Accueil > Été 2012 / N°16

Sur les jardins ouvriers de saint-martin-d’Hères

Les lopins des prolos

Angleterre, 1649, Saint Georges’Hill, sud-est du pays. Des pauvres se regroupent sous le nom de «  diggers  » (bêcheux), défient les propriétaires et prennent possession de terres en friche pour y semer fèves, carottes et avoine. Ils proclament : «  Nous travaillons, nous mangeons ensemble, nous n’avons pas besoin d’épées. Nous ne nous inclinerons pas devant les maîtres et ne payerons pas de rente aux seigneurs. Nous sommes des hommes libres même si nous sommes pauvres. Vous tous bêcheux, levez-vous pour la gloire, levez-vous maintenant !  » Cette rébellion sera vite matée mais elle symbolise les prémices des jardins ouvriers. Ce n’est que plus tard au XIX ème siècle pendant «  la révolution industrielle  » en Europe qu’apparaissent les «  champs des pauvres  » : des jardins en ville qui apportent un complément de ressources aux ouvriers.

En France, le terme de «  jardin ouvrier  » fut inventé par l’abbé Lemire, prêtre et homme politique, convaincu que ces jardins «  permettent aux ouvriers d’échapper à leur taudis en profitant d’un air plus respirable, ils les éloignent aussi des cabarets et encouragent les activités familiales au sein de ces espaces verts   ». En 1952 l’adjectif «  ouvriers  » disparaît au profit de «  familiaux   ». Aujourd’hui en France il existe environ 150 000 «  jardins familiaux  » pour une superficie de 45 000 hectares. À Grenoble et dans son agglomération, on recense dix-huit terrains dédiés aux jardins ouvriers dont la moitié située en bord de voie ferrée ou de la rocade [1]. Ils sont majoritairement gérés par des collectivités locales, mais aussi par quelques propriétaires privés qui louent souvent à l’année une parcelle pour 50 à 100 euros. Les listes d’attente pour obtenir son lopin de terre peuvent atteindre plusieurs années.

Retour aux sources pour certains, lieux de repos et d’évasion après une journée de boulot pour d’autres ou encore complément alimentaire pour des retraités, les jardins ne sont jamais dénommés «  familiaux  » mais toujours «  ouvriers  » par leurs locataires.
On a ramené notre fraise du côté du quartier Chamberton à Saint-Martin-d’Hères, à quelques mètres de la voie ferrée où existent encore les vieux jardins créés sauvagement il y a 40 ans, depuis légalisés, qui côtoient d’autres parcelles flambants neuves installées par la municipalité. Portraits.

Voir le reportage ici.

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Notes

[1Grégoire Chelkoff et Magali Paris,  La ville dans ses jardins, l’urbain en bord de route, Laboratoire CRESSON, 2010.