L’asile soigne sa sécurité – suite
Vous me décevez beaucoup
L’article du dernier numéro sur le Chai (centre hospitalier Alpes-isère) a suscité pas mal de réactions. Revue de courriers de lecteurs.
« C’était quoi votre volonté dans le papier ? » Un soignant ne l’a pas trop apprécié, ainsi que ses collègues travaillant au TSA (le service dédié à l’autisme). « La situation s’est bien améliorée depuis 2018 » tente de nous persuader notre interlocuteur.
Dans un autre mail, une psychiatre ayant travaillé au Chai nous démonte un peu plus : « La première partie, bon sang ! On est encore sur ces discours tellement communs critiquant les chambres d’isolement ? Savez-vous qu’une chambre d’isolement est comme un soin intensif ou de la réa ? Qu’il est extrêmement rare dans nos pratiques professionnelles d’en abuser ? Critiquer les chambres d’isolement sans remettre dans le contexte, c’est comme critiquer une opération à cœur ouvert. C’est violent, mais nécessaire au vu de l’urgence de la situation psychique. Oui il y a des abus. Mais de faire peur à la population avec ce sujet, c’est vraiment trop facile. Il est important de nuancer vos propos en parlant de l’utilité de ce soin. Vous me décevez beaucoup. Vous ne connaissez pas le sujet. »
D’un autre côté, Yves un autre lecteur nous fait suivre l’article de Libération (30/03/2021) évoquant l’Unafam (L’Union nationale de familles et amis de personnes malades ou handicapées psychiques, une asso d’usagers de la psychiatrie) qui « a collecté 135 rapports provenant de 54 départements, concernant les années 2017, 2018, 2019. En tout, ce sont des moments de vie de plus de 50 000 patients qui ont été ainsi observés. (…) “On peut dire que, presque partout, il y a des violations des droits des patients, des dysfonctionnements graves ou des incohérences problématiques”, rapporte Michel Doucin, administrateur de l’Unafam. »
Le père de Jonathan, dont on parlait dans l’article, n’est lui pas d’accord avec la chute de notre article : « La maltraitance dont a été victime Jonathan et a fortiori l’animosité dont nous avons subi le poids, comme d’autres, ne sont en rien liées au manque d’effectifs, même s’il est très réel. Bien au contraire, les soignants adoptaient à l’égard de notre fils, des postures contre-productives, augmentant leur charge de travail avec comme seul bénéfice une jouissance du pouvoir, voire une forme de sadisme, qu’évoque bien l’article paru dans la revue XXI me semble-t-il. » Dans le nouvel établissement où se trouve Jonathan, « la carence d’effectif n’est pas moins criante, certains soignants également ont peur de Jonathan (et ce sont ceux-là même qui peuvent, ponctuellement, être victimes d’accidents du travail) et plus encore que les infirmiers de l’HP, ils n’ont pas de formation spécifique : mais il est pris en charge avec une très grande humanité. De ce fait, il est détendu, souriant... »
Une remarque qui rejoint l’avis d’Yves qui trouve que « dramatiquement, il manque une perspective étrangère en France. Je m’étonne chaque jour du manque de curiosité des Français pour ce qu’il se passe ailleurs, en psychiatrie comme dans d’autres domaines. »
Ainsi, en Angleterre, le traitement des problèmes psychiatriques serait très différent, selon Yves dont un ami a testé les deux systèmes. « Il n’y a pas de contention là bas et une utilisation avec parcimonie des médicaments. Les familles sont tenues au courant, impliquées et le patient écouté. » Tout le contraire de la France où cet ami « s’est retrouvé en chambre d’isolement, entravé, sous camisole chimique de surcroît. » Remettre en question la médication à tout-va et l’enfermement imposé est-il une si mauvaise idée ?