Accueil > Décembre 2017 / N°43

JO de 1968 : Médaille d’or de la girouette pour les Verts

Depuis qu’ils sont au pouvoir, Piolle et les élus Verts grenoblois ne disent rien de mal sur les J.O. de 1968 et promeuvent une série d’événements « célébrant » leur cinquantenaire. Il y a dix ans, ils étaient autrement plus critiques...

Il manque des mots dans la langue française. Il manque un verbe ou un adjectif pour désigner ces politiciens qui, une fois arrivés au pouvoir, renient complètement leur passé. Il y a bien arrivistes, retournements de vestes, traîtres, girouettes, mais il manque un mot spécifique. On le cherche en tout cas, pour désigner l’attitude des élus municipaux, et spécialement les Verts, vis-à-vis de la commémoration des Jeux olympiques de 1968. Piolle a récemment été tout fier de présenter les dizaines d’événements qui vont célébrer cet anniversaire jusqu’en juin 2018, coorganisés avec le département, la métropole, l’état, les fédérations ou le Coljog (Conservatoire observatoire laboratoire des Jeux olympiques de Grenoble). « Ce n’est pas une commémoration, mais une célébration », précise Piolle à L’Essor (11/11/2017). Le but est de créer « un événement festif, populaire, sportif, culturel, intergénérationnel »... Ce qui semble certain, c’est que le but n’est pas de faire réfléchir. En survolant le programme, on ne voit aucune trace d’esprit critique sur le déroulement et le bilan de ces J.O. L’exposition présentée à la Foire de Grenoble est on ne peut plus lénifiante afin de célébrer ces « mois d’enthousiasme et de mobilisation générale ».

Et pourtant... Il y a dix ans à peine, les Verts se montraient bien moins béats à propos du cirque olympique. Alors que le comité anti-olympique 38 (dont le site http://cao38.eu.org est toujours consultable et très instructif) faisait feu de tout bois contre la candidature de Grenoble aux J.O. de 2018, les Verts s’étaient eux aussi positionnés contre ce projet. Dans un pavé de 46 pages, les militants d’EELV analysaient « la face cachée de la candidature » et revenaient notamment sur les J.O. de 1968 en exhumant des documents d’archives. Extraits : « S’il est effectivement facile de voir, à travers les verres déformants de la politique, cet événement comme une renaissance de la ville, cela devient impossible dès lors qu’on consulte témoignages, rapports et autres analyses de l’objet, qu’ils datent de l’époque ou d’aujourd’hui. En effet, exceptés les membres du Coljog [avec qui la municipalité est maintenant partenaire !], il est rare de trouver des experts qui gardent un bon souvenir de la manifestation. Le rapport de Danielle Dailly, publié en 1970, soit deux ans à peine après les Jeux, intitulé L’influence des Jeux Olympiques sur le développement de Grenoble [NDR : disponible aux archives de la ville de Grenoble] est, sur ce point, sans concession. (…) Le second volet du « mythe des Jeux » prétend qu’ils furent un formidable tremplin pour l’activité économique locale. Les deux courbes ci-dessus illustrent les conséquences directes de la préparation des J.O. sur l’état des finances locales : une dette qui explose, des impôts locaux multipliés par plus de 2,6 en seulement trois ans (...). » Dix ans plus tard, on n’a entendu aucun élu municipal exprimer le moindre recul par rapport à la propagande « célébrant » les J.0. de 1968. Ni profiter de l’occasion pour dénoncer, par exemple, les magouilles du CIO (Comité international olympique), les ravages des jeux organisés en Grèce ou au Brésil, le catastrophique « bilan carbone » de tels événements planétaires. Il y en aurait de belles expos à faire !

Dans le même pavé, les Verts citent un passage édifiant du bouquin de Pierre Frappat, Grenoble le mythe blessé. On ne peut résister au plaisir de vous le citer : « Et puis, la plupart des Grenoblois n’assistèrent aux Jeux que devant leurs postes de télévision, la majorité d’entre eux étant écartée des stades ou des pistes par la rareté des places ou leur prix prohibitif. Les Grenoblois ne manifestèrent jamais, ni avant ni pendant, un grand enthousiasme à l’égard des J.O. Déjà, quand le docteur Michallon obtint les Jeux en janvier 1964, malgré une presse qui avait chauffé son public, il n’y eut que quelques dizaines de Grenoblois qui se déplacèrent à la gare pour accueillir le triomphateur. N’est-ce pas cette même froideur qui explique que dix ans après, en février 1978, malgré les tentatives de quelques-uns, le dixième anniversaire des Jeux n’ait donné lieu qu’à quelques très modestes manifestations ? Si les Jeux olympiques sont loin, les Grenoblois en paient cependant toujours la note. » Les grands événements, c’est comme le bon vin, ça se bonifie avec l’âge. Les convictions des Verts, par contre, c’est devenu de la vieille pisse d’âne.