Accueil > Décembre 2015 / N°33

Des petites histoires à la pelle

Dernières nouvelles de la paix sociale

Cinq cent cinquante morts. Kalashnikov ? 22 long rifle ? Bombe ? P 38 ? Non : « travail ». Il y a environ 550 morts au travail par an en France. Des milliers de blessés. Des dizaines de milliers de déprimés. Pourtant la souffrance au travail n’existe quasiment pas dans l’espace médiatique. Encore plus en ces temps, où la guerre au terrorisme envahit les écrans, et où ceux qui ont un emploi devraient se considérer comme assez chanceux pour ne pas la ramener. L’état d’urgence et l’unité nationale imposeraient la paix sociale. Mais certains grincheux continuent à vouloir rendre publiques les dérives de leur boîte ou les menaces qui pèsent sur leur métier. Quelques-uns sont venus toquer à la porte du Postillon.

Misère du journalisme de province. En ces temps mouvementés, on ne peut qu’être envieux des gratte-papiers de la capitale. Ah ! Comme ils sont bien lotis ! Imaginez tous les sujets passionnants qui leur tombent dans les bras, n’attendant que leur stylo : récit d’un survivant des massacres, réaction d’une proche de victime, analyse d’un Paris sous état d’urgence. Et nous, pendant ce temps là, on doit se fader toujours la même chose, les conférences de presse de la mairie ou de telle association, les râleries des commerçants, les procès d’un « simple » double-meurtre, la plantation de trois arbres telle rue, la trépidante campagne des élections régionales…

On a bien quelques retombées locales de l’état d’urgence à traiter (voir pages 6-7) mais c’est un peu maigre. Alors en cliquant frénétiquement sur les lives des sites d’actualité, on repense souvent à cette citation de Jean Hatzfeld, un journaliste de guerre, qu’on a lue dans la revue l’Oeil électrique (été 2001) : « Pour les journalistes, en tous cas pour moi qui aime raconter les histoires, il est infiniment plus facile de travailler pendant une guerre malgré les risques. Les relations des gens entre eux, et les relations entre les journalistes et ces gens, sont très simplifiées, beaucoup plus directes, beaucoup plus sincères. Quand on raconte une histoire, qu’est-ce qu’on fait ? On essaie d’atteindre les protagonistes de cette histoire et de les faire parler. À la guerre, quand vous êtes à Vukovar et que les gens prennent deux mille obus par jour, ils vont vous dire ce qu’ils pensent parce qu’ils n’en ont rien à foutre de tricher. Vous êtes dans une cave, ça pleut de partout, vous parlez avec eux... Je caricature de manière un peu bête mais c’est comme ça que ça se passe, les amitiés comme les inimités sont plus réelles, les relations sont beaucoup plus profondes, très éclairantes sur ce qu’est la nature humaine. »

Si cette citation nous fait écho, ce n’est pas du tout parce qu’on aimerait vivre en temps de guerre (ah bon ? On est en guerre ?), mais parce qu’un de nos buts, c’est aussi de réussir à raconter des histoires et d’avoir des « relations profondes, éclairantes sur ce qu’est la nature humaine ».
Des histoires, on en a des tas à raconter. En fait, des lecteurs nous demandent de raconter les leurs. Elles sont pas très sexy. Il n’y a pas de sang, pas de balles, pas de GIGN, pas d’assignation à résidence, pas de perquisitions.
Elles ne parlent pas de la guerre qui s’affiche aujourd’hui sur les chaînes de décervelage en continu, mais d’une guerre bien plus ancienne, qui ne s’est jamais arrêtée, qui continue tous les jours de faire des ravages ici et là : la guerre économique.

Ce sont des petites histoires, avec des petites gens et des petites entreprises. Pas de grands patrons célèbres, pas de manifestations de milliers de personnes. Mais elles racontent toutes quelques facettes du monde moderne. C’est pas facile de se retrouver comme ça avec toutes ces histoires, et de ne pas savoir comment en prendre soin. J’aimerais avoir le talent d’un conteur pour vous captiver en les narrant, hélas je ne suis qu’un petit journaliste.

Des médocs plutôt que de l’humain

Il y a d’abord Dominique qui a insisté pour rencontrer quelqu’un du journal. Cette personne bosse au CSAPA (Centre de soins, d’accompagnement et de prévention en addictologie) Hauquelin, vers Notre-Dame. Elle fait partie d’une équipe pluridisciplinaire (médecins, psychologues, infirmières, éducatrices, assistantes sociales, secrétaires) qui accueille et accompagne des personnes dépendantes, essentiellement toxicomanes. Seulement voilà : il y a quelques mois le chef de ce centre, un professeur en neuropharmacologie nommé par le CHU, a rédigé un nouveau projet, tout seul dans son coin. Son dessein : réduire le côté social de ce centre pour renforcer le médical. En gros : les toxicos, on arrête de leur parler, on les bourre de médocs, et point barre. Au passage, on supprime quatre des onze postes du centre.

Est-ce parce que ça ne fonctionnait pas ? « Non pas du tout. C’est ça qui est terrible, c’est que ça marche : l’année dernière, les résultats d’un audit externe ont été très satisfaisants, ce qui nous a redonné l’autorisation d’exercer pour les vingt prochaines années ». Donc ce projet est pour ceux qui y travaillent injustifié et dangereux, surtout dans ce « contexte » : « les toxicos sont aussi des personnes qui peuvent potentiellement se ‘‘radicaliser’’. S’il n’y a personne pour les humaniser, ils se déshumanisent. » Le problème c’est que c’est Le Grand Professeur qui décide - même si « à notre sens on est autant spécialistes, mais lui a plus de diplômes ».

Alors, avec les syndicats, il a fallu entrer dans la bataille pour faire capoter le projet. Avec les grands moyens : manifestations, pétitions, interpellation des partenaires. Ça fait six mois qu’ils se battent, pas tant pour leur job (de toute façon ils font partie de la fonction publique hospitalière et seront normalement recasés quelques part) que pour l’idée qu’ils se font du métier : ils croient dur comme fer en cette « magnifique synergie associant les dimensions médicales, socio-éducatives et psychologiques » pour prendre en charge la « complexité des mécanismes à l’œuvre dans ces longs suicides sociaux que sont les dépendances extrêmes. La politique de la prescription fait que les gens ne sortent jamais de leur toxicomanie. Le médical sans le social, ça ne marche pas ». Dans une lettre de soutien, un médecin alerte : « Qu’adviendra-t-il le jour où un patient en état de manque ne trouvera plus un tel service qui continue à le considérer et à le traiter en être humain ? On sait la violence radicale contre autrui que cela peut déclencher. (...) Notre devoir est de le signaler : le démantèlement du centre Hauquelin aurait des répercussions sur les services médicaux mais aussi sociaux, alors que ceux-ci sont déjà menacés d’engorgement. Les effets sont aujourd’hui imprévisibles car ils viendraient déséquilibrer un système d’une complexité et d’une fragilité incommensurables. »

Des soutiens, il y en a eu plein : de la mairie, qui reste « frileuse », jusqu’à des lettres des juges d’application des peines ou du service de probation d’instruction des peines (SPIP). Officiellement tout le monde est d’accord avec le centre Hauquelin, et pourtant le projet du Grand Professeur demeure. C’est que le monsieur est un ponte, qu’il est soutenu par le doyen de la faculté de médecine, et « qu’il y a un respect de la hiérarchie très fort dans le milieu médical. C’est très mal vu de s’opposer à un professeur. » Pourtant, lors d’un conseil de surveillance de l’hôpital, en juin dernier, les responsables s’inquiétaient « d’une régression de la prise en charge côté social ». Le président de la Commission médicale d’établissement avait même affirmé que « des changements doivent intervenir en termes de management, on ne peut pas continuer ainsi ». Un mois plus tard, toute la direction de l’hôpital faisait finalement bloc derrière Le Professeur.

Depuis quelques mois, Dominique et ses collègues ont droit à leur lot de pilules balancées pour leur faire gober le projet : des séances de « coaching individuel et collectif » ont été mises en place. « C’est ridicule, la direction veut faire comme si elle avait tout essayé avec nous. Alors qu’en temps normal, on n’arrive pas à avoir une centaine d’euros pour acheter des timbres, là ils louent un château à Gières pour faire des séances de ‘‘coaching’’ ».

C’est rageant de l’écouter, de voir comment la volonté d’un homme haut placé peut aller contre le bon sens et le travail d’une dizaine de personnes. Et en même temps, ça fait du bien, de voir qu’ils continuent à se battre, malgré tout, « parce qu’on est une équipe soudée, soutenue par un collectif de patients ». De voir qu’ils restent fiers de leur « manière de fonctionner, qui est atypique et un peu utopique. On s’adapte à la réalité et à l’histoire de chacun, au lieu d’appliquer tout le temps la même méthode. Ils aimeraient nous transformer en ‘‘case managers’’, que notre métier rentre dans un cadre alors que c’est par nature complexe et qu’il faut pour cela avoir un minimum d’autonomie et de confiance ». De voir qu’au moins ils se battent contre le fond de l’air de l’époque : réduire les coûts du social, rentabiliser, médicaliser tous les « problèmes ».

Menaces sur la prévention spécialisée

Médicaliser un temps, et puis aussi abandonner ou emprisonner. Un salarié du Codase (Comité dauphinois d’action socio-éducative) est venu toquer à notre porte pour nous faire part de ses inquiétudes : le nouveau Conseil départemental, qui finance toutes les structures de prévention spécialisée, laisse planer le doute quant à l’avenir de son soutien. Il y a environ 90 éducateurs de rue dans le département qui sont, comme le dit une pétition « le dernier regard, la dernière écoute, la dernière main tendue de la république » à certains habitants des quartiers. Notre visiteur enchaîne : « Les gamins qu’on accompagne sont des fois complètement déstructurés. On essaye de leur donner un cadre, mais depuis plusieurs années on voit bien monter la radicalisation de certains, une pratique religieuse plus affirmée, et une hostilité très forte envers l’État français ».
Le directeur général des services du Conseil départemental, Vincent Roberti, a rencontré les responsables des structures pour leur dire que la prévention spécialisée n’était pas une compétence obligatoire du département et que le nouvel exécutif de droite hésitait entre baisser un peu le budget (de l’ordre de 7%), le baisser beaucoup plus ou supprimer carrément toutes leurs subventions. Ils devaient leur donner une réponse fin novembre, et finalement ils l’ont repoussée au 14 décembre, soit deux jours avant le vote du budget départemental du 16. Ceci afin d’éviter que ces professionnels puissent se mobiliser et faire du bruit avant le vote qui sacraliserait le choix. Ce planning serré prouve que le Conseil départemental redoute quand même une potentielle mobilisation.
Avec 90 éducateurs, l’hôtel du département ne risque pourtant pas d’être pris d’assaut par une foule menaçante. Le mouvement social est loin d’être fort en ce moment, mais les miettes qu’il en reste continuent à potentiellement déranger. Même avec l’impression de perdre, ça vaut le coup de continuer à dire « non ».

Embouteillages à la médecine du travail

À ce stade, vous croyez peut-être que je ne vais raconter que des histoires ayant un petit lien avec les « événements », et les jeunes paumés qui traînent dans la rue et qui pourraient finir par faire des conneries. Mais non. J’enchaîne en parlant de l’Alliance française de Grenoble. Vous connaissez ? C’est une association, présente dans le monde entier, dont le but est de permettre aux étrangers d’apprendre et de se perfectionner en français. Elle accompagne notamment des étrangers aisés, du genre qui travaillent au CEA ou d’autres entreprises du polygone. Mais bref, là n’est pas le sujet : bien qu’étant une association, l’Alliance française n’a pas les meilleures pratiques envers ses salariés.
Claire a été licenciée en 2015, comme dix des quatorze autres salariés, la majorité étant des professeurs, sans raison apparente. Je ne vous raconterais pas ici les détails tordus de l’affaire - le remplacement de certains CDI par des CDD et autoentrepreneurs jetables à l’envi, la révision à la baisse des conditions de travail de certaines salariées maintenues, sans même parler des conditions d’apprentissage des élèves - pour m’attarder sur un point intéressant : la souffrance au travail n’existe pas seulement dans les grands groupes, elle est également bien présente dans des « petites structures », même dans une « association à but non lucratif », comme l’Alliance française. Amère, l’ex-salariée balance : « C’est une association qui s’est entichée de l’idée d’entreprise. Ils se vantent d’être une ‘‘association entrepreneuriale’’, ont organisé en interne une ‘‘analyse stratégique’’, mais ils n’ont pas d’éthique. Dans ce genre d’association, beaucoup d’administrateurs, qui s’accrochent terriblement à leur poste, se croient tout permis et sont en fait là pour se venger de quelques frustrations. Ils sont persuadés de faire le bien et laissent libre cours à leur ego. En fait , ils font comme dans les grandes entreprises, mais de manière bénévole. » Si Claire est parvenue à négocier son départ, d’autres professeurs sont sur le carreau. Les prud’hommes ont à priori des beaux jours devant eux. Et les salles d’attente des médecins ne devraient pas désemplir. Une toubib a ainsi répliqué à un des salariés éreintés : « avant des cas comme le vôtre, j’en voyais une fois par mois, maintenant c’est une fois par semaine ».

Virer son patron ?

C’est vrai que les prud’hommes ne désemplissent pas. Beaucoup d’anciens salariés y vont par défaut, pour récupérer un peu d’argent après avoir été licenciés. D’autres s’en servent comme une arme. Julien a pour but de créer une jurisprudence pour « virer son patron ». Lui est chauffeur de bus et ne supportait plus la manière dont il bossait. « Beaucoup de gens ne le savent pas, mais la quasi-totalité des chauffeurs de car, à part ceux bossant pour VFD, sont prévenus la veille de s’ils vont travailler et dans quelles horaires du jour ou de la nuit. Tu ne peux jamais rien prévoir d’autre, ni pour ta vie privée, ni forcément pour s’organiser entre collègues et ouvrir sa gueule : on ne peut pas fixer une réunion parce qu’on ne sait jamais quand on bosse. C’est plus qu’usant, et invivable tellement cela te désocialise : déjà que le métier te prend de très grandes amplitudes horaires sur la journée (une quinzaine d’heure) souvent sur six jours par semaine. Ces conditions ne te permettent vraiment pas de vivre, et certains finissent aigris après avoir perdu leur famille, seuls avec un car pour unique compagnie ! Pourtant c’est soutenu par toutes les collectivités publiques, généralement de gauche, qui organisent les transports. »
Alors Julien a rompu son contrat puis est allé aux prud’hommes afin de transformer sa démission en demande de licenciement au « tort exclusif de l’employeur ». La procédure est en cours : Julien découvre la difficulté pour un simple salarié de s’y retrouver dans ce dédale administrativo-judiciaire. Plus que de l’argent, il aimerait surtout profiter de l’occasion pour faire connaître les conditions de travail des chauffeurs de cars.

Malade à cause de la piscine

Vous voulez encore des histoires ? Soit. Je vais vous parler des piscines de Grenoble. Un monsieur de soixante-dix ans nous a appelé plusieurs fois : « vous me faîtes souvent marrer, alors je voulais vous raconter mes démêlés avec la ville de Grenoble ». Après avoir passé une bonne partie de sa vie au Mexique, Gabriel est revenu en France à 57 ans et s’est fait embaucher comme maître-nageur dans les piscines grenobloises, poste qu’il avait déjà occupé pendant huit ans dans les années 1970. Toute la journée à la pistoche, elle est pas belle la vie ?
Pas vraiment, au début des années 2000 à Grenoble, où toutes les piscines municipales sont vétustes, et non entretenues. La mairie délaisse un peu des vieilles piscines comme celle de Chorier-Berriat, parce qu’elle concentre son budget et son énergie sur « un projet de prestige : la piscine des Dauphins. Alors qu’à Chorier, l’atmosphère est polluée à cause d’un dérivé du chlore dans l’atmosphère et de systèmes de ventilation défectueux. Des analyses bidons sont effectuées, occultant cette pollution. Pour protester, huit salariés exercent leur droit de retrait, ceci occasionnant la fermeture de la piscine pendant dix jours en 2006. En janvier 2007, quatre maîtres-nageurs bénéficient de plusieurs mois d’arrêts-maladie ». Gabriel signale à la médecine du travail puis à l’hôpital la dangerosité de l’air à la piscine Chorier-Berriat. En octobre 2007, Gabriel se retrouve hospitalisé pendant cinq jours, dont deux en réanimation intensive. Reconnu en maladie professionnelle, il ne reçoit néanmoins aucune indemnité et perd son emploi quelques mois plus tard pour « inaptitude au poste ».

Depuis, l’air est paraît-il beaucoup plus sain dans les piscines grenobloises. Mais, Gabriel n’a jamais reçu aucune indemnité, ni pension pour le préjudice subi. C’est pas faute d’avoir essayé. Il arpente depuis plusieurs années le « labyrinthe de la bureaucratie toute puissante », enchaîne les audiences au tribunal administratif et au tribunal des affaires de sécurité sociale. Sans résultats. Mais il s’obstine, le bonhomme, malgré les coûts judiciaires. Pour lui, et aussi par souci de justice, parce qu’il sait qu’en face il a de gros intérêts : « si j’obtiens gain de cause, ce sera la preuve que c’est un problème de santé publique et que plein de gens ont été exposés : non seulement les travailleurs, mais aussi les utilisateurs des piscines. Des milliers d’enfants, des personnes âgées, d’autres très fragiles ont été exposées, ceci occasionnant des allergies ou des maladies. Ils auraient dû rénover les piscines avant de lancer le gros chantier de la piscine des Dauphins. » Son histoire, il a essayé de la raconter à plein de monde, notamment des politiques, mais tout le monde s’en fout. Les maladies professionnelles, c’est pas très vendeur comme sujet, enfin. Ces centaines de milliers de personnes malades, ou mortes prématurément à cause de leur boulot, qu’est-ce qu’on s’en fout, quand on est obsédé par le taux de croissance et la course à l’innovation ?

Les prothèses explosives

Allez, une petite dernière pour la route. Des fois, on reçoit des mails comme ça : « Bonjour cher Postillon. Ton nez à rallonge a peut-être déjà flairé le fumet prometteur qui émane du Grésivaudan...Si tel n’est pas le cas, je ne peux que te recommander de t’intéresser d’un peu plus près à ce qui se passe en ce moment chez Tornier. Le potentiel de conneries semble élevé (…) Tornier est un fleuron de l’industrie grenobloise de la prothèse médicale, familiale à souhait, qui a été vendu aux amerloques il y a quelques années. Depuis, le moral des troupes est en chute libre. Les ricains imposent leur style, avec force grandes messes grotesques, chartes de déontologies à pleurer, tableaux de bord contre-productifs, et exigences de productivité, comment dire, peu compatibles avec le souci de la qualité. En clair, plus ça va, plus les risques que les prothèses pètent dans le corps des patients augmentent... »

Et puis le mail nous pressait de « faire notre travail de journaliste ». On a essayé, vite fait. Sans réussite. Travailler au Postillon, c’est pas toujours facile : on n’a trouvé personne pour nous raconter cette histoire-là (à bon entendeur).
Beaucoup des salariés contrariés par l’évolution de leur boulot ont peur de parler. D’ailleurs, quasiment tous les noms de cet article sont des pseudonymes. On commence à perdre une guerre quand on commence à avoir peur. Dans la guerre économique, les simples soldats ont peur de raconter ce qui leur arrive, leur petite histoire. Il faudrait se contenter de l’histoire officielle, de la communication, alors même qu’on a pu vérifier ces derniers jours la pertinence d’une des citations de Clémenceau : « On ne ment jamais autant qu’avant les élections, pendant la guerre et après la chasse ».