Avec le fan-club de benoît hamon
J’ai toujours eu une grande tendresse pour les losers. Alors forcément pour cette élection présidentielle, ma compassion s’est naturellement portée sur les militants socialistes. Les pauvres ! En 2012, ils avaient tous les pouvoirs à Grenoble (mairie, département, région, État). Cinq ans plus tard, ils ont perdu les élections municipales, départementales, régionales, et leur candidat s’est pris une des plus grosses branlées d’un socialiste à la présidentielle (6,3 % des voix au premier tour). Alors, j’ai eu envie d’aller voir l’état des troupes – je vous ai déjà dit que j’aime les causes désespérées ?
Comme je suis jeune, on m’a dit d’aller militer avec les jeunes, soit le fameux mouvement des jeunes socialistes (MJS). Voilà comment, ce mardi 25 avril, je me suis retrouvée à La Table ronde, pour faire un bilan du premier tour avec le MJS.
On est 21, à peu près autant de filles que de garçons. Forcément, c’est pas la grande joie et le président, Hugo David, ouvre la séance en constatant « un vrai désastre, une véritable débâcle » avant de lancer un tour de table avec post-it. Et ce qui est frappant, c’est la foi intacte dans les qualités de leur candidat.
Il y a Greg, qui est persuadé que Benoît Hamon est « le candidat qui représente la France », et se retrouve en lui « corps et âme ». Alors il est fier de « l’énorme mobilisation » du MJS en Isère « sur le terrain et sur les réseaux sociaux », d’ailleurs le MJS Isère était « la plus grosse fédé au meeting de Bercy ». Anouar est lui aussi « choqué » qu’Hamon ait eu un score si faible alors qu’il était « la chance parfaite ». Maxime est également persuadé qu’Hamon « incarne la gauche forte du XXIème siècle » et que ses idées « pèsent bien plus que 6 % ». Alice vante « l’homme merveilleux ». Clémentine est engagée au sein du MJS depuis les primaires de 2011 : elle n’avait jamais eu « autant d’idées en commun avec un candidat. Le #Hamontour fut une très belle expérience ». Hugo, le boss, pense que la « seule réponse face au projet obscurantiste de Marine Le Pen » sont les projets de « revenu universel, récépissé de contrôle d’identité, et transition écologique ». Il en est persuadé : « Hamon a dix ans d’avance ». Je n’ai pas trop l’habitude de la culture de parti politique, sans doute sont-ils tous comme ça, mais c’est quand même fascinant cette auto-persuasion permanente d’être dans le juste, sans aucune autocritique.
Et puis ça commence à faire fléchir ma tendresse : je m’attendais à trouver des dépressifs, et je tombe sur des arrogants persuadés de représenter l’avenir.
Si le demi-Dieu Hamon a perdu, ce n’est donc ni de sa faute, ni de la leur. En cause, il y a un peu « la campagne tardive » mais surtout le Diable-Mélenchon et ses affidés, qui en prennent plein la gueule : « ils passent leur vie sur les réseaux sociaux à dire qu’ils sont les best, ils sont vraiment ridicules » ; « Mélenchon n’a fait qu’essayer de décrédibiliser le PS, de mettre des bâtons dans les roues depuis cinq ans ». Le MJS ont un peu une position bancale – en même temps critiquer le hollandisme, en même temps critiquer ceux qui l’ont critiqué avant eux – mais ça n’a pas l’air de le déranger. Il y a quand même quelques moments de lucidité : César, seize ans seulement et secrétaire national de l’UNL Isère (union nationale lycéenne - il le dit fièrement à qui veut l’entendre à chaque manif) analyse que « les pauvres voteront pour Le Pen, tandis que les riches pour Macron ». Un autre souligne que ceux qui votent Le Pen, c’est « l’électorat historique que l’on a trahi ». Et finalement la réunion se termine sur un pronostic étonnamment pertinent : « On va se prendre une raclée aux législatives ». Avant de quand même se rassurer : « mais ensuite on repartira sur une meilleure voie ».
C’est vraiment fatiguant cet optimisme : je voulais être attendrie, je repars énervée. Quelques semaines plus tard, j’apprends qu’Hugo David est finalement candidat suppléant aux législatives sous l’étiquette « Ensemble pour gagner », nouveau mouvement espérant rassembler autour de Piolle et des Verts et venant encombrer un peu plus le créneau local autour de « la gauche rassemblée », du « rassemblement de la gauche » et du « tous ensemble et rassemblés à gauche » (au moins trois candidats dans chaque circonscription racontent à peu près la même chose). En dehors de la fracture de plus en plus grande entre les vieux hollandistes du PS et les jeunes hamonistes du MJS, ce ralliement montre bien le sens local du vent. Les jeunes loups du PS quittent le navire pour élargir la majorité de Piolle sur sa droite : seront-ils enfin dans le camp des gagnants en 2020 ?