La Résistance n’est pas éternelle
Tout le monde le sait : Sarkozy a prononcé le 30 Juillet à Grenoble un discours devenu depuis célèbre pour sa radicalité sécuritaire. Nombre de socialistes ou de verts se sont depuis indignés que le nom de Grenoble soit associé à une parole xénophobe, en faisant notamment valoir que Grenoble avait été une grande ville résistante pendant la seconde guerre. L’ADES (association proche des verts) a ainsi titré son communiqué, le 31 juillet : « Un discours qui déshonore Grenoble, ville ‘‘Compagnon de la Libération’’ ». Mais cette image d’Epinal d’une ville résistante mérite d’être brisée : « à côté de la ‘‘capitale de la Résistance’’ exista un autre Grenoble, que le ‘‘syndrome de Vichy’’ tend à occulter, un Grenoble de la dévotion au Maréchal, de la participation à la Révolution Nationale, un Grenoble de la haine des ‘‘terroristes’’ qui suivit solennellement les funérailles des miliciens exécutés par la Résistance »(*). Ce côté obscur de l’Histoire dauphinoise est très peu évoqué par les élus d’aujourd’hui, car il est toujours plus facile pour un responsable de s’appuyer sur un passé supposé glorieux. D’autant plus que les anciens élus et responsables de l’époque n’étaient pas du côté des « terroristes », mais de celui du soutien à Vichy : « Dans la diffusion du maréchalisme, les autorités civiles tinrent un rôle éminent, du maire Paul Cocat, assurant le maréchal du ‘‘dévouement’’ total de la population grenobloise à sa personne et à son oeuvre » (Le Petit Dauphinois, 28/08/1942) à Mgr Caillot, multipliant les prises de position favorables à Pétain ‘‘l’homme providentiel tenu en réserve par Dieu pour empêcher la France de sombrer’’, en passant par le préfet Didkowski » (*). Aujourd’hui, si Michel Destot est capable de faire de grandes phrases sur le passé glorieux de « sa » ville, il n’a pas été capable, pendant le discours de Sarkozy, de « résister », c’est-à-dire de faire une esclandre et de s’insurger contre les paroles nauséabondes du président. Et c’est ce manque de courage politique qui « ne fait pas honneur à notre ville » et qui nous rappelle que la résistance est un combat quotidien, et non pas le souvenir d’un lointain passé. Ce n’est pas parce qu’on a vaincu la peste un jour qu’on est naturellement vacciné contre le choléra.
(*) Jean William Dereymez, dans Les Facs sous Vichy, 1994.