Accueil > Hiver 2021 / N°59

Progil–Vencorex doit être sur le banc des accusés de l’agent orange !

Depuis le 25 janvier, un procès s’est ouvert à Evry (dans l’Essonne) contre des multinationales agrochimiques accusées d’avoir fabriqué le fameux « agent orange » pulvérisé par l’armée étasunienne sur les forêts du Vietnam dans les années 1970. Ce procès a lieu grâce à la persévérance d’une des victimes de ces épandages, la franco-vietnamienne Tran To Nga, dont les enfants et petits-enfants subissent aussi les séquelles de cet empoisonnement chimique. Mais sur le banc des accusés, si on trouve des géants comme Bayer-Monsanto, il manque par contre Progil (aujourd’hui Vencorex), usine chimique de Pont-de-Claix qui a très discrètement produit cet agent orange. Dans le dernier numéro, nous avions publié un courrier de Roland Calmel, ancien salarié de cette usine, qui révélait quelques détails sur cette production. Suite à notre appel à témoignages, plusieurs lecteurs nous ont envoyé d’autres éléments confirmant cette information devant entraîner la présence de Progil-Vencorex sur le banc des accusés de l’agent orange.

Francis Gendreau nous a écrit pour dire que « l’information de Roland Calmel est confirmée par plusieurs autres sources, par exemple :

  • Dès 1973, un dossier publié dans Vérité Rhône-Alpes mentionne qu’“un défoliant fabriqué chez Progil, et pulvérisé par les Étasuniens au Vietnam, a servi à y détruire les forêts.
  • En août 2004, le syndicat FOD-Rhodia (Front ouvrier démocratique) indique que la société Progil avait construit dans les années soixante dans son usine de Pont-de-Claix, une installation pour produire l’agent orange destiné à l’armée étasunienne au Vietnam.
  • En novembre 2015, sur le blog d’Alain Godard, cadre de Rhone-Poulenc Agrochimie (héritier de Progil et devenu Aventis en 1999) de 1975 à 2001 (il sera PDG en 1991), un échange a lieu entre l’intéressé et André Bouny, auteur d’un livre sur l’agent orange, qui l’interroge sur la fabrication de l’agent orange à l’usine Progil de Pont-de-Claix. La réponse d’Alain Godard est plus qu’ambiguë… »

Le dossier de Vérité Rhône-Alpes mentionné est plus détaillé par un papier de Pièces et main d’œuvre « Chimie, des antipollueurs aux écotechs » datant de 2005 : « On y apprend qu’un défoliant fabriqué chez Progil, et pulvérisé par les Américains au Vietnam, a servi à y détruire les forêts. L’OCPA, un herbicide, est cancérigène. Les essais de toxicité sont bâclés, les ouvriers victimes d’accidents et de maladies du travail : brûlures, dermatoses, hypertrophies des testicules. “Au lindane, c’est l’enfer” . On y crève à produire cet herbicide “dont on sait par ailleurs qu’il a de graves répercussions sur la faune des rivières”. [...]“Savez-vous qu’à Progil il y a en permanence une trentaine de mètres cubes de phosgène, qui est un gaz de combat mortel et presqu’autant de chlore, le tout liquéfié bien sûr.” »

Enfin, on nous a transmis le bulletin du syndicat Lutte ouvrière de Progil datant du 27/03/1970 dans lequel on trouve ce passage : « Pour l’agriculture, Progil commercialise des herbicides dont la destination et les conséquences sont des plus inattendues. Par exemple : le 2-4 D et le 2-4 5T peuvent provoquer des malformations à la naissance. [...] Ceci est le résultat d’une enquête américaine, qui amena l’interdiction de l’utilisation de ces produits sur le territoire des USA. Or l’armée américaine les utilise pour les conflits au Vietnam, Laos, … comme défoliants. Ne pouvant plus se les procurer aux USA, vu l’interdiction, elle passe des contrats des firmes étrangères, dont Progil fait vraisemblablement partie.  »