Accueil > Oct. / Nov. 2013 / N°22

Le nom de notre journal volé par des malfrats

Courrier envoyé à l’hebdomadaire Le Point (qui vient de lancer un « supplément idées  » intitulé «  Le Postillon  »)

À l’attention de Franz-Olivier Giesbert (directeur de publication du Point) et de Sébastien Le Fol (manager des pages « Le Postillon  » du Point).

Bonjour,

Nous avons découvert avec stupeur que vous faisiez la publicité de notre journal Le Postillon. Nous aurions pu vous en être reconnaissants, et vous envoyer en guise de remerciement, un superbe autocollant « Tout est bon dans Le Postillon  », à coller sur votre frigidaire. Vous n’en aurez point. Pourquoi ? Parce que vous utilisez la notoriété, la renommée mondiale et l’aura intellectuelle du bimestriel que nous avons lancé il y a quatre ans à Grenoble et dans sa cuvette, pour vous couvrir de gloire. Votre déclaration d’intention énonce : « Pour dénoncer les bêteries du jour, faire vivre le débat d’idées et nous déployer d’avantage encore dans le domaine intellectuel, nous avons décidé de lancer en fin de journal, sous la direction de Sébastien Le Fol, un supplément : Le Postillon.  » Ce que vous ne dites pas, c’est que pour vous le débat d’idées est avant tout mercantile : en plus de nous voler le nom du titre, vous vous êtes empressés de le déposer à l’INPI (Institut national de la propriété industrielle).
N’aurait-il pas été plus honnête d’intituler ces quelques pages fades glissées à la fin de votre hebdomadaire d’un nom aussi insipide que celui de votre hebdomadaire : «  Rebonds », « Débats » ou encore «  Points sur les i  » (nous venons de déposer la marque) ?

Étant donné que les journalistes modernes, dont vous êtes, passent plus de temps derrière un écran que sur le terrain, vous avez sans doute utilisé un moteur de recherche pour savoir si ce titre était déjà utilisé. Outre les vins du Postillon, la pièce de théâtre Le Postillon de Longjumeau ou les hôtels-restaurants du Postillon, la première page sur laquelle vous êtes tombé vous a signalé que Le Postillon était un journal papier de Grenoble et sa cuvette. Entre deux articles sur l’immobilier-ville-par-ville et le-vin-cave-par-cave, vous avez même peut-être perdu un peu de votre temps précieux à lire certains de nos articles sur les sites internet des Renseignements Généreux, d’Indymedia Grenoble, d’Article 11 et tant d’autres.
C’est certainement en découvrant notre sérieux jamais démenti, notre écriture limpide et clairvoyante, notre flair constant et notre modestie inégalée que vous avez été séduit par ce nom du Postillon. Malheureusement pour vous, le simple plagiat de notre titre ne vous permettra pas de connaître l’ardeur qui nous anime et comme les autres « grands  » journaux, vous resterez toujours dépendants de la publicité qui infeste vos pages (60 pages de pub presque exclusivement « de luxe » sur 168 pages dans le n°2139) et des subventions publiques d’aides à la presse (4 543 178 euros pour votre sac-à-pub en 2011). Quand on sait que votre propriétaire est le milliardaire François Pinault (troisième fortune de France), vous êtes de toute façon condamnés à être le porte-voix des puissants. Vous ne connaîtrez donc jamais la joie qui est la nôtre de réaliser un journal sans aucun intérêt économique et de pouvoir ainsi être définitivement débarrassés des « gendarmes de l’intelligentsia » que vous faites mine de pourfendre.
Pour votre gouverne, sachez que notre «  torchon de luxe  » (dixit la ministre Fioraso) est une résurrection du Postillon de l’Isère, qui existait bien avant que Le Point ne publie une ligne (1972). Paraissant à l’improviste entre 1885 et 1886 (Le Postillon était un nom courant de journal au XIXème siècle), il n’avait «  pas de programme, car les programmes sont gênants, on a trop l’occasion d’y manquer ensuite. Les députés de l’endroit ne diront pas son contraire. (…) Il ne respectait rien, se hâtait de rire de tout et cinglait les politiciens » (Henry Rousset, La Presse à Grenoble, 1700-1900). Vous qui respectez tant les politiciens, ne faîtes rire personne et ne déviez jamais de votre programme qui consiste à vendre du papier aux CSP+, vous conviendrez que ce nom est fort mal choisi pour vous.

Compte tenu des désagréments, en terme d’image, que vous causez à notre journal et à notre ancêtre du Postillon de l’Isère, nous exigeons donc dans les plus bref délais, avant de faire appel à notre brigade d’avocats :

  • De nous envoyer « l’ordinateur ultraportable 10  » et «  le lecteur multimédia HD et son disque dur intégré » que vous proposez à vos abonnés, pour leur donner une bonne raison de débourser les 98 euros annuels. Veillez, par contre, à ne pas y joindre votre journal.
  • De publier ce courrier dans votre supplément «  Le Postillon » parce que comme vous le dites si bien « Au Postillon, on ne s’indignera pas. On résistera contre tous les big brothers ».

Cordialement,

Toute l’équipe du comité de rédaction du Postillon.