Accueil > Février / Mars 2016 / N°34

A Saint-Bruno, les éducateurs de rue éjectés

Les éducs sont-ils caducs ?

Cela fait dix ans qu’ils arpentaient le macadam dans tout Saint-Bruno, à la rencontre des jeunes de ce quartier de Grenoble. Le 31 mars, les deux éducateurs de rue du Codase (Comité dauphinois d’action sociale) devront pourtant abandonner leurs missions, priés de quitter le secteur par le Département. La nouvelle majorité du Conseil départemental a en effet décidé de diminuer le budget des associations de prévention spécialisée et de se concentrer uniquement sur les quartiers prioritaires. Un choix qui laisse sur le carreau la jeunesse de Saint-Bruno, apparemment pas assez turbulente. Mais que font donc les éducateurs spécialisés ? On est allé questionner tous les intéressés.

Pas de grandes barres d’immeubles ni de recoins coupe-gorge, une grande diversité de commerces, bars et restaurants, un centre-ville tout proche, une desserte par deux lignes de tramway, une qualité de vie reconnue par la plupart de ses habitants... À première vue, Saint-Bruno ne correspond pas à l’image d’Épinal des cités chaudes. Vieux quartier populaire connaissant une certaine gentrification, il concentre néanmoins une bonne partie des maux constatés chez ses confrères de Mistral, Villeneuve ou Teisseire : chômage, délinquance, pauvreté, incivilités... et faits divers violents, comme l’attestent les règlements de compte du printemps dernier. Un contexte justifiant la présence d’éducateurs spécialisés, appelés communément éducateurs de rue. Cela fait d’ailleurs plus d’une décennie que l’équipe du Codase (Comité dauphinois d’action sociale) sillonne les rues et squares de Saint-Bruno, à la rencontre des jeunes du quartier. Ici, Orazio et Julie, les deux « éducs » du secteur, sont connus comme les loups blancs : la plupart des jeunes les estiment et les respectent.
Malheureusement pour eux, la droite iséroise ne l’entend pas de cette oreille. La nouvelle majorité du Département a ainsi voté, le 17 décembre dernier, les futures orientations pour la prévention spécialisée, qui se recentre uniquement sur les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV). Or Saint-Bruno, malgré tous les facteurs décrits ci-dessus, n’est pas classé en QPV. Son seul tort ? Appartenir au secteur 1, délimité au nord par la Presqu’île scientifique et au sud par le boulevard Joseph Vallier, à l’est par le cours Jean-Jaurès et à l’ouest par le Drac. Un périmètre large et peuplé (36 000 habitants) et une population très hétérogène, allant de l’ingénieur du CEA au chômeur. Conséquence : un revenu moyen par habitant relativement haut, qui exclut de fait le quartier des secteurs identifiés par la politique de la ville. Cela donne une situation pour le moins ubuesque : cette forte mixité sociale – considérée généralement comme un atout – se retourne finalement contre les habitants les plus défavorisés. « On dit avec humour aux jeunes, déménagez en QPV », lâchent, amers, les deux éducateurs spécialisés, qui rappellent : « En plus, c’est stupide, les jeunes bougent, ils ne restent pas cantonnés à un endroit ». « Il faudrait que Saint-Bruno soit plus chaud, qu’on fasse plus de bordel pour être entendus ? », questionnent ironiquement Taf Taf et Seif, deux adolescents de 16 ans suivis par le Codase depuis quelques années.

« C’est difficile de quantifier une relation humaine »

La baisse de 11% du budget sur les missions de prévention spécialisée décidée par le Département touchera cinq associations iséroises œuvrant dans ce domaine, dont le Codase. Traduction pour le secteur 1 : la suppression des deux postes d’éducateurs de rue, tous deux à temps plein. Effective depuis le 31 décembre 2015, la mesure sera réellement mise en application le 31 mars prochain. Au terme de cette période de transition prendra fin, à moins d’un improbable retournement de situation, une intervention de dix ans sur le quartier Saint-Bruno. Au cours de cette période, plusieurs centaines de jeunes - près de 200 sur l’année 2015 -, âgés de 12 à 25 ans, auront été repérés, contactés et accompagnés par le Codase. Un vrai travail de fourmi mais qui se prête peu à l’évaluation. Et c’est peut-être là que le bât blesse, dans une société où la moindre action doit être validée par des chiffres et pourcentages... « On nous demande de faire des statistiques mais c’est difficile de quantifier une relation humaine », indique Julie.

« Notre première mission consiste à assurer une présence sociale sur l’espace public, faire un travail de rue, aller à la rencontre des jeunes, dans les parcs ou sur les places », poursuivent les deux éducateurs spécialisés. C’est comme cela que Sorenn, 18 ans, a pris contact pour la première fois avec eux, il y a un peu plus de deux ans. « On était dans un parc avec des potes, ils sont venus nous voir pour discuter et nous indiquer leur local », raconte-t-il. « Ils nous ont montré les moyens de travailler, présenté les chantiers, aidé à monter un dossier du début à la fin, donné des conseils pour rédiger CV et lettre de motivation, pour obtenir la garantie jeunes... On est une petite bande à avoir effectué des chantiers grâce au Codase : on a fait de la peinture dans des écoles, garages et allées à Villeneuve, Saint-Egrève, Mistral, Aigle... » Sorenn est formel : « Sans eux, je n’aurais aucune expérience professionnelle, c’est sûr ! Ils sont là pour tout le monde, il y a plein de jeunes qui ont besoin d’aide dans le quartier et qui n’iraient pas de leur plein gré chercher du travail. » Mais le rôle de la prévention spécialisée est loin de se limiter aux éventuels débouchés professionnels. Il s’agit aussi de tisser des liens solides et durables avec les jeunes. « Depuis le début, je leur fais confiance », affirme le jeune homme. « Pour moi, ce ne sont pas juste des éducs, c’est Orazio et Julie. On peut parler de tout et de rien, ils sont là pour nous. Ils nous demandent comment ça se passe, si on a des soucis. » La disparition de la prévention spécialisée à Saint-Bruno le choque : « Ça veut dire quoi, que le quartier n’a pas assez de problèmes ? » Son pote Aziz ( [1]) surenchérit : « En fait, si je comprends bien, il faudrait qu’on se mette tous à cramer des bagnoles pour qu’on s’occupe de nous ! » Taf Taf et Seif ont également rencontré les éducateurs « dans la rue alors [qu’ils] zonaient », avant de se rendre dans les locaux du Codase. Grâce à eux, ils ont pu participer à des chantiers éducatifs et à des activités (ski, sorties en montagne, camping...) qui leur semblaient auparavant inaccessibles. « Il y a plein de trucs qu’on ne pourra plus faire », déplorent les deux adolescents. « Orazio et Julie faisaient le maximum pour nous : sans eux, on sera dehors à faire de la merde. Qui va nous aider à faire des petits boulots maintenant ? Nos parents n’ont pas de sous, on va se retrouver à 17 ans sans argent. »

Risque de marginalisation

Tous ces jeunes seront les « premiers impactés par cette décision », soulignent les éducateurs de rue, qui seront redirigés vers de nouveaux postes sur d’autres secteurs. Certains d’entre eux, tout juste majeurs, sont même doublement pénalisés : exclus selon des critères géographiques mais aussi en raison de leur âge. à partir du 31 mars, le public accompagné va en effet changer, la tranche d’âge passant de 12-25 à 12-18 ans. Orazio et Julie préviennent d’emblée : « Les 18-25 ans sont dans un risque de marginalisation. Si même ce lien social n’existe plus, cela veut dire qu’on se désintéresse de toute cette partie de la population. Il n’y aura plus personne pour faire le trait d’union. à part nous, personne ne parle à ces jeunes dans la rue. » Le code de l’action sociale et des familles est pourtant clair sur le sujet : les articles L.121-2 et L.221-1 stipulent ainsi que le Département a « une mission de prévention de la marginalisation et d’aide à l’insertion dans les lieux où se manifestent des risques d’inadaptation sociale ». Un critère qui s’appliquait parfaitement à Saint-Bruno en 2002, lorsque le Codase avait effectué un diagnostic sur le territoire, préalable à l’ouverture, trois ans plus tard, d’une antenne sur le secteur 1. Et aujourd’hui, le constat tient toujours. Le Conseil départemental prend donc des libertés avec ses obligations – même si la prévention spécialisée n’est pas inscrite dans la loi comme une mission obligatoire des départements. Ce changement de cap mettra fin au large panel d’actions développé par le Codase pour les 16-25 ans : soutien aux problématiques d’insertion professionnelle, aide à la formation, prescription de chantiers éducatifs d’une ou deux semaines (affichage, cuisine, peinture, distribution, conception de table...), effectués avec Synergie Chantiers Éducatifs. Contrairement aux cinq autres associations iséroises concernées, Synergie n’est pas frappée par la baisse de budget. « En tant qu’employeur de nos jeunes, Synergie a des chiffres et des statistiques à présenter donc le Département a décidé de ne pas y toucher », expliquent les éducateurs du Codase. Mais avant de parvenir à la mise au travail, « il y a déjà des années de travail en amont. Et si nous disparaissons, les jeunes du secteur 1 ne pourront plus bénéficier de chantiers. »

Confrontés au danger de marginalisation, ces derniers perdent en outre leurs interlocuteurs privilégiés, souvent les seuls en qui ils avaient confiance. Mehdi ( [2]), 17 ans, tresse leurs louanges : « Avec les parents, les profs, les CPE, les flics, c’est toujours ‘‘fais pas ci ou fais pas ça’’. Les éducs sont les seuls à ne pas nous donner d’ordres ni faire la morale quand on fait des conneries. Et surtout, ils nous respectent ! Si un jour, on a loupé un rendez-vous, ils essayent de comprendre pourquoi et on discute calmement. Du coup, la fois d’après, on y va. De toute façon, les menaces ou les punitions, ça ne marche pas avec moi. Il n’y a que Julie et Orazio que j’écoute vraiment. » Les deux éducateurs de rue confirment ce regard particulier porté sur eux : « L’essence même de la prévention spécialisée, c’est d’être vu comme des personnes hors institution. » Katia, salariée à la Mission locale, abonde dans leur sens : « Il y a plein de jeunes qui, au départ, n’ont pas confiance en nous et qui, sans le Codase, ne viendraient pas d’eux-mêmes dans nos locaux. Ce sont les éducateurs qui nous les ramènent. Et puis, l’échange marche dans les deux sens : quand un jeune a un problème administratif, veut ouvrir un compte ou cherche un stage, on appelle les éducs. Quelle que soit la politique, on est toujours davantage dans l’extinction des incendies que dans la prévention », ajoute Katia, qui ne cache pas son inquiétude : « Cette suppression est aberrante, on va le payer dans les deux ou trois ans à venir ! » Pour elle, aucun doute, « tout le monde se renvoie la balle mais c’est un choix politique du Département, pas une question de finances. »

Lutte contre le décrochage scolaire

Si le Département se justifie en évoquant la baisse des dotations de l’état et les économies à réaliser, les coupes budgétaires opérées relèvent bien d’une réelle volonté politique. D’un côté, le nouveau président Jean-Pierre Barbier a engagé un plan de relance de 100 millions d’euros, destiné notamment à soutenir le secteur du BTP. De l’autre, la majorité de droite a toujours maintenu, depuis son arrivée, qu’elle limiterait strictement son action en matière sociale à ce que lui demande l’Etat, c’est-à-dire à ses missions obligatoires. « De toute façon, une partie des conseillers départementaux ne connaît pas notre travail et ne comprend même pas la nécessité de la prévention spécialisée », tacle une représentante du Collectif des professionnels de la prévention spécialisée en Isère. Un autre éducateur ironise : « Pour beaucoup de gens, un éduc, c’est comme Pascal, le grand frère [l’émission télévisée] : le mec qui arrive dans une famille, reste une journée et repart après avoir réglé tous les problèmes et réconcilié la famille. Alors que nous, des fois, il nous faut dix ans de suivi avec un jeune pour arriver à un résultat... Si certains politiques nous voient comme ça, tu m’étonnes qu’ils veuillent mettre moins de moyens ! » Rappelons toutefois qu’un an avant cette décision, la précédente majorité se fendait, dans son mensuel Isère Magazine, d’un dossier de huit pages vantant l’action des éducateurs spécialisés. Autre absurdité : l’exécutif départemental a convenu de recentrer leur action autour de deux axes désormais jugés prioritaires : le décrochage scolaire et la radicalisation. Pourtant, sur ce deuxième point, les services de l’Etat et tous les spécialistes estiment que la radicalisation est un phénomène dépassant très largement les quartiers classés en QPV. Parmi tous les candidats au djihad en Syrie, on trouve ainsi de nombreux jeunes n’étant pas issus de quartiers « difficiles ». Et Saint-Bruno, comme les autres quartiers grenoblois, n’est pas naturellement immunisé contre ce danger.

Quant à la lutte contre le décrochage scolaire – priorité du ministère de l’éducation nationale –, elle relève elle aussi des compétences du Codase. Celui-ci intervient en effet depuis plusieurs années au collège Fantin-Latour (environ 600 élèves), derrière la place Saint-Bruno. Une convention de partenariat qui prend différentes formes. Les éducateurs participent par exemple aux recherches de stage pour les élèves de 3eme et au repérage des jeunes en difficulté ou en voie de décrochage. Une proposition d’accompagnement personnalisé par le Codase est faite aux familles, comme l’explique Emilie Buttolo, CPE du collège : « Pour les situations délicates, c’est un partenaire hyper important. On a nos attentes de système scolaire, les familles leurs attentes de parents et le Codase apporte un regard extérieur qui arrive à manier tout ça. » De même, le concours de l’association est sollicité dans la compréhension de la sanction. « On essaye de la coupler avec une rencontre éducative de deux heures avec un des éducateurs », poursuit la CPE. « Elle débute par un rendez-vous dans mon bureau, ensuite je ne suis plus présente car je représente justement cette sanction. Cela permet à l’élève d’avoir un autre regard que celui de l’école et de parler plus librement, seul avec l’éducateur. Le but, c’est qu’il comprenne ses manquements et la cause de la sanction. Ensuite, on organise un retour pour savoir ce qu’il en a retenu. » Les éducateurs de rue sont également invités aux commissions éducatives : ils jouent un « rôle important de dialogue » dans ces instances, afin de trouver une solution pour les collégiens en difficulté. « On représente une main tendue », estiment-ils. « Si on disparaît, il n’y aura plus personne pour faire cela à notre place. » Enfin, ils animent, avec un assistant d’éducation, des groupes de parole baptisés « sac des filles » (avec Julie) et « sac des garçons » (avec Orazio). Ceux-ci se réunissent toutes les deux semaines, sur libre adhésion. « On repère certains élèves mais on ne les force pas », précise Emilie Buttolo. Une possibilité de « parole un peu plus libre », qui peut se prolonger dans les locaux du Codase.

La CPE se dit en tout cas « très inquiète » de la disparition de la prévention spécialisée : « Leur action au-delà de l’établissement se ressent au sein du collège. Ici, tous les élèves habitent à Saint-Bruno donc l’ambiance du quartier déteint forcément sur nous. En plus, ça ne sera remplacé par rien. En interne, on ne peut pas l’apporter : le Codase amène à l’intérieur du collège quelque chose qui n’est pas institutionnel. » Comme un ultime baroud d’honneur, personnel éducatif, parents d’élèves et collégiens se sont rassemblés le 27 janvier dernier sur le parvis du collège Fantin-Latour pour exprimer leur mécontentement et soutenir les éducateurs spécialisés. Fatia ( [3]) a quatre enfants, âgés de 13, 14, 16 et 18 ans, tous suivis par le Codase : « Pour ma fille aînée, ça remonte à 2009, au collège, et elle a continué après. Elle a participé au ‘‘sac des filles’’ : je ne savais pas ce que c’était mais j’ai trouvé ça très bien pour elle. Ensuite j’ai rencontré les éducateurs. Julie m’a expliqué leur rôle. C’est elle qui a conseillé à ma grande d’aller à la maison d’ados. Grâce à eux, mes enfants ont pu faire plein d’activités différentes : ski, camping... Ils ont appris avec le Codase comment financer leurs sorties, en faisant des brocantes ou des ventes de gâteaux. Julie m’a même aidée au niveau personnel, pour avoir une assurance. » En quittant le rassemblement, Manu, parent d’élève, joue les oracles de mauvaise augure : « Ils sont en train de foutre en l’air tout le travail des éducs dans le quartier, on va revenir à zéro ! Forcément, ça finira par péter à Saint-Bruno et les politiques ne trouveront rien de mieux à faire que d’envoyer la police faire le ménage ! »

Et pour les jeunes errants du centre-ville ?

L’antenne centre-ville du Codase devra également fermer ses portes à partir du 31 mars. Créée en 1992, elle ne remplit pas les nouveaux critères fixés par le Département pour la prévention spécialisée et ce, à double titre : d’une part, par sa position géographique qui la classe hors QPV ; d’autre part, avec son public non résident, autrement dit les jeunes sans domicile – ou « zonards » - de 18 à 25 ans (la nouvelle tranche d’âge éligible étant 12-18 ans). Un coup de massue pour ses deux éducatrices spécialisées et surtout pour les jeunes accompagnés (environ 120 en 2015). Les premières sont en effet souvent les seuls référents sociaux pleinement acceptés par les seconds. « La première chose qu’elles nous demandent, c’est ‘‘t’as besoin de quoi ?’’ », précise Damien, 21 ans. « Certains veulent bosser, d’autres parler, d’autres encore des médicaments. Et si on ne vient pas
à un rendez-vous, ce n’est pas grave. » « Il n’y a pas de jugement, on avance vraiment comme le veut la personne », assurent Sophie et Vanessa, les deux éducatrices. Tous les jeunes ou presque ont été rencontrés dans la rue, principal « terrain de chasse » des éducs : « Dans Grenoble, on ne voit ni les magasins ni les clients, seulement les jeunes ». Assis tranquillement avec ses quatre chiens dans le local, place Notre-Dame – l’un des rares lieux où on les accepte -, Pti Jean, 23 ans, raconte son premier contact avec le Codase : « Je faisais la manche, j’ai rencontré Vanessa et on a fait connaissance petit à petit. Un jour, je lui ai expliqué que j’étais en grosse galère. Elle ne m’a pas proposé de sous mais du travail. Et j’ai donc pu faire un chantier à la Bastille, l’été dernier. » Les éducatrices l’aident aussi à refaire ses papiers et obtenir la garantie jeunes. Pour lui, ce fut un vrai
« coup de pouce pour arrêter les conneries : aujourd’hui, j’ai arrêté de faire la manche, je bois beaucoup moins, je suis apte à chercher un travail et je me suis inscrit à une formation d’éducateur canin ! » Mout, 25 ans, paysagiste de formation, était depuis deux ans à Grenoble, « soit dehors soit en squat. Je n’avais pas confiance en moi, le Codase m’a relancé et aidé à trouver du travail. J’ai pu aller à un atelier paysagiste, être ponctuel. Maintenant, je suis prêt à rebosser. » Damien narre une anecdote similaire : « J’avais signé un contrat de deux semaines pour un chantier éducatif avec Synergie mais j’avais trop bu, je n’étais pas motivé. Elles sont venues me chercher pour m’emmener. » L’aide fournie par les éducatrices de rue prend des formes multiples : démarches administratives, soins et lutte contre les addictions, aide à l’hébergement – même si les outils sont minimes -, accompagnement vers la Mission locale ou le Service local de solidarité (SLS), retour au monde de l’emploi... Pour ce dernier point, divers dispositifs existent : les chantiers à la semaine ou la quinzaine avec Synergie, ainsi que « l’alternative à la manche ». Un système qui permet aux jeunes de travailler à la journée et d’être payés le lendemain. « Ça leur permet d’avoir un peu de liquide tout de suite s’ils veulent se payer une nuit à l’hôtel ou à manger », expliquent les éducatrices. Et puis, le local sert aussi de lieu d’accueil où les jeunes peuvent venir tout simplement se poser et discuter. Malheureusement pour eux, le Département sifflera la fin de la partie dans moins de deux mois. « Sans nous, il n’y aura personne pour les aider à pousser la porte du SLS », craint Sophie. Damien, lui, ne cache pas son scepticisme : « Dès que le Codase sera fermé, ce sera fini pour moi. Il n’y a rien d’autre qui pourra me rebooster. »

Notes

[1Les prénoms ont été modifiés à la demande des personnes interrogées.

[2Les prénoms ont été modifiés à la demande des personnes interrogées.

[3Les prénoms ont été modifiés à la demande des personnes interrogées.