Les résultats de la primaire des écolos nous ont remplis d’effroi. Si Piolle avait été le candidat gagnant des écolos, des milliers de ventes de notre bouquin Le vide à moitié vert – La gauche rouge-verte au pouvoir : le cas de Grenoble (Le monde à l’envers, 2021) étaient assurés. Avec son élimination dès le premier tour, tous nos rêves mercantiles s’envolent. Heureusement, pour une fois, notre éditeur avait, contre notre avis, fait un choix pertinent : ne pas mettre le nom de Piolle dans le titre du bouquin. Parce qu’en fait il ne s’agit pas d’un portrait de l’ex-présidentiable, mais d’une analyse du premier mandat de sa municipalité, avec des éléments de réflexion universels sur l’exercice du pouvoir par la gauche rouge-verte. Alors même si demain Piolle abandonne la politique pour se lancer dans une carrière de publicitaire pour le vélo électrique équitable, la lecture de ce bouquin sera toujours instructive. Encore une fois donc, n’hésitez pas à en faire la pub’ ailleurs qu’à Grenoble.
Mais si sa défaite nous a ébranlés, c’est aussi que l’espace de quelques jours, on a eu peur de se faire avoir par notre satanée empathie. Depuis toujours, on a un penchant pour les perdants, un faible pour les losers, une sympathie pour les échecs et les scénarios tragiques. Sans qu’on puisse expliquer si ce trait de caractère est une cause ou une conséquence de notre attachement à toutes les causes perdues qu’elles soient politiques (les cabines téléphoniques, les déconnectés, les Gilets jaunes, les facteurs, les infirmières) ou sportives (Thibaut Pinot ou la France à l’Eurovision).
Alors on a eu peur que Piolle devienne un loser, qu’il perde cette prétention arrogante et ce manque d’humilité qui caractérisent son exercice du pouvoir. Son coté petit péteux qui ressort dans ce genre d’affirmations : « Tout ce que j’entreprends, je le réussis ; d’ailleurs, mes frères et sœurs sont jaloux. » (L’Obs, 7/03/2021) Et qu’on commence à ressentir une certaine tendresse, que nos articles sur lui ou la mairie s’en ressentent, qu’on soit de moins en moins « féroces » comme disent les critiques littéraires (1), et qu’on se mette à écrire des robinets d’eau tiède relevant plus de la communication que du journalisme.
Heureusement cette peur s’est vite estompée. Six jours après sa Bérézina, Piolle répond au Daubé (25/09/2021) : « J’ai mis deux minutes à digérer ma défaite à la primaire écologiste. » Et de dérouler son verbiage habituel, sans aucun doute ou faiblesse. Il assure même : « Je m’étais préparé pour remporter cette primaire […] puis emporter la présidentielle. […] La première étape (la primaire) était la plus incertaine. » Sous-entendu : j’ai perdu la primaire par malchance, mais si je l’avais gagnée j’aurais été élu président… Même dans la défaite, Piolle parvient à être un winner, sûr de lui et sans faille. Notre tendresse risque donc de ne pas avoir la moindre raison de pointer le bout de son nez.
Dans son dernier bouquin De l’espoir ! Pour une république écologique (Les liens qui libèrent, 2021), encore plus plat que le précédent, Piolle semble avoir un moment de lucidité : « Nous sommes lassés par les discours qui ne disent rien et ne changent rien, même s’ils sont parfois prononcés avec bonne volonté. L’agitation et la polémique semblent utilisées par de nombreux responsables politiques pour cacher leur perte de légitimité, masquer l’essentiel et leur impuissance à s’y consacrer. » Le pire c’est qu’en voulant critiquer ses adversaires, il ne se rend même pas compte qu’il fait la plus juste analyse de toute son agitation.
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