Accueil > Décembre 2017 / N°43
Réponse à des colibris
On se sent incompris, quand on reçoit des trucs comme ça :
« À toute l’équipe du Postillon,
nous vous contactons avec grand enthousiasme afin de vous présenter notre "Educologîte Tour" prévu entre mai et septembre 2018 : une épopée en famille et à vélo électrique, à la rencontre des acteurs de la transition écologique en France.
Ce projet est déjà soutenu par de nombreuses structures, associations et entreprises de la région grenobloise, une marque de vélo nous sponsorise et nous finance deux vélos électriques et nous espérons avoir le soutien de la ville de Grenoble très prochainement. Nous cherchons actuellement des financements pour le reste du matériel nécessaire au voyage (remorque, accessoires...).
Si cela vous intéresse de communiquer sur cette belle histoire familiale et de devenir partenaire de "l’Educologîte Tour", nous serions ravis d’en discuter avec vous.
Pour vous donner plus de détails sur notre projet, vous retrouverez toute la présentation envoyée à la mairie de Grenoble sur le dossier en pièce jointe de cet email.
à savoir que ce voyage de formation s’inscrit dans un projet entrepreneurial porté dans notre belle région : la création de notre "éducologîte", lieu de bien être, d’accueil et de formation au sein d’une micro-ferme en permaculture. En espèrant avoir de vos nouvelles prochainement, nous vous souhaitons une très belle journée. Maria & Hugo »
Dans la pièce jointe à ce mail s’étalent sur huit pages des photos de cette « famille incroyable », un « business plan », les CV du couple, des arguments spécieux pour convaincre la mairie de leur « ville de cœur » d’en faire ses « ambassadeurs », l’affirmation de « valeurs écologiques et humanistes fortes » (partir en vacances avec les sous des autres ?) Et pour clôturer ce monument, une pleine page verdoyante avec la légende du colibri chère à Pierre Rabhi : vous savez, cette fable où un colibri s’échine à transporter des gouttes d’eau dans son bec pour éteindre un feu de forêt (ce qui énerve le tatou fataliste), car même si ça ne sert à rien (il en est bien conscient) il « fait sa part ». Et faire sa part, c’est bon pour la conscience et la digestion, même si ça n’est pas très politique. De toute façon c’est relou la politique, non ?
Alors, Maria et Hugo, trois possibilités :
Soit c’est une bonne blague (en tout cas, on a bien rigolé).
Soit vous n’avez jamais lu Le Postillon et ce mail est à considérer comme un simple spam, sauf que vous avez pris la peine de changer l’en-tête pour qu’on se sente réellement concernés. Merci pour la politesse, et comme vous ne nous lisez pas, ce qui va suivre ne devrait pas vous faire de peine. Tant mieux : on a horreur de faire de la peine aux petits colibris qui sont plein de bonne volonté.
Soit vous nous avez lu et vous avez cru qu’on blaguait au sujet des VAE (les vélos-moteurs dits vélos « électriques »). Alors, Maria et Hugo, on ne blaguait pas. Ce qui va suivre, vous allez le lire et ça va vous faire un peu de peine, mais au fond c’est pour votre bien. Vous avez cinq mois pour parcourir même pas 3 000 kilomètres, vous semblez jeunes et en pleine forme (vous êtes profs de plongée quand même), pourquoi aller mendier des vélomoteurs électriques au lieu de promouvoir un autre « mode de déplacement durable & actif » comme... le vélo tout court ? Vous avez l’air de quoi, franchement, à soutenir l’extraction de minerai pour les batteries, la pollution nucléaire et l’obsolescence programmée ? Puisque vous voulez faire votre part, petits colibris, jetez votre business plan dans la poubelle verte et retapez des vélos d’occase dans un atelier associatif d’autoréparation, et tant que vous y êtes soudez votre remorque, cousez vous-même le hamac de votre bébé. Au lieu de perdre votre temps à faire des dossiers de sub et flatter des sponsors sans scrupules, apprenez à bricoler, ça vous servira toujours dans le meilleur des mondes qui s’annonce grâce à tous les gens comme vous.
Le service politique du Postillon.