Rien ne va PLU
Amis élus, amis promoteurs, amis architectes,
Chacun sait qu’il est parfois très compliqué, pour les bâtisseurs que vous êtes, de mener vos projets à bien en suivant scrupuleusement les différents règlements qui s’imposent en matière d’urbanisme. Pour le bien de tous, il faut souvent faire preuve d’habileté et de ruse pour construire la ville de demain dont tout le monde rêve. Mais nombre d’entre vous peinent souvent devant de petits problèmes techniques. Voici donc quelques trucs et astuces pour les contourner.
Votre rue est trop petite ? Demandez à la Mairie de vous l’élargir !
Aujourd’hui pour construire bien, il faut surtout construire haut – la hauteur étant synonyme de force, de prestige et de rentrées d’argent supplémentaires. À Grenoble, le problème c’est que les hauteurs d’immeuble sont fonction des largeurs de rue : une rue étroite ne permet pas de construire haut. C’est bien dommage : les petites rues ont aussi droit à avoir de grands immeubles. Pour réparer cette injustice, il faut donc agrandir la rue. Exemple : Grenoble Habitat a un projet immobilier sur la rue Raspail, à la place des anciens locaux du Greta. Le problème, c’est que la rue Raspail ne fait que 9 mètres de large, empêchant toute construction au dessus de 14 mètres. La Mairie a donc fait reculer la limite de propriété actuelle du terrain en question de trois mètres, permettant ainsi à la rue de s’aggrandir de ce qu’il faut. Cette modification ayant été votée au conseil municipal du 27 février, la rue Raspail fait maintenant 12 mètres à l’endroit du projet et Grenoble Habitat peut donc construire tranquillement son immeuble de 17,45 mètres de haut.
Le plan local d’urbanisme (PLU) vous empêche de construire trop haut ? Faites appel aux « dispositions particulières » du PLU !
L’école de commerce avait besoin d’un grand bâtiment pour montrer sa puissance et son ambition. Problème : à cause du PLU, il ne pouvait pas monter au-dessus de 30 mètres (à moins d’obtenir une dérogation), ce qui reconnaissons-le, fait un peu petit joueur. Qu’à cela ne tienne ! Avec un peu d’astuce juridique et toute la bienveillance de la mairie, l’obstacle a vite été surmonté. En voici la recette : 1. Placez toute la machinerie de la ventilation sur votre toiture-terrasse et donc au-dessus de la limite des 30 mètres : des dispositions particulières du PLU permettent de ne pas prendre en compte dans le calcul de la hauteur globale du bâtiment certaines installations techniques. 2. Prétendez que c’est bien malgré vous que vous laissez à la vue de telles « horreurs ». 3. Proposez de les cacher en prolongeant les murs de 8 mètres. Et hop le tour est joué : votre bâtiment fait désormais 38 mètres « à l’œil » mais toujours 30 mètres « juridiques ». Ainsi va à Grenoble, le règlement du PLU et ses multiples dispositions particulières, bien aidé en cela par des services « compréhensifs », qui par contre ne se préoccupent pas des riverains et de leur vue bouchée.
Les vieux bâtiments vous embêtent ? Demandez au maire de les déclasser !
Les bâtiments historiques, c’est sympa pour les touristes et les cartes postales mais il ne faut pas non plus vouloir sacraliser quelques vieilleries. Il est toujours bon, pour satisfaire quelques anciens, de laisser ici ou là quelques traces du passé, comme par exemple les halles de Bouchayer-Viallet ou la tour de Lustucru. Mais la ville de demain se doit avant tout d’être moderne et il faut raser un maximum de bâtiments, si besoin en prétextant des motifs écologiques indiscutables (manque d’isolation, densification,...). Veillez toutefois, surtout en ce qui concerne les bâtiments classés, à bien vous y prendre pour ne pas froisser les riverains. Une trop grande précipitation a ainsi obligé le maire de Grenoble à revenir sur ses pas concernant la « maison Joya », un vieille bâtisse qui abritait à l’époque une ganterie. En 2005, Destot avait déclassé inopinément ce bâtiment historique du PLU après enquête publique et contre l’avis du commissaire enquêteur. Manque de bol, des riverains, en déposant un recours contre la destruction annoncée de la bâtisse, ont bloqué toutes les opérations et, les élections approchant, Destot a été obligé revenir sur sa décision et de s’engager à protéger le bâtiment. Bien heureusement, le promoteur choisi, Bernard Nucci (président de la Fédération des Promoteurs Constructeurs de l’Isère) était lui aussi une bonne connaissance du maire : il faisait partie de son comité de soutien pour les élections municipales de 2008 [1]. Le hasard fait parfois bien les choses… Aujourd’hui, Destot et de Longevialle, son adjoint à l’urbanisme, se félicitent, comme lors de la dernière assemblée générale de l’Union de quartier de Berriat-Saint-Bruno, d’avoir « sauvé la maison Joya » alors que c’est le maire qui avait autorisé sa destruction…
Les riverains ne sont pas contents ? Ne cédez que face aux plus influents !
Prenez donc exemple sur la mairie de Grenoble, qui ne cède jamais face aux modestes habitants de l’Esplanade, de Flaubert ou de Saint-Bruno contestant des projets immobiliers. Par contre, face aux influents bourgeois de l’Ile-Verte, elle accepte de faire demi-tour. En décembre dernier, un permis a été déposé par le promoteur Europe Construction pour un immeuble au 18 de la rue Bizanet. Ce permis est accepté par la mairie le 31 janvier. Problème : un riverain était contre ce projet qui aurait fait de l’ombre à sa belle résidence. Après avoir fait signer une pétition, il organise une réunion en mars dernier en invitant la députée Fioraso. Pour une fois, la multi-mandatée a été très compréhensive. Dès le lendemain, l’adjoint à l’immobilier De Longevialle a appelé le riverain pour lui dire que le promoteur avait retiré son permis, sans motif. Comme quoi, la démocratie participative, ça marche : il faut simplement habiter dans le bon quartier.
Notes
[1] En qualité d’architecte : à croire que « président des Promoteurs Constructeurs de l’Isère », ça fait un peu tache… comme membre du comité de soutien d’un maire socialiste !