Dans son numéro du mois de mai, Isère Magazine, support publicitaire du conseil général, consacre un dossier de neuf pages pour nous informer que le département est en passe d’expérimenter en 2013 un « bouquet de services à domicile » (comme les offres de bouquet de télé) pour soi-disant aider les vieux [1] à « vivre le plus longtemps possible chez eux ». Pourtant « le plus longtemps possible » ne rime pas forcément avec « mieux » mais qu’à cela ne tienne, les élus semblent s’en contrefoutre.
Ce système au doux nom d’« Autonom@dom » fédèrera comme le précise André Vallini, président à lunettes du conseil général « tout un réseau de professionnels, joignables en permanence, à partir d’un numéro d’appel unique » pour permettre aux Isérois de « vieillir chez eux en sécurité ». Intéressons-nous aux deux pages dédiées aux « appareils qui permettront de rester à la maison ». Digne du télé-achat, Isère magazine présente une série de gadgets photos à l’appui.
Gadget numéro 1 : « ce super téléphone avec écran permettra de voir son interlocuteur, de lui écrire et bien sûr de lui parler ». L’intérêt de ce téléphone vidéo pour un vieux ? Et bien de « communiquer avec ses proches comme s’ils étaient à nos côtés et se sentir plus en sécurité ». Mais imaginer des proches tout simplement physiquement à leur côtés ? Le conseil général n’émet même pas l’hypothèse.
Gadget numéro 2 : la télévision multi-services « pour regarder ses émissions de télévision préférées » dotée « d’une simple télecommande »... une télé quoi. Ça occupe, la télévision, pour « vivre le plus longtemps possible chez soi ».
Gadget numéro 3 : les capteurs « sentinelle ». Un terme emprunté au vocable guerrier qui n’est pas anodin. De petits capteurs répartis aux quatre coins de l’appartement permettront « de détecter une absence inhabituelle », « une pièce inoccupée, des toilettes non utilisées pendant de longues heures... » Fichtre ! Mais que se passera t-il si le vieux déserte son salon trop longtemps pour aller boire un thé avec son voisin de palier ou s’éternise trop longtemps dans sa chambre avec son amant-e ? Et bien « les informations [seront] transmises à un centre d’appels qui [déclenchera] une intervention si besoin ». Gare à toi, vieux : les sentinelles veillent sur toi.
Gadget numéro 4 : des appareils médicaux communicants. Des tensiomètres, des spiromètres, des oxymètres pour réaliser soi même des relevés et « les transmettre à un médecin ». Les médecins qui se déplacent à domicile existeront-ils encore sous l’ère tout-technologique du conseil général ? Et se déplacer chez le médecin du coin, se dégourdir les pattes, une hypothèse encore envisageable chez ces VRP des nouvelles technologies ?
Pour le système « Autonom@dom », c’est simple : le vieux fait tout de chez lui et n’en sort jamais, enfermé entre quatre murs, connecté via des capteurs à son ordinateur, branché à sa télé et à son téléphone en « sécurité ».
Gadget numéro 5 : le bracelet de géolocalisation. « Un simple bracelet montre qui permet de localiser le patient n’importe où » et attention à ne pas « sortir du périmètre défini », sinon un message d’alerte est envoyé à un centre d’appel. Digne des bracelets électroniques pour prisonniers, le vieux sera suivi à la trace. Finies les escapades et les balades à l’improviste. Le vieux sera ramené chez lui dans son espace de vie bourré de capteurs. Mais de quels vieux parle le conseil général ? Sous entend-il qu’ils sont tous destinés à être atteints de la maladie d’Alzheimer ?
Gadget numéro 6 : faire des jeux ! Mais pas n’importe lesquels. « Des jeux vidéos ou numériques » pour « conserver ses capacités motrices et intellectuelles le plus longtemps possible ». C’est vrai qu’après avoir regardé la télé, et parlé par écran interposé à ses proches pendant des heures, rien de mieux que se planter encore devant un ordinateur pour « stimuler l’autonomie » comme le précise la plaquette publicitaire du conseil général. Et jouer à la belote, à la pétanque, à un bon vieux jeu de dame, se prélasser au soleil, marcher entre amis ou militer pour une quelconque cause, non ?
Isère Magazine titre en couverture : « Bien-être et santé à domicile. Les révolutions qui nous attendent ». Des « révolutions » technologiques et déshumanisées faites pour assurer des déboucher aux entreprises qui produistent ces gadgets, tels que STMicroelectronics, Ericsson,Technosens, Nef Inf/ Isotopes, etc...engagés dans ce projet aux côtés de la collectivité.