Accueil > Été 2012 / N°16

Edito

C’est triste, mais c’est comme ça !... Nous devenons bourgeois.... Nous paraissions «  à l’improviste  », c’était original, si l’on veut [1] ; nous sommes maintenant «  bimestriel  », c’est classique. Notre petite brochure des débuts toute de noir & blanc vêtue ressemblait plus à un fanzine qu’à un journal, c’était charmant  ; nous avons aujourd’hui de la couleur pour la une et une belle maquette pour le reste, c’est attendu. Il fallait chercher longtemps pour trouver un des rares bureaux de tabac qui nous vendaient, c’était amusant ; nous sommes maintenant en vente chez plus de la moitié des buralistes de Grenoble, c’est trop facile. Nous devions faire étalage de tous nos talents de rhétoriciens pour espérer vendre quelques journaux sur le marché, c’était stimulant  ; nous n’avons même plus besoin de crier pour écouler des dizaines d’exemplaires dès qu’on en sort une pile, c’est lassant. Nous n’étions rien d’autre qu’un petit journal papier has been de province inconnu au bataillon des «  vrais  » médias, c’était attendrissant  ; on parle de nous ces temps-ci sur tous les sites Internet nationaux branchés, de «  Owni  » à «  Article 11  » en passant par «  Planète sans visa  », c’est blasant.

La faute à Geneviève Fioraso, aussi. Qui aurait cru que la médiatisation due au portrait qu’on lui a consacré allait lui permettre de devenir ministre trois mois plus tard ? Avis aux potentiels ministrables isérois pour le futur remaniement : contactez notre service «  personnalités  » pour vous placer au mieux. Nous tenons d’ailleurs ici à nous excuser auprès du maire Michel Destot pour le manque de considération que nous lui avons accordé ces derniers mois. Un défaut de médiatisation qui lui a sans doute coûté la place au profit de son ancienne secrétaire et subalterne et qui le plonge aujourd’hui dans une profonde déprime. Quelle tristesse pour lui qui s’ennuie tant sur son fauteuil de simple député depuis vingt-quatre ans, mais dont il aimerait jouir encore pendant cinq années. Quelle injustice pour lui qui s’est tellement démené pendant cette campagne en allant rencontrer tous les grands patrons pour les rassurer sur la compatibilité de la politique « socialiste » avec leurs intérêts. Heureusement, en restant à Grenoble, il pourra continuer à mener une vie normale et tous les deux mois aller chez le buraliste sans garde du corps pour acheter un journal bientôt aussi établi que lui. C’est consolant.

Notes

[1Ce début d’édito est une reprise mot pour mot d’un édito paru en 1885 dans la première mouture du Postillon de l’Isère.