Ferrari et de sa directrice de cabinet Yveline Denat. On a déjà écrit des pages d’explications, fourni des dizaines d’attestations pour étayer l’article litigieux. On a déjà critiqué les motifs de notre premier jugement, cette loufoque « absence de prudence dans l’expression et d’objectivité  », ouvrant la porte à la condamnation de tout article jugé trop irrévérencieux. On s’est déjà largement étendu sur les différences de moyens entre les millions d’euros d’argent public déversés dans la communication officielle et notre petit canard fait avec trois bouts de ficelle.

Mais on n’a pas entendu parler du fond, quand les juges ont rendu leur jugement : la souffrance au travail des agents de la ville de Pont-de-Claix. Cet article a été écrit pour relayer leurs témoignages nombreux, trop nombreux pour être un simple hasard statistique. Un amical salut à eux.

Reste donc cette sombre amertume : l’impression d’avoir été condamnés pour avoir fait notre job. Notre « job », façon de parler, vu que la plupart des énergies du Postillon sont bénévoles, consacrant du temps et s’impliquant de manière désintéressée en faveur d’une certaine idée de la presse, de l’information locale, de la satire. Tout cela pour combler un manque dans le paysage médiatique local, apporter de la matière à réflexion, faire vivre la fameuse « liberté d’expression » célébrée partout il y a deux ans. C’est un bel objet d’étude, la liberté d’expression.
Quand on s’en sert, visiblement, ça ne plaît pas à tout le monde. Raison de plus pour continuer, toujours avec NTM dans la tête : « On est encore là. » Et on vous emmerde.


  • Pour célébrer la bonne nouvelle et remplir ce beau chèque, on a fait une grosse bringue au 102, rue d’Alembert. Y’avait plein de gens et on a dansé. c’est pas pour être mièvre, mais franchement merci. La victimisation ça paye toujours !
  • Nous avons assez d’argent pour payer l’amende, donc le journal ne coulera pas. Si vous tenez à soutenir quand même Le Postillon, n’hésitez pas à abonner des personnes qui ne le lisent pas, amis, ennemis, salle d’attente de dentistes, vestiaires de club de foot....

Poursuivi pour « injure » et « diffamation », le meilleur journal grenoblois du monde risque de devoir payer plusieurs milliers d’euros d’amende, frais de justice et dommages et intérêts au maire de Pont-de-Claix, Christophe Ferrari, et à sa directrice de cabinet Yveline Dennat.

La cour d’appel de Grenoble rendra son jugement lundi 30 janvier 2017 à 14h.
Pour fêter cet événement, Le Postillon vous convie à une

Soirée Dommages et Intérêts
Lundi 30 Janvier, de 19h à 23h
Au 102, rue d’Alembert à Grenoble

Entrée libre en cas de victoire
Entrée à 5 € en cas de défaite

Au programme :

Bouclage participatif (sous réserve) du numéro 39,
Pizzas maison & Soupe à l’oignon (sous réserve),
Parquet de danse ambiancé par Jukebox lovers et Dj TG,

Avec la présence de (sous réserve) :
Jeannie Longo
Michel Fugain
Serge Papagalli
Peps
Geneviève Fioraso
Jérôme Safar
les Chevals Hongrois
Sinsemilia
Taulard
Let me die alone
Chicken’s Call
Alain Carignon
Raymond Avrillier
(sous réserve)


28 novembre, 23h  : Après avoir poireauté pendant cinq heures et demi au premier étage du palais de justice de Grenoble, on a enfin pu assister à notre procès en appel, ce lundi entre 19h30 et 20h45.

En toute "objectivité", on peut juger qu’il s’est plutôt bien déroulé, notamment parce que la partie adverse n’était pas là - ce qui simplifie beaucoup les débats. Ni les plaignants, Christophe Ferrari et Yveline Denat, qui n’avaient pas non plus daigné se déplacer à la première instance. Ni même leur avocat, Me Supplisson, qui cette fois-ci, est resté à Dijon en assurant n’avoir pas reçu de convocation. La greffière du tribunal a pourtant assuré lui avoir bien envoyé, tout comme à Ferrari et Denat. Et donc le procès a eu lieu en leur absence.

Ce manque de considération de la partie adverse pour ce procès en appel nous conforte une analyse, développée dans sa plaidoirie par notre avocat Me Steinmann . S’ils nous ont poursuivi, c’était avant tout pour avoir les noms des sources qui avaient critiqué leur fonctionnement dans l’article incriminé du n°33. Pour savoir qui osait briser "l’omerta" et dissuader d’autres d’évoquer leur souffrance au travail.

Suite à notre condamnation inattendue lors de la première instance, on ne préjugera pas du résultat de ce procès, qui devrait tomber le 30 janvier. On peut juste aujourd’hui se réjouir que les juges sur lesquels nous sommes tombés étaient beaucoup plus curieux que lors de la première instance : on a eu droit cette fois-ci à une série de questions variées, permettant de véritablement expliquer notre méthode de travail, le sens de notre démarche, notre bonne foi et la pertinence de notre travail.


17/10 : Suite à notre condamnation, on a reçu un manifeste de soutien de la part de 100 "intellos à lunettes", demandant à Ferrari de ne pas "pisser dans le seau à champagne". Pour lire ce texte fleuri, c’est ici :
https://cortecs.org/a-la-une/manifeste-des-100-intellos-a-lunettes-qui-ont-besoin-du-postillon-pour-travailler/

Par ailleurs, on a fait une tribune par là :
http://www.placegrenet.fr/2016/10/16/tribune-proces-ferrari-le-postillon-contre-lobjectivite/105882

« Le Postillon est reconnu coupable ». On l’attendait avec impatience, le jugement rendu ce lundi 26 septembre 2016 à Grenoble. Notre journal était attaqué pour injure et diffamation par le maire de Pont-de-Claix et président de la métropole, Christophe Ferrari, et sa directrice de cabinet à la mairie, Yveline Denat. Le procès avait eu lieu le 29 juin et les juges s’étaient donné l’été pour réfléchir.Visiblement, la juge qui lisait le rendu n’y mettait pas beaucoup d’entrain. En 49 secondes, Le Postillon et son directeur de publication ont été déclarés « coupables » et condamnés à verser « 2 000 euros d’amende, dont 1 000 avec sursis », à « publier en une du journal et sur son site internet le jugement », à verser également « 2 000 euros de dommages-intérêts à Yveline Denat », plus « 1 500 euros de dommages-intérêts à Christophe Ferrari », plus « 1 200 euros chacun pour le remboursement de leurs frais de justice ». Vous pouvez sortir vos calculettes : ça fait 6 900 euros, plus 1 000 euros avec sursis. C’est pas rien : ça correspond à 2 300 Postillons vendus cash – et encore, heureusement qu’on vient d’augmenter le tarif à trois euros.

Quelque chose clochait, et pas seulement dans le ton trop neutre de la juge. D’abord, l’amende pénale est étonnante. Il est rare que le tribunal aille au-delà des réquisitions du parquet, et dans ce cas la procureure n’avait rien requis contre nous.

Et puis il y a une demande des plaignants à laquelle le tribunal n’a pas accédé : «  l’exécution provisoire », c’est-à-dire que notre journal n’est pas obligé de publier le jugement en Une avant la fin de la procédure. Si nous faisons appel, nos lecteurs ne sauront rien de notre condamnation initiale. On l’a vu comme une invitation à retenter notre chance.

Enfin ce qui nous surprend le plus, c’est d’être déclarés « coupables  » suite à la façon dont s’est déroulé le procès.
On n’a jamais été objectifs, et là encore moins, mais franchement notre avocat, Me Steinmann, avait fait ce 29 juin une plaidoirie qui déchirait tout. Faut dire qu’on lui avait facilité la tâche, obligeant Ferrari et Denat à changer de ligne d’attaque. Dans les citations à comparaître, ils arguaient que les éléments à charge présents dans notre article « Le système Ferrari à plein régime » (Le Postillon n°33) étaient issus de « prétendus témoignages  ». Sous-entendu : nous aurions tout inventé pour nous payer le président de la Métropole. Comme les fonctionnaires tenus au «  devoir de réserve » n’ont pas le droit de témoigner publiquement sous peine de sanction, ils pensaient pouvoir tenir cette accusation. Une tactique qui n’a pas fonctionné : pour le procès, nous avons présenté une dizaine d’attestations d’anciens agents de la mairie de Pont-de-Claix, à la retraite ou partis travailler ailleurs. Ces témoignages - dont certains étaient accompagnés de longs textes écrits plusieurs années auparavant pour alerter sur la situation - confirmaient largement les éléments à charge présents dans notre article. Notre avocat souligna même qu’au vu de ces documents, nous avions fait preuve d’une « grande prudence ».

Comme l’avocat des plaignants, Me Supplisson, ne pouvait plus affirmer qu’on avait tout inventé, il chargea ceux qui avaient relaté leur souffrance au travail, en prétendant qu’il s’agissait de « mécontents  » et « d’aigris du système qui se défoulent ». À court d’arguments, il en était réduit à fustiger également la non-signature des textes dans notre journal, prétendant qu’on était un « journal à cagoules », comme peuvent le confirmer les milliers de personnes nous ayant déjà vu vendre notre journal à la criée, tête nue.

Devant cette faiblesse de la partie adverse, et la démonstration de notre avocat, on s’attendait donc légitimement à une issue positive. On ne peut pas aujourd’hui expliquer cette incongruité : nous n’avons pas encore pu lire les motivations du tribunal sur ce jugement.

Mais nous pensons à cette juge, qui a rendu le verdict en quarante-neuf secondes de cette voix sans conviction. En janvier 2015, sans doute était-elle Charlie. Peut-être a-t-elle mis des posts sur Facebook sur la liberté de la presse et le droit à la caricature. Peut-être a-t-elle même donné de l’argent pour sauver la presse indépendante.

Et quelques mois plus tard, voilà qu’elle condamne le seul journal papier indépendant de Grenoble et sa région. Alors c’est sûr : depuis Charlie, il y a eu Paris, Nice, Saint-Etienne-du-Rouvray, et ils sont loin maintenant les dessins de stylos et de kalachnikovs, et les déclarations d’amour à la satire. Mais quand même : ça doit relever d’une certaine dissonance cognitive, voire même d’une vraie souffrance au travail, d’énoncer un tel jugement.

Alors pour elle, mais aussi pour Ferrari et Denat, qui eux aussi ont été « Charlie  », et se déclarent à l’occasion « extrêmement respectueux de la presse et de la caricature », nous faisons appel de cette décision. Parce que la justice, et Le Postillon, méritent mieux que ça.

A Grenoble, le 26 septembre 2016,
Le service juridique du Postillon

PS : La meilleure manière de nous soutenir est, on le répète, de nous fournir des informations et de nous acheter. À ce propos, le numéro n°37 est sorti depuis trois jours et est disponible chez tous les bons buralistes (http://www.lepostillon.org/-Octobre-2016-.html). La parole à notre meilleur commercial, Jérôme Safar qui, le 24 septembre, écrivait sur sa page Facebook : « Dire que je suis super fan du journal en question serait assez exagéré même s’il est beaucoup plus drôle à lire quand on est dans l’opposition... mais là... je ne peux que vous inciter à le lire et vous verrez ainsi comment aujourd’hui une première adjointe travaille sérieusement sur le dossier du "plan de sauvegarde". Pour moins que ça on a réclamé des démissions ! »