Accueil > Fevrier-Mars 2020 / N°54
Un chien est mort
« À court terme, une solution provisoire est impérative si nous ne voulons pas être confrontés à un décès sur l’aire que nous pourrions éviter ». C’est un courrier de Geneviève Picard, élue au conseil communautaire du Grésivaudan, qui nous a rappelé que l’histoire des Bony (voir Le Postillon n°42, 43 et 45) était loin d’être réglée. Cette famille du voyage installée depuis vingt-sept ans à côté de la station d’épuration de Villard-Bonnot vit dans des odeurs abominables et des nuées de mouches sans que les élus et la Préfecture ne soient incommodés. La station retraitait autrefois les eaux de la papeterie de Lancey qui a fermé en 2008. Depuis, la station traite les eaux usées – comprendre, la merde – et les boues industrielles de l’agglo. Dans Le Postillon n°43, nous racontions comment la sous-préfète avait suggéré qu’un « jury d’odeurs » vienne évaluer sur place la situation. Cette proposition ridicule n’avait pas eu de suite, mais aucune autre solution rapide n’a été proposée aux Bony qui attendent l’aménagement d’un terrain au Versoud. La préfecture bloque les travaux, estimés à deux millions d’euros et comprenant la construction d’un mur antibruit car le futur terrain se trouve à côté d’un refuge pour chiens. Fini les mouches, vlà les chiens et leurs aboiements incessants. « Un collègue qui a travaillé là, il a dit, vous allez pas dormir de la nuit ! » nous dit Marie Bony. Le jour non plus bien sûr, alors que son fils « travaille aux ordures la nuit. »
En parlant de chien, il y en a un qui est mort sur le terrain des Bony, atteint de la leptospirose, une maladie dont « les formes graves [...] associent insuffisance rénale aiguë, atteinte neurologique […] et des hémorragies plus ou moins sévères » selon l’institut Pasteur. Une maladie toute naturelle, la leptospirose, contagieuse et transmissible à l’homme. Le dernier chien mort a été déclaré aux services vétérinaires, « mais tu sais, dit Marie, on en a cinq qui sont morts » sans doute contaminés par les rats. Voilà pourquoi Geneviève Picard parle d’un risque mortel sur le terrain. L’élue de la communauté de communes, une des rares à se préoccuper de la famille, réclame son installation provisoire sur un terrain de Saint-Ismier où les Bony ont déjà des attaches. Mais toujours rien, à part une proposition de vacciner les habitants du terrain. « Au mois de novembre l’experte est venue, elle a dit aux trois élus présents :“je vous conseille de fermer ce terrain. S’il arrive quelque chose à ces gens je vous tiens pour responsables”. Elle l’a dit devant nous » ajoute Marie qui a réclamé le compte-rendu à la communauté de communes. « Mais ils disent qu’il n’y a pas de compte-rendu, je ne sais pas si c’est vrai » déplore-t-elle. « On va attendre encore un bon mois, et puis on verra. » Elle est lasse, Marie : « On continue à manger la pourriture. La santé des enfants là, c’est pas au top. Les élus, je voudrais pas être à leur place quand ils vont passer devant le bon Dieu. »