Accueil > Octobre 2009 / N°02

Cité Viscose à Echirolles : la hausse des charges ne passera pas

Les travaux réalisés l’an dernier pour installer le chauffage urbain à la cité HLM Viscose ont servi de prétexte à une hausse des loyers, sans pour autant faire baisser les prix du chauffage… L’association des habitant-e-s a demandé des explications au bailleur social OPAC 38 ainsi qu’à la Compagnie de Chauffage, société mixte qui réalise des bénéfices. En attendant des réponses claires, certain-e-s habitant-e-s refusent de payer la régulation de charges exigée par l’OPAC en juillet 2009. « Nous voulons payer le prix juste. Nous n’avons pas les moyens de payer des actionnaires ! »

Viscose, c’est le nom d’un textile inventé à Echirolles et de l’usine grenobloise, haut lieu de luttes et de résistance, qui l’a produit jusqu’en 1989. C’est aussi le nom de la cité HLM, aujourd’hui propriété de l’OPAC 38, construite en 1937 à proximité de l’usine pour loger ses ouvriers.

Depuis cet été, les habitant-e-s de la cité, constitué-e-s en association, s’organisent contre des hausses de loyers et de charges. A l’entrée du quartier, le long de la route qui va d’Echirolles à Comboire, plusieurs banderoles déclarent :

«  On ne vit plus / charges-loyers trop chers / ça nous exaspère  »

«  Choisir / se chauffer ou manger...  »

«  Habitants Viscose / tous unis contre les hausses / loyers charges / avec la CNL  »

«  Charges trop chères / isolation en carton / charges au plafond  »

A première vue, la cité HLM ressemble à un village, avec ses petits bâtiments éparpillés, ses espaces verts animés, ses potagers sauvages. Mais le tableau n’est pas idyllique. Les soucis des habitant-e-s concernent l’isolation limitée des vieux édifices, l’entretien insuffisant des parties communes, la route rectiligne qui coupe le quartier sans ralentisseurs ni chicanes, le manque de locaux pour les jeunes du quartier qui n’ont «  que le banc  » pour se réunir, ou encore l’éclairage public défectueux, comme le raconte un habitant : «  c’est le seul quartier dans toute l’agglo où il fait complètement noir le soir  »... Depuis des années, l’association des habitant-e-s a multiplié les interpellations polies à l’OPAC. Réponses : «  nous prenons note  »... A l’infini. Le quartier serait-il trop «  calme  » pour que l’on prenne ses problèmes au sérieux ?

L’année dernière, l’OPAC a réalisé des travaux sans concertation réelle des habitant-e-s : il s’agissait d’introduire le chauffage urbain et d’en profiter pour augmenter le loyer. Auprès des Viscosier-e-s, dont bon nombre se chauffaient à l’électrique, la promesse d’un mode de chauffage plus économique a fait passer la pilule. Mais en juillet 2009, surprise : l’OPAC envoie des factures où tout a augmenté, y compris le chauffage.

Que signifie cette entourloupe ? Pourquoi la cité Viscose figure-t-elle parmi les cités HLM les plus chères de l’agglo en terme de chauffage (12€ le m2) ? L’OPAC aurait-il omis, en installant le chauffage urbain, des travaux d’isolation essentiels ? La Compagnie de Chauffage, société d’économie mixte dont Dalkia/Veolia est actionnaire à 42%, qui réalise des bénéfices et qui a augmenté ses tarifs de 30% récemment, ferait-elle son beurre sur le dos des chauffé-e-s ? «  Désolé-e-s, mais nous n’avons pas les moyens de payer des actionnaires  » signale l’association.

Dans l’attente de réponses dignes de ce nom, une partie des habitants a pris l’initiative de bloquer le paiement de la régulation de charges que l’OPAC 38 a sorti de son chapeau en juillet, et qui, selon les foyers, peut atteindre 600€ (découpés en tranches mensuelles de 76€). En réaction, l’OPAC 38 a rapidement accepté de suspendre la régulation pour quelques mois... Ce qui, pour l’instant, équivaut à repousser le problème mais sûrement pas à le résoudre.

Début septembre, une réunion s’est tenue entre l’OPAC 38, l’association des habitant-e-s et la ville d’Echirolles. Un membre de l’association résume : «  L’OPAC voulait mener la réunion et nous noyer sous des infos techniques. Ils venaient nous raconter la messe et nous expliquer comment on allait donner le peu d’argent qu’il nous reste. Mais on a pris la main dès le début et on a imposé de quoi on allait parler (...) On leur a dit : aujourd’hui il y a des gens qui ne peuvent plus payer leur loyer et qui vont se retrouver dehors. Qu’est-ce qu’on fait ?  ».

L’association a exigé plus de transparence sur les hausses. Elle a demandé à connaître le prix du chauffage «  sorti d’usine  » et «  comment on construit ce prix de 12 € le m2 que nous, locataires, devons payer en bout de chaîne  ». «  Nous commencerons à payer quand nous aurons des réponses.  »

De son côté, la ville d’Echirolles a pris position pour les habitants, et a demandé à l’OPAC 38 de s’engager à mettre en œuvre toutes les actions possibles pour éclaircir la situation.

Pour justifier les hausses, les responsables de l’OPAC 38 et la Compagnie de Chauffage arguent d’un hiver rude et de hausses des prix des matières premières (pétrole, bois). Quand ils essayent de présenter le nouveau chauffage comme un «  confort  » qui peut justifier des hausses de prix, les habitant-e-s corrigent : il s’agit d’un «  droit  ». Enfin, le bailleur social brandit la menace de la division : «  si vous ne payez pas, ce sont d’autres habitants qui paieront pour vous  ».

«  Si on ne paye pas, c’est qu’on ne peut pas payer. On est un quartier où les gens n’ont pas d’argent  », rétorquent-ils et elles. Beaucoup sont ouvrier-e-s retraité-e-s. Et certain-e-s, face à ces hausses, envisagent de déménager : «  Mais pour aller où ? La crise du logement est partout. A la rigueur, les gens vont quitter l’agglo. Est-ce que c’est ça que les autorités veulent ?  ». «  Par dignité, il y a ici des personnes âgées qui vont préférer faire des économies sur leur nourriture plutôt que d’avoir des factures en retard. C’est inadmissible d’en arriver là  », s’indigne un Viscosier.

Les habitant-e-s attendent donc des explications sur les hausses récentes et veulent payer le juste prix en matière de chauffage, un prix moyen. A terme, ils et elles revendiquent une baisse des charges et des loyers.

Le prochain rendez-vous officiel devrait réunir l’association, l’OPAC 38, la ville, la CNL
et la Compagnie de Chauffage, à laquelle l’association demande également des comptes.

La stratégie de l’OPAC 38 semble être d’invisibiliser l’affaire et de l’étouffer en faisant traîner les choses. En face, l’association des habitants propose au contraire de faire connaître son combat partout dans l’agglomération. Ainsi, de nouvelles banderoles, provenant explicitement d’autres quartiers, et dénonçant les dégâts de la guerre du logement, sont invitées à venir orner à leur tour l’entrée de la cité.

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