Accueil > Automne 2017 / N°42

La noix connectée : Sylha

116 ans après la création du concours Lépine, le fameux concours français d’inventions, Le Postillon lance son propre challenge, dénommé le concours de la noix connectée. À chaque numéro, nous honorerons l’innovation grenobloise la plus stupide du moment, celle qui pique le bon sens et la décence ordinaire. Les postulants étant chaque jour plus nombreux, la sélection d’un seul lauréat est un combat acharné ; aussi réclamerons-nous votre indulgence.

Pour cette seconde édition, le jury du journal a élu en toute solidarité le projet Sylha. Cette « jeune pousse grenobloise » a pour but de « développer le cashless solidaire », avec l’ambition de devenir « leader européen du paiement alternatif » - rien de moins. Concrètement, l’idée est de mettre en circulation des « pièces connectées », pouvant être fixées sur un bracelet, et qui permettraient de faire « des achats chez tous les commerçants et structures adhérentes de la solution Sylha. (…) Plus tu utilises ta pièce, plus tu vas générer des points qui auront une valeur monétaire en fonction des revenus que l’on aura générés dans le mois. Tu peux ensuite redistribuer tes points aux associations ou projets présents sur Sylha », s’émerveille Hélène, la chargée de com’ (lasalopette.net, 7/04/2017). Dans le clip de présentation, on promet à une petite fille de devenir une « citoyenne proactive d’une ville agile, où chacun de manière transparente donne du sens à ses dépenses » grâce à Sylha, qui va « révolutionner notre quotidien ». Rien n’est dit sur la paix dans le monde et la résolution du conflit israélo-palestinien, mais à l’issue du clip de promo, on ne peut qu’être persuadé que Sylha emmènera l’humanité vers un futur radieux. Tout ça pour un gadget s’engouffrant dans la mode du « sans-contact-connecté-NFC » et voulant donner l’illusion que les nouvelles technologies pourraient faciliter des « démarches solidaires ». C’est encore plus compliqué que la monnaie locale le Cairn (voir Le Postillon n°41) et on ne parierait pas le moindre euro - connecté ou pas – sur la réussite de sa mise en place en dehors d’un cercle très restreint de jeunes branchés. Et si jamais ça marche, cette « innovation » supposée être « data-responsable » développerait encore plus le flicage des dépenses et des goûts. Lors d’une présentation à la Belle électrique (le 8 septembre dernier), le fondateur Lucas Duchaine, a voulu rassurer sur les risques de « flicage par le Big data » dénoncés par un membre du public : « dans tous les cas, on est fliqués, avec Sylha cela sera de manière éthique ». Il y a pourtant tellement d’autres manières d’être solidaire loin du « cashless » et du « flicage éthique ».