La police grenobloise passe aux aveux
Dimanche 3 Juillet. La France a battu l’Islande en quart de finale de l’Euro de football. Émotion, drapeau tricolore : le cours Jean Jaures est rapidement envahi par des centaines de supporters. Sous les sifflets, les coups de klaxon et les chants, des jeunes s’en prennent, hilares, à des automobilistes qui tentent vainement de circuler sur le cours. Coups de pied dans les portières, jets de pétard à travers les fenêtres, concours de saut sur les capots... les voitures sont secouées de droite à gauche par un nombre toujours grandissant de jeunes très éméchés. Dans les habitacles, les conducteurs et passagers ont le regard tétanisé, les joues blêmes. Ils sont crispés au volant, ne pouvant ni faire demi-tour ni avancer. Certains tentent une accélération périlleuse parmi les supporters qui continuent d’affluer. Un phare explose, les carrosseries se brisent, des insultes pleuvent, la tension monte.
Quelques fêtards avertis se dirigent vers les forces de l’ordre, qui à cinquante mètres de là, bras croisés, contemplent la scène impassibles. Ils sont quelques-uns à demander aux policiers d’intervenir.
- « Il va y avoir des morts ou des blessés graves ! » dit un premier homme.
- « C’est rien, c’est festif » tranche un policier, large sourire aux lèvres.
- « Mais il va y avoir des morts ! »
- « ça va...c’est bon. » L’agent tente de dédramatiser. Ou de se déculpabiliser.
Une jeune femme se lance alors dans un discours : « ça fait quatre mois que vous nous gazez la gueule alors qu’on manifeste pacifiquement pour nos droits mais par contre quand des fanatiques morts pilos agressent par dizaines des conducteurs pour du foot on laisse faire ». - « Mais Madame, nos patrons c’est le Qatar, c’est l’Uefa, c’est les multinationales. On n’a pas d’ordre de charger ! ». Le policier qui a parlé s’était fait discret jusqu’à présent, mais sa phrase, si juste, résonne comme un aveu d’impuissance. Presque de désespoir. En tout cas de lucidité. Une phrase inattendue et désarmante qui tombe comme un couperet et qui coupe court à toute négociation.
Ce soir là, il y avait très peu de policiers en circulation à Grenoble. À la même période, le dispositif policier mis en place pour les manifestations était autrement plus impressionnant. Lanceurs de balle de défense, usage de gaz lacrymogène et de grenades de désencerclement, matraquage, provocation, les interventions des forces de l’ordre furent souvent violentes et disproportionnées.
Dans un tract dénonçant le manque de sécurisation autour des matchs, la CGT police s’indigne en parallèle du recours arbitraire à la violence policière contre les manifestants : « Pendant ce temps là, le gouvernement n’exclut pas de nouveaux recours arbitraires face à la colère sociale... ». Conseils aux manifestants : pour défiler tranquille, demandez à l’Uefa de vous sponsoriser.